Le rapport 2022 du Bureau du Vérificateur Général (BVG) sur la délinquance financière au sein des structures étatiques est édifiant : la gestion du cadastre minier par la Direction Nationale de la Géologie et des Mines (DNGM), a laissé un trou de 2,826 milliards FCFA (2 826 712 238 F) dans la caisse pendant les exercices 2018, 2019, 2020 et 2021 (31 août).
Face à la gabegie ambiante à la DNGM et à l’affairisme du clan qui la dirige, doit-on s’emmurer dans un silence pour éviter ses foudres ? Heureux, ceux qui se posent, encore, ces questions. Car, il y a longtemps que l’oligarchie de la DNGM a anesthésiée les convictions. Avec des espèces sonnantes et trébuchantes. Et partout, le même constat, l’amer constat : motus et bouche cousus. Personne pour dénoncer ces magouilles et affairismes à la pelle. On reste de marbre, face à la gestion clanique du cadastre minier par la DNGM, face à cette gabegie ambiante qui hypothèque l’avenir des maliens.
Partout, le même silence assourdissant. Parce que le tout-puissant patron de la DNGM, Cheick Fanta Mady Keita, verse des liasses dans leurs escarcelles. Donc, il faut applaudir ses faiblesses, tolérer ses fantasmes.
Des irrégularités à la pelle
Le secteur minier occupe une place importante dans l’économie malienne. Il est caractérisé par l’abondance et la variété des ressources. On distingue à cet effet l’or comme principal minerai exploité. Le Mali possède également une importante quantité de réserves minières comme le diamant, la bauxite, le fer, l’uranium et d’autres substances.
Le secteur minier est vital pour l’économie malienne dans la mesure où il représente plus d’un million d’emplois, 7% du PIB, un quart du budget de l’État et les trois quarts des exportations. Du coup, la délivrance des titres miniers engendre des recettes pour l’État, constituant des ressources financières générées par la gestion du cadastre minier par la DNGM.
Durant la période sous revue, 809 titres miniers ont été délivrés par l’Administration des mines. Le montant total des recettes encaissées par la DNGM, en contrepartie de la délivrance des titres miniers ainsi que diverses pénalités, pour la période sous revue, s’élève au total à 6,545 milliards de nos francs (6 545 397 779 FCFA). D’où le lieu pour le Vérificateur Général de voir clair dans la gestion du cadastre minier par la Direction Nationale de la Géologie et des Mines, pendant les exercices 2018, 2019, 2020 et 2021 (31 août).
La publication d’un rapport de vérification financière sur la gestion de la DNGM vise à s’assurer de la régularité, de la sincérité des opérations de recettes et de dépenses, du respect des conditions d’attribution des titres miniers, et de la mise en œuvre des conventions d’établissement y afférentes. En effet, les travaux de vérification ont porté sur les conditions d’attribution des titres miniers destinés à l’exploration et à la recherche, à la mise en œuvre des conventions d’établissement y afférentes et les opérations de recettes et de dépenses effectuées par la DNGM et la DFM du Ministère des Mines de l’Énergie et de l’Eau dans le cadre de la gestion du Cadastre minier.
D’embrouilles en magouille
À en croire le rapport du vérificateur, le ministre en charge des Mines, au moment des faits, ne s’est pas assuré de l’implication des communautés locales dans des travaux de recherche minière.
Pour s’assurer du respect des dispositions du code minier, l’équipe de vérification a procédé à une revue documentaire des permis de recherche attribués et des conventions d’établissement signées durant la période sous revue. Elle a effectué des visites de site en présence d’un représentant de la DNGM, d’un représentant des Communes des localités visitées et d’un ou des représentants des sociétés concernées. Aussi, les enquêteurs ont eu des rencontres avec les Chefs de village et les Conseillers desdites localités et se sont entretenus avec les représentants des différentes sociétés concernées. Mieux, l’équipe de vérification a constaté que les populations des zones concernées n’ont pas été préalablement consultées avant la délivrance des permis de recherche alors que les sites sur lesquels portent lesdits permis sont des champs, des lieux de cultes, etc. Et coup de théâtre, il ressort que la notice d’impacts environnemental et social pour les travaux de recherche n’existe pas dans le lot de documents examinés. En effet, le titulaire du permis de recherche délivré par Arrêté n°2021/1950/ MMEE-SG du 30 avril 2021 portant attribution d’un permis de recherche d’or et des substances minérales du groupe 2 à Narena-Nord dans le Cercle de Kangaba, n’a pas pu effectuer les travaux programmés dans la convention d’établissement, à cause du refus total de la population du village de KENIEMA.
