Dans le cadre de l’exercice de son devoir citoyen, l’Association malienne de lutte contre la corruption et la délinquance financière (Amlcdf) a adressé une requête au Bureau du Vérificateur général aux fins d’un contrôle sur l’exécution des travaux d’entretien routier de la RN16 attribués en 2017 au Génie Militaire, en 2018 à un groupement d’entreprises et en 2019 à l’entreprise Presta Mali.
Dans sa requête, l’Association expose les faits dénoncés. En effet, attendu que le Mali s’étend sur plus d’un million de Km2 dont les 2/3 sont désertiques et occupés par seulement 10% de la population. “Attendu que selon une étude de la Banque Africaine de Développement (Bad), en 2013 le Mali ne dispose que 5.700 Km de routes bitumées. Que c’est l’une des densités routières les plus faibles d’Afrique et elle diminue encore dans les Régions du Nord. Attendu que c’est à Gao qu’est né le front contre les routes en mauvais état et contre l’insécurité”, a rappelé l’association.
Selon la requête, face à la grève générale lancée par des associations de la société civile pour protester contre les routes en mauvais état et contre l’insécurité, Malick Alousseini, alors ministre de l’Eau et l’Energie a, le 28 octobre 2016 à Gao, lors d’une conférence d’information sur le projet de Taoussa, tenu des propos aux allures accablantes où il avait notifié clairement que le désenclavement des régions du nord constitue réellement un volet très important du Programme d’Actions du Gouvernement.
L’Association a aussi indiqué que le financement estimé à plus de 146 milliards de Francs Cfa est entièrement bouclé, les études ont été entièrement réalisées. “Dans la programmation, c’est un projet à court terme. Quand on dit à court terme, cela veut dire c’est un an, deux, maximum trois ans. Vous connaissez cette route, il faut la reconstruire entièrement…nous comprenons réellement l’impatience des populations de Gao. Mais je veux franchement que vous reteniez une chose, c’est que le président de la République n’en dort pas. C’est réellement une priorité pour le président de la République. Et sachez que le financement est acquis. Les bailleurs de fonds sont connus. C’est le fonds arabe dirige par la BID. C’est la Banque Africaine de Développement. C’est l’Union Européenne. Il reste que les bailleurs de fonds viennent faire l’évaluation du projet”, dira le président Touré qui préside l’Amlcdf.
Presta Mali, l’entreprise retenue ne figure nulle part sur le fichier des prestataires de l’Ageroute
L’Association rappelle dans sa requête les propos tenus par le ministre des Infrastructures et de l’Equipement lors d’une question orale dont la teneur suit : “Nous les examinons, nous les validons, nous les amendons parfois, nous les budgétisons et après maintenant nous formons les programmes d’entretien routier qui vont avec. Cette année les ressources de l’entretien routier s’élèvent à 12 milliards. C’est ce que nous avons pu valider pour des dépenses qui iraient à plus de 80 milliards. Mais nous ne pouvons travailler que sur ce que nous avons et le budget que nous avons pour l’entretien routier cette année s’élève à 12 milliards. Et nous avons réparti ces 12 milliards sur les différents tronçons.
Chaque année, nous avons des programmes pour toutes les routes. Spécifiquement pour Sevaré-Gao, nous avons en 2017 injecté 1 milliard Fcfa et les travaux ont été exécutés par le Génie Militaire. En 2018, nous avons injecté 834 millions Fcfa et les travaux ont été exécutés par un groupement d’entreprises : Sogetrap, Eds-Cg. Cette année nous avons prévu 1 151 000 000 Fcfa et le recrutement est en cours. Au niveau de dégradations, ce que nous pouvons dire, c’est qu’une route elle est entretenue à différents niveaux. Mais aujourd’hui quand l’entretien routier arrive à un certain niveau, nous préférons carrément reprendre la route parce que ça ne sert plus à rien d’injecter des fonds. C’est comme si nous jetons de l’argent par la fenêtre. J’ai eu à l’expliquer ici quand il s’agissait du tronçon Kati-Didiéni et nous avons expliqué que nous avons préféré reprendre carrément ce tronçon, parce qu’arriver là où il était, c’était plus du gaspillage que de l’entretien routier et c’est ce qui se passe aujourd’hui pour Sevaré-Gao. Parce que Sevaré-Gao est arrivé à un axe où on ne peut plus penser à la juste réhabilitation, mais plutôt à la reconstruction. Et le Mali même a financé les études et nous avons fini les études de Sevaré-Gao. Nous les avons actualisées et nous avons dans ce cadre-là fait des recherches de fonds. C’est ainsi qu’une table ronde a eu lieu en 2011. Il y a eu une concertation sectorielle sur la recherche de financement en mars 2016 à Bamako et au cours de cette rencontre différents bailleurs de fonds ont exprimé leur intérêt sur cette route. Ils ont promis de nous aider au financement. Il s’agit de la BID qui passait chef de file et de la BAD, de l’UE. Mais à ce jour, nous n’avons pas encore reçu de financement. On est encore à la phase recherche de financement. Les promesses de 1.000 milliards, nous n’avons pas connaissance de ce chiffre-là”.
De l’analyse de l’organisation, attendu qu’il est prévu dans le marché d’entretien routier de la RN16 attribué au génie militaire la construction de quatre forages pour permettre aux populations de bénéficier des retombées positives des missions du génie militaire, de sérieux doutes planent sur l’exécution de ces travaux par le génie militaire et Presta Mali. Notons que par lettre en date du 9 décembre 2019, l’Association avait saisi le ministre des Infrastructures et de l’Equipement aux fins de lui délivrer copie des contrats de travaux d’entretien de la RN16 exécutés par le génie militaire, le groupement d’entreprises et Presta Mali, mais le Ministre n’a pas réservé de réponse à cette correspondance.
De l’analyse de l’Association, l’article 21 du contrat portant approbation du marché va plus loin en disposant que le marché relatif aux travaux d’entretien des routes dans la région de Gao est passé par appel d’offre précédé de présélection (ce qui voudrait dire que l’Agence publie un avis de manifestation d’intérêt dans un journal de la place appelant ainsi les entreprises à soumettre leurs propositions).
“Il n’y a pas eu d’avis de présélection sur la base d’appel d’offres comme il est écrit et Presta Mali c’est-à-dire l’entreprise retenue ne figure nulle part sur le fichier des prestataires de l’Ageroute, qu’elle n’existe pas non plus sur la liste des entreprises éliminées, selon nos sources”, peut-on lire dans la requête. Au regard de tout ce qui précède, l’Amlcdf sollicite le Vérificateur général pour conduire un audit sur l’exécution des travaux d’entretien de la RN16.
Boubacar PAÏTAO