Des irrégularités administratives constatées dans la gestion du ministère des sports par le BVG: Deux ambulances transformées en véhicule de fonction

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Non-respect des dispositions du cadre organique, absence d’un système d’archivage adéquat, absence de codification des matériels et mobiliers de bureau..

Par pouvoirs n°040/2024/BVG du 2 septembre 2024, le Vérificateur général a initié la présente vérification financière de la gestion de la direction des finances et du matériel du ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne au titre des exercices 2023 et 2024 (31 août) au cours de laquelle plusieurs irrégularités financières et administratives ont été constatées. Nous allons nous focaliser uniquement sur les irrégularités administratives.

A l’issue de la mission de vérification, les irrégularités administratives relèvent des dysfonctionnements du contrôle interne notamment : le non-respect du cadre organique de la DFM du ministère chargé des Sports, l’absence d’un système d’archivage opérationnel à la DFM du ministère chargé des Sports, la non codification des matières par le comptable-matières, la non publication du plan de passation révisé des marchés par la DFM, le non-respect du principe de séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable par le directeur des finances et du matériel, le montant total des avances faites au régisseur spécial excède la somme requise, la non mise à jour de l’arrêté interministériel fixant le taux des primes accordées aux sportifs par le ministère chargé des Sports, la transformation d’ambulances en véhicules de fonction.

S’agissant du non-respect du cadre organique de la DFM du ministère chargé des Sports, il ressort du rapport des vérificateurs que l’article 7 du Décret n°85-179/PG-RM du 23 juillet 1985 fixant les conditions et procédures d’élaboration et de gestion des cadres organiques dispose : “Les cadres organiques sont élaborés pour une période prévisionnelle de cinq ans. Ils demeurent d’application au-delà de cette période jusqu’à la fixation des nouveaux cadres organiques”. Et d’ajouter que l’article 15 du même décret dispose : “A compter de la fixation du cadre organique d’un service et de sa mise en œuvre, l’occupation des emplois retenus est soumise aux spécifications rendues ainsi obligatoires, notamment en ce qui concerne les exigences qualitative et quantitative et la localisation géographique de ces emplois” et l’article 1er du décret n°2014-485/P-RM du 25 juin 2014 déterminant le cadre organique de la DFM et du Matériel du ministère des Sports prévoit un effectif de 42 agents à la fin du délai de validité dudit cadre organique fixé à 5 ans.

Pour s’assurer du respect de ces dispositions, mentionne le rapport, l’équipe de vérification a rapproché le cadre organique aux postes pourvus et a analysé la liste du personnel. Elle s’est également entretenue avec les responsables de la DFM. Elle a constaté que le cadre organique de la DFM du ministère chargé des Sports n’est pas respecté.

Non-respect des dispositions du cadre organique

En effet, la DFM compte un effectif de 33 agents pour une prévision de 42, soit un écart de 9 postes non pourvus. De plus, des postes de responsabilité tels que le directeur adjoint, le chef de division finances et le chef de division approvisionnement et marchés publics ne sont pas pourvus. Ainsi, le non-respect des dispositions du cadre organique ne garantit pas la mise en œuvre efficace des missions assignées à la DFM.

En ce qui concerne l’absence d’un système d’archivage opérationnel à la DFM du ministère chargé des Sports, l’équipe de vérificateurs précise que l’article 2 de la Loi N°02-052 du 22 juillet 2002 relative aux archives dispose : “[…]. La conservation de ces documents est organisée dans l’intérêt public, tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche. […]”.

Et l’article 71 du décret n°2018-0009/P-RM du 10 janvier 2018 portant Règlement général sur la comptabilité publique en ses alinéas 2 et 3 dispose : “Lorsqu’elles sont conservées par les comptables publics, elles ne peuvent être détruites avant l’examen des comptes concernés ou avant la durée de prescription applicable à l’opération. La durée de conservation des pièces justificatives est de dix ans. Elle peut être prorogée par les réglementations en vigueur”.

Afin de s’assurer de l’effectivité de ces dispositions, l’équipe de vérification s’est entretenue avec le DFM et le chef du Centre de documentation et de l’informatique, et elle a demandé de mettre à sa disposition les documents destinés à l’archivage. Elle a constaté que la DFM du ministère chargé des Sports ne dispose pas d’un système d’archivage opérationnel.