L’équipe de vérification a constaté l’occupation et l’exploitation illégales par des orpailleurs nationaux et d’autres nationalités au détriment des titulaires légaux des sites des permis. Le défaut d’implication et d’information des populations locales entraîne des oppositions préjudiciables à la réalisation des projets miniers et favorise l’occupation et l’exploitation illégales des sites miniers.
Le Ministre en charge des Finances et le Ministre chargé des Mines n’ont pas pris l’Arrêté interministériel fixant le taux et la clé de répartition des produits issus des pénalités.
Pour s’assurer de la régularité des modalités de répartition des ressources destinées à alimenter le Fonds de financement de la recherche, de la formation et de la promotion des activités minières, l’équipe de vérification a examiné les textes qui régissent les modalités de fonctionnement et de gestion dudit Fonds et s’est entretenue avec le Directeur National de la Géologie et des Mines, Cheick Fanta Mady Keïta.
Du coup, elle a constaté l’inexistence de l’Arrêté interministériel fixant le taux et la clé de répartition des produits issus des pénalités revenant aux agents à titre d’intéressement ou de prime de découverte, comme prévu par le Décret n°2012-717/PM-RM du 20 décembre 2012 fixant les modalités de fonctionnement et de gestion du Fonds. De plus, l’équipe a remarqué que le Décret n°2020-0177/PT-RM du 12 novembre 2020 fixant les conditions et les modalités d’application du Code Minier en République du Mali n’a pas prévu de disposition spécifique relative aux modalités d’alimentation du Fonds. L’absence de ces textes d’application ne permet pas une meilleure répartition des ressources issues de la gestion du Fonds minier. Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.
Même le Ministre en charge des Mines a irrégulièrement, ouvert un compte bancaire. Ce qui est une violation flagrante de l’article 18 du Décret n°2018-0009/P-RM du 10 janvier 2018 portant Règlement général sur la comptabilité publique qui dispose : « Sous l’autorité du ministre chargé des Finances, les comptables directs du Trésor, principaux secondaires, exécutent toutes les opérations budgétaires, financières et de trésorerie […] des comptes spéciaux du Trésor ».
Ainsi, pour s’assurer de la régularité du fonctionnement et de la gestion du Fonds de financement de la recherche, l’équipe de vérification a requis par courriers à la DFM du Ministère chargé des Mines, la demande d’ouverture du Compte bancaire du Fonds de recherche. Elle s’est enfin entretenue avec le Directeur National de la Géologie et des Mines, le Président du comité de pilotage du fonds de financement de la recherche et le Directeur des Finances et du Matériel.
Dans la foulée, la mission de vérification a constaté que le ministre en charge des Mines a ouvert le compte bancaire n°25100010802-17 dans les livres de la BIM-SA en lieu et place du compte d’affectation spéciale du Trésor pour la gestion du fonds de financement de la recherche, de la formation et de la promotion des activités minières. Ledit compte est sous la co-signature du Directeur des Finances et du Matériel du Ministère chargé des Mines et du Directeur National de la Géologie et des Mines, alors que le comptable assignataire désigné par le Décret 2012-717/PM-RM du 20 décembre 2012 susvisé pour ce Fonds, est le Payeur Général du Trésor.
Ainsi, les recettes collectées lors de la signature des conventions, du transfert des titres miniers, et les pénalités payées par les sociétés minières, destinées à alimenter le Fonds de financement de la recherche, de la formation et de la promotion des activités minières sont versées sur ce compte bancaire géré par la DFM du Ministère chargé des Mines. L’ouverture irrégulière d’un compte bancaire favorise la réalisation des dépenses inéligibles sur le fonds de financement de la recherche, de la formation et de la promotion des activités minières.
