La société Energie du Mali (EDM-SA), en grandes difficultés de trésorerie, a vu sa gestion passée à la loupe par le Bureau du Vérificateur général. Elle est épinglée pour plus de 92 milliards de F CFA d’irrégularités financières sur les exercices 2020 au 31 octobre 2023
La vérification a pour objectif de s’assurer de la régularité et de la sincérité des opérations de dépenses et de recettes ainsi que la trésorerie d’EDM-SA. Les travaux de vérification ont porté sur les opérations de produits et de charges, le recouvrement des créances, la passation des marchés, ainsi que la gouvernance et la gestion du personnel. Cette vérification a mis en exergue des irrégularités administratives et des irrégularités financières.
La vérification a relevé des irrégularités financières d’un montant total de 92 149 419 533 FCFA. Elles sont relatives à l’augmentation irrégulière du prix de l’énergie achetée par la Société EDM-SA à Albatros Energy sur décision du ministre chargé de l’Energie pour un montant de 7 358 762 523 F CFA ; au montant de l’Impôt sur le Revenus des valeurs mobilières pour 32 904 000 F CFA payé sur ressource EDM en lieu et place des membres du Conseil d’administration de la Société EDM-SA; au paiement indu à Albatros Energy d’énergies non produites et non livrées à EDM-SA pour un montant de 18 665 648 762 F CFA ; au paiement indu à Albatros Energie au titre du financement des cuves pour un montant de 1 465 944 480 F CFA ; aux dépenses indues à travers trois contrats additionnels non justifiés au profit d’un fournisseur pour un montant cumulé de 278 333 210 F CFA ; au montant de 526 372 338 F CFA payé pour la fourniture à Bougouni d’un groupe électrogène qui n’a pas fonctionné avant la réception définitive ; au montant de 294 800 940 F CFA payé pour la fourniture à Bougouni de deux groupes électrogènes qui n’ont pas fonctionné avant la réception définitive; au montant de 161 237 880 F CFA payé pour la fourniture d’un groupe électrogène livré à Kangaba puis enlevé par le fournisseur pour des besoins de réparation mais ne l’a pas remis à sa place depuis trois ans; au montant de 332 156 012 F CFA payé à un fournisseur pour deux groupes électrogènes non livrés à Sévaré; au montant de 297 688 602 F CFA payé à un fournisseur pour cinq groupes électrogènes ne disposant pas des puissances contractuelles requises ; au montant de 438 987 279 F CFA versé à deux fournisseurs qui ont livré à Gao et à Diboli des groupes électrogènes avec les puissances contractuelles non conformes ; aux frais d’escompte irrégulièrement supportés par la Société EDM-SA à la place de certains fournisseurs de carburant pour un montant de 12 260 566 364 F CFA ; à la dotation en carburant non due au ministère de l’Energie et de l’Eau pour un montant de 38 116 360 F CFA ; au non-respect de modalité d’octroi des avances et prêt par le directeur général et le directeur des ressources humaines de la société EDM-SA ; aux divisions de lots et attributions irrégulières des marchés de combustibles par des membres des commissions d’ouverture et d’évaluation des offres à hauteur de 3 491 086 623 F CFA ; au payement de la TVA sur des achats exonérés pour un montant de 30 573 371 990 F CFA ; aux pénalités de retard non retenues sur des marchés pour un montant de 9 919 796 668 F CFA ; aux amendes fiscales pour non-enregistrement de 550 contrats pour 55 000 000 F CFA ; à la redevance de régulation non acquittée sur les marchés ne comportant pas le cachet des impôts pour un montant de 2 755 376 127 F CFA ; aux droits de timbre non reversés aux impôts pour un montant de 3 203 269 375 F CFA.
La mission de vérification a constaté que le ministère chargé de l’Energie et EDM-SA ne procèdent pas à la revue quinquennale de la concession de d’EDM-SA. En effet, aucune preuve de tenue d’une revue quinquennale au cours de la période couverte par la vérification n’a pu être mise à la disposition de l’équipe de vérification.
Le ministère chargé de l’Energie n’a pas mis fin à la concession de la Société Albatros Energy, malgré l’aggravation du déséquilibre financier de la Société EDM-SA due en partie à a Société Albatros Energy.
De janvier 2020 à mai 2022, sur un montant total de 32,773 milliards de F CFA payé à la société Albatros Energy par le directeur général de la société EDM-SA, 57 % ont été payés pour une énergie non produite, non enlevée et non consommée par EDM-SA.
Le commissaire aux comptes et le conseil d’administration n’ont pas veillé sur la continuité de l’exploitation de la société EDM-SA. En effet, le commissaire aux comptes n’a pas alerté le conseil d’administration au cours de la période sous revue alors que les états financiers révélaient que la continuité de l’exploitation de la société était compromise durant toute ladite période.
Le directeur général de la société EDM-SA n’a pas respecté les clauses contractuelles d’un marché de fourniture de groupes électrogènes en souffrance. En effet, dans le cadre de l’exécution du contrat n°22/522DG/DP du 6 décembre 2022 relatif à la fourniture et installation de 29 groupes électrogènes neufs conteneurisés de type « Perkins » et transformateurs pour les centres de l’intérieur de la société EDM-SA, le fournisseur a fourni des groupes électrogènes de faibles capacités avec des problèmes techniques après le paiement d’une avance de démarrage de 1,88 milliard de F CFA.
La société EDM-SA attribue des marchés de groupes électrogènes à des fournisseurs qui n’ont pas entièrement exécuté des marchés antérieurs. En dépit des défaillances constatées dans l’exécution des marchés antérieurs, elle a encore attribué par entente directe trois (3) marchés à un fournisseur n’ayant pas entièrement exécuté trois (3) marchés, et un marché à un autre fournisseur n’ayant pas entièrement exécuté un marché antérieur.
La société EDM-SA ne procède pas au recouvrement exhaustif des recettes. La société EDM-SA n’a pas recouvré des impayés sur recettes de 2020 à octobre 2023, d’un montant de 106, 648 milliards de F CFA. Bien que la coupure et la résiliation des abonnements s’appliquent à tous les clients ayant au moins une facture échue, les impayés devraient faire l’objet de procédure de pré contentieux et de contentieux au lieu de les garder dans les livres de la Société EDM-SA sans évolution notoire.
La société EDM-SA n’a pas payé à l’Etat du Mali à travers la direction générale des domaines et du cadastre la redevance unique pour l’utilisation des trois (3) centrales hydroélectriques pendant la période sous revue. Il s’agit de l’usage et l’exploitation de l’ensemble des installations de production hydroélectrique de Sélingué, de Sotuba et de Félou mises à sa disposition. Le montant de la redevance pour les trois centrales s’élève à 600 millions de F CFA par an soit un montant total de 2,300 milliards de F CFA pour la période sous revue.
La société EDM-SA utilise des procédures d’acquisition de combustibles non prévues dans son manuel de procédures internes. Dans le cadre de l’acquisition des combustibles, la Société EDM-SA utilise d’autres procédures spécifiques de passation non autorisées par les procédures internes et non prévues par les procédures nationales de passation de marchés.
Le directeur général de la société EDM-SA a irrégulièrement conclu des contrats par entente directe dans le cadre des achats de combustibles. Il a conclu des protocoles d’accord valant contrat de suppléance de montant largement supérieur au seuil des 3 % du chiffre d’affaires hors taxes de l’activité “Electricité” de l’exercice précédent sans les conditions de dérogation.
Les commissions d’ouverture et d’évaluation des offres procèdent à des attributions irrégulières des marchés de combustibles. Elles ne respectent pas les critères d’évaluations des offres. En effet, lesdites commissions procèdent à l’évaluation des offres et au classement des soumissionnaires mais attribuent des quantités de combustibles aux offres évaluées moins disantes inferieures à celle du 2e et le reste au 3e sans aucune indication dans le DAO. Il ressort également que chaque lot a été attribué à trois fournisseurs, soit trois marchés par lot, donc six marchés pour les deux lots au lieu de deux.
Compte tenu de ces constatations, la mission de vérification a recommandé au ministre chargé de l’Energie de procéder à la revue quinquennale de la convention de concession de la Société EDM-SA ; mettre fin à la convention de concession de la société Albatros Energy Mali conformément aux clauses prévues dans la convention de concession ; scinder la société EDM-SA en deux sociétés distinctes dont l’une s’occuperait des investissements et de la production et l’autre s’occuperait des activités commerciales y compris la distribution.
Au commissaire aux comptes de la société EDM-SA d’enclencher l’alerte auprès du Conseil d’administration lorsque les conditions sont réunies.
Au président du conseil d’administration de la société EDM-SA de convoquer l’Assemblée générale Extraordinaire pour statuer sur l’insuffisance des capitaux propres de la société EDM-SA ; recapitaliser la structure financière de EDM-SA au cas échéant ; proposer de scinder la société EDM-SA en deux sociétés différentes dont l’une s’occuperait des investissements et de la production et l’autre s’occuperait des activités commerciales y compris la distribution ; exiger la résiliation du contrat d’achat d’énergie avec la société Albatros Energy Mali.
Au directeur général de la société EDM-SA de respecter les clauses contractuelles des contrats en souffrance ; éviter de conclure des marchés avec des fournisseurs défaillants ; procéder au recouvrement exhaustif des recettes ; s’acquitter de la redevance d’utilisation des centrales hydroélectriques ; respecter les clauses du contrat de concession relatives à la transmission au maître d’ouvrage des inventaires des biens de reprise ; utiliser les méthodes de passation prévues par les procédures internes ; respecter la procédure d’entente directe ; attribuer les marchés suivant les critères d’évaluation des offres indiqués dans le dossier d’appel d’offres.
Les faits relevés dans le rapport de vérification et qui sont susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale et à la législation budgétaire et financière concernant ces irrégularités financières ont été dénoncés au procureur de la République du Pôle national économique et financier et transmis au président de la Section des comptes de la Cour suprême, au directeur général des impôts et au président de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public.
Source
Cecom BVG