Absence d’un système d’archivage adéquat

En effet, l’équipe de vérification a relevé que, malgré l’existence d’un Centre de documentation et de l’informatique, la DFM ne dispose pas d’un système d’archivage adéquat. Les documents comptables et financiers sont disposés de façon éparse dans des bureaux, ce qui peut compliquer leur exploitation. De plus, ces documents ne sont pas confiés au Centre de documentation et de l’informatique, en dépit de sa fonction potentielle de gestion des archives. Ainsi, la tenue irrégulière des archives peut exposer la DFM à des risques de dégradation de documents et de perte de sa mémoire.

Quant à l’irrégularité relative à la non codification des matières par le comptable-matières par la comptabilité-matières, les vérificateurs ont rappelé que l’article 3 du Décret N°2019-0119/P-RM du 22 février 2019 portant Réglementation de la comptabilité-matières dispose : “La comptabilité-matières est une comptabilité d’inventaire permanent qui permet à tout moment : le recensement, l’enregistrement et le suivi administratif et comptable des immobilisations incorporelles, des immobilisations corporelles et des stocks ; la connaissance des existants, la description, le suivi et le contrôle des mouvements ; la maîtrise de l’état du patrimoine mobilier et immobilier en quantité et en valeur ; […]”. Et de poursuivre que l’article 81 du même décret stipule que : “Toutes les matières à savoir : les fournitures, les consommables ainsi que les biens meubles et immeubles doivent faire l’objet de codification. Les biens meubles et immeubles doivent en plus, faire l’objet d’immatriculation”.

Afin de s’assurer de l’application de ces dispositions, l’équipe de vérification a demandé pour examen, par mémo n°002 du 28 octobre 2024, l’état d’inventaire et de codification des matériels. Elle s’est également entretenue avec le Comptable-matières. Elle a constaté que le Comptable-matières n’a pas procédé à la codification des matières.

Absence de codification des matériels et mobiliers de bureau

En effet, l’équipe de vérification a relevé que le comptable-matières n’a pas entrepris la codification des matières. A titre illustratif, les matériels et mobiliers de bureau mis à la disposition des agents du Département ne sont pas encore codifiés. La non-codification des matériels peut constituer des risques dans la gestion et le suivi du patrimoine du département.

Pour la non-publication du plan de passation révisé des marchés par la DFM, il ressort du rapport que l’article 33 alinéa 1 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015, modifié, portant Code des marchés publics et des délégations de service public dispose : “[…] Les plans prévisionnels annuels de passation doivent être communiqués à l’organe chargé du contrôle des marchés publics et des délégations de service public, au plus tard le 30 septembre de l’année précédant l’année budgétaire considérée, pour approbation et publication dans un délai fixé par arrêté du ministre chargé des Finances. Les plans révisés sont soumis aux mêmes dispositions d’approbation et de publication que le plan initial”.

Et l’article 5 alinéa 1 de l’arrêté n°2015-3721/MEF-SG du 22 octobre 2015, modifié, fixant les modalités d’application du Décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015, modifié, portant Code des marchés publics et des délégations de service public à son alinéa 5 dispose : “[…] Le plan de passation des marchés peut être révisé au cours de sa mise en œuvre. Sa révision est soumise aux mêmes dispositions d’approbation et de publication que le plan de passation des marchés initial”.

Absence d’un plan de passation révisé

Afin de s’assurer de l’application de ces dispositions, l’équipe de vérification s’est entretenue avec le directeur des finances et du matériel et le chef de division approvisionnement et marchés publics par intérim. Elle a aussi demandé par mémo n°002 du 28 octobre 2024, la preuve de la publication des plans de passation révisés des marchés. Elle a constaté que la Dfm ne publie pas le plan de passation révisé des marchés.

En effet, une fois que le processus de révision est validé par la DGMP-DSP, la DFM met en œuvre le plan révisé sans procéder à sa publication. A titre illustratif, en 2023, quatre révisions du plan de passation ont été effectuées et approuvées par la DGMP-DSP, alors qu’aucun plan de passation révisé n’a fait l’objet de publication dans un journal d’annonces légales. La non-publication du plan de passation révisé ne permet pas une concurrence équitable et l’accès à l’information pour les potentiels soumissionnaires.