Plus grave encore, le Directeur National de la Géologie et des Mines et le Directeur des Finances et du Matériel du Ministère des Mines, de l’Énergie et de l’Eau (MMEE) ont utilisé le compte bancaire irrégulier.
Pour s’assurer de la régularité du fonctionnement et de la gestion du fonds de financement, l’équipe de vérification a examiné le décret fixant les modalités de fonctionnement et de gestion du Fonds, les situations du compte d’affectation du Fonds par le Payeur Général du Trésor ainsi que les relevés bancaires relatifs au compte bancaire ouvert au nom dudit Fonds. Elle s’est aussi entretenue avec le Directeur National de la Géologie et des Mines, le Directeur des Finances et du Matériel et le 2ème Fondé de Pouvoirs de la Paierie Générale du Trésor (PGT).
Il ressort de l’enquête que le Directeur National de la Géologie et des Mines et le Directeur des Finances et du Matériel du MMEE ont, irrégulièrement, exécuté des dépenses sur le fonds de financement de la recherche. En lieu et place du Payeur Général du Trésor, le Directeur National de la Géologie et des Mines et le Directeur des Finances et du Matériel du département, ont payé des dépenses pour un montant total de 1,400 milliards de nos francs (1 400 559 369 FCFA) sur le compte bancaire du fonds de financement de la recherche. L’utilisation du compte bancaire irrégulier favorise la réalisation de dépenses inéligibles. Autres injonctions relevées par le Vérificateur général dans la gestion du cadastre minier, la DNGM délivre, irrégulièrement, des titres miniers à des sociétés et elle ne dispose pas de manuel de procédures administratives, financières et comptables. Et lorsque la DNGM n’exige pas la production de rapports de fin d’activités et des résultats obtenus des détenteurs d’autorisation d’exploration, le dirlo Cheick Fanta Mady Keïta, prend des notes de service irrégulières.
Enfin, la DNGM a liquidé, irrégulièrement, les droits et les taxes sur la plus ou moins-value de cession des titres miniers et n’a pas assuré une surveillance régulière des activités de recherche. En effet, des sociétés titulaires de permis de recherche procèdent illégalement à des travaux d’exploitation d’or sans que la DNGM ne prenne des dispositions pour mettre fin à ces activités d’exploitation illégale.
Entre pourboire et ‘’pour manger’’
Décidemment, le patron de la DNGM, Cheick Fanta Mady Keïta et sa bande sont mal barrés. Le gouffre financier creusé au niveau de cette structure dépasse l’entendement.
En clair, la DNGM dans son histoire n’a jamais connu une telle hémorragie financière. Pire, elle n’a jamais été confiée à une personnalité, aussi controversée que Cheick Fanta Mady Keïta : de 2018 à 2021, les caisses ont coulé. Comme le fleuve Niger dans son lit. Les irrégularités financières n’ont pas été comptabilisées en centaines de millions. Mais en milliards de nos francs. En chiffre, il y a plus de 2 milliards de nos francs (2 826 712 238 FCFA) qui se sont évaporé.
La DNGM n’a pas seulement perdu de sa superbe. Elle a été vidée de son âme, vendu au diable. Et jusqu’aujourd’hui, son dirlo n’affiche qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, les gaffes au sein de ce service n’ont atteint un tel degré.
Pour la gestion des affaires, le Directeur National de la Géologie et des Mines, Cheick Fanta Mady Keïta, n’a pas exigé des sociétés minières le paiement compensatoire des déficits d’investissement. Il ressort des enquêtes financières que des sociétés titulaires de titres miniers n’ont pas payées à l’État malien, le déficit compensatoire d’investissement. En effet, l’équipe de vérification a constaté que les investissements réalisés par 32 sociétés ont été en deçà des minimas des programmes annuels d’investissement prévus dans les conventions d’établissement. De plus, lesdites sociétés n’ont pas versé à l’État le déficit compensatoire. Le montant total des déficits non compensés pendant la période sous revue s’élève à 2,826 milliards de nos francs (2 826 712 238 FCFA).
Pendant ce temps, des titulaires de permis de recherche procèdent, illégalement, à l’exploitation de l’or. Et suite à des visites de sites, l’équipe de vérification a constaté que le titulaire du permis de recherche de l’or à Bérila dans le Cercle de Bougouni, attribué par Arrêté n°2017-1565/MM-SG du 30 mai 2017 (renouvelé suivant Arrêté n°2020-3315/MMEE-SG du 31 décembre 2020), dispose de matériels et équipements d’exploitation sur ses deux sites de Bérila. Il s’agit de : deux (2) stations de concassage dont une sur chaque site ; un (1) concasseur primaire ; un (1) compresseur d’air ; quatre (4) pelles chargeurs (KOMAT-SU PC 200) ; douze (12) véhicules de transport de minerais dont 6 fonctionnels ; quatre (4) bulldozers ; un (1) concentrateur d’or ; une (1) carrière de 2500 m2 environ ; une (1) carrière d’environ 3000 m2.
Lesdits équipements sont opérationnels sur les deux sites de la société. Ainsi, l’équipe de vérification a fait dresser un Procès-verbal de constat par les soins d’un Huissier-Commissaire de Justice. À titre de mesure conservatoire, l’équipe de vérification a sollicité et obtenu du Président du Tribunal d’Instance de Bougouni l’Ordonnance gracieuse n°133 du 27 mai 2022 aux fins d’apposition de scellés sur les sites. Cette ordonnance a été exécutée par le même Huissier-Commissaire de justice.
Par ailleurs, par Lettres n°conf. 0308/2022/BVG et n°conf. 0307/2022/ BVG toutes du 2 juin 2022, le Vérificateur Général a informé respectivement le Président de la Transition et le Premier ministre de l’exploitation illégale de l’or sur le site de Bérila par la société GOLD PARTNERS SARL sur la base d’un permis de recherche.
Le Vérificateur a proposé au Premier ministre de bien vouloir envisager les mesures suivantes : saisir la Direction Générale du Contentieux de l’État, à l’effet de suivre et de défendre les intérêts de l’État au niveau du Tribunal d’Instance de Bougouni ; demander au Ministre en charge des Mines d’inviter ses services techniques à procéder à l’évaluation des préjudices causés à l’État par l’exploitation illégale et illicite d’or et produits dérivés par la société GOLD PARTNERS SARL .
Également, le Vérificateur Général a informé le Directeur Général du Contentieux de l’État par Lettre n°conf. 0324/2022/BVG du 13 juin 2022, des mêmes irrégularités susmentionnées pour la défense des intérêts de l’État. Les montants des préjudices causés à l’État par l’exploitation illégale et illicite d’or et produits dérivés par la société GOLD PARTNERS SARL qui seront évalués par les services techniques du Ministère en charge des Mines, pourraient faire l’objet de réclamation par voie contentieuse par les services habilités de l’État.
De même, la société BASHKAD GOLD SARL, titulaire du permis de recherche d’or et des substances minérales du groupe 2 à Koulaka dans le Cercle de Kangaba, objet de l’Arrêté n°2018-3558/MMP-SG du 1er octobre 2018 procède aux mêmes exploitations illégales sur son site.
En effet, lors de sa visite d’effectivité l’équipe de vérification a constaté la présence d’une (1) laverie d’une capacité de charge d’environ 10 m3 ; d’un (1) mini-concasseur ; d’un (1) excavateur en activité et d’un (1) camion benne en activité de transport de minerais. Aucune correspondance n’a été adressée à l’administration minière par la société titulaire dudit permis de recherche pour signaler la présence de ces équipements censés intervenir uniquement à la phase d’exploitation. D’où le lieu pour le Vérificateur de saisir la Section des Comptes de la Cour Suprême et le Pôle Économique et Financier de Bamako par rapport au non-recouvrement de déficit compensatoire pour un montant total de 2 826 712 238 FCFA et à l’exploitation illégale de l’or par des sociétés. Du coup, le boss de la DNGM, Cheick Fanta Mady Keita et sa bande sont sur une pente raide. Mauvais présage !
Jean Pierre James