Par rapport au non-respect du principe de séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable par le DFM, les vérificateurs mentionnent que l’article 5 du décret N°2018-0009/P-RM du 10 janvier 2018 portant Règlement général sur la comptabilité publique stipule que : “Les fonctions d’ordonnateur et celles de comptable sont incompatibles. […]”. Et l’article 22 du même décret dispose : “[…] Ces régisseurs de recettes et d’avances sont habilités à exécuter des opérations d’encaissement ou de décaissement. Ils sont personnellement et pécuniairement responsables de leurs opérations. […]” ainsi que l’article 3 des arrêtés n°2023-3859/MEF-SG du 23 novembre 2023 et n°2024-2426/MEF-SG du 23 juillet 2024 portant institution d’une régie spéciale d’avances auprès de la DFM du ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne qui dispose : “L’ordonnateur des dépenses exécutées sur la régie spéciale d’avances est le directeur des finances et du matériel du ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne, qui doit obligatoirement viser toutes les pièces justificatives des dépenses proposées au paiement du régisseur spécial d’avances”.

Immixtion du Dfm dans le processus d’émission des moyens de paiement

Afin de s’assurer de l’application effective de ces dispositions, l’équipe de vérification s’est entretenue avec le DFM et le régisseur spécial d’avances. Elle a également demandé pour examen les moyens de paiement de la régie spéciale d’avances. Elle a constaté que le DFM ne respecte pas le principe de séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable. Ainsi, les travaux effectués par l’équipe de vérification ont révélé une immixtion du DFM dans le processus d’émission des moyens de paiement au sein de la régie spéciale d’avances.

En effet, mentionne le rapport, tous les chèques émis par la DFM sont cosignés par le DFM et le régisseur spécial d’avances. A titre illustratif, les chèques n°2711025 du 26 janvier 2024 de la BMS-SA, n°5473537 du 15 juillet 2024 et n°5473556 du 19 août 2024 de la BDM-SA ont été conjointement signés par le directeur des finances et du matériel et le régisseur spécial d’avances. A ce sujet, la mission note que le directeur des finances et du matériel n’exerce pas la fonction de comptable public.

Par conséquent, les vérificateurs estiment que le non-respect de la séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable accroît considérablement le risque de gestion inadéquate des ressources financières.

Dépassement de la somme requise

S’agissant l’irrégularité relative au fait que le montant total des avances faites au régisseur spécial excède la somme requise, la mission de vérification a indiqué que l’article 7 de l’arrêté n°2023-3859/MEF-SG du 23 novembre 2023 portant institution d’une régie spéciale d’avances auprès de la Direction des Finances et du Matériel du ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne dispose : “Le montant total des avances faites au Régisseur spécial ne peut excéder la somme d’un milliard six cent quatre-vingt-dix-sept millions sept cent soixante-trois mille (1 697 763 000) francs CFA”.

Afin de s’assurer du respect de cette disposition, l’équipe de vérification a demandé pour examen, par mémo n°003 du 12 novembre 2024, les procès-verbaux d’arrêté de caisse. Elle a examiné les décisions et mandats d’approvisionnement et de réapprovisionnement de la Régie. Elle a calculé et comparé le montant total des approvisionnements (et réapprovisionnements) à celui des avances autorisées. Elle s’est également entretenue avec le régisseur spécial d’avances. Elle a constaté que le montant total des avances faites au régisseur spécial excède la somme requise.

En effet, l’équipe de vérification a relevé que le cumul des approvisionnements de la régie spéciale d’avances de 3 846 528 797 F CFA au titre de l’exercice budgétaire 2023 dépasse le montant total maximum des avances faites au régisseur spécial de 1 697 763 000 F CFA suivant l’arrêté instituant ladite régie. Donc, le non-respect du seuil des avances de fonds ne garantit pas la transparence dans la gestion des fonds publics.

Concernant l’irrégularité relative la non mise à jour de l’arrêté interministériel fixant le taux des primes accordées aux sportifs par le ministère chargé des Sports, l’article 5 de l’Arrêté interministériel n°2015-1423/MS-MEF-SG du 22 mai 2015 fixant les taux des primes allouées aux sportifs de haut niveau et à leur encadrement technique dispose : “Les taux des primes de résultat et d’objectif variant en fonction des disciplines et des compétitions, sont les suivants : A. Football : 1. Phase éliminatoire des compétitions : […] b) Primes allouées selon l’objectif : Phase de qualification pour les compétitions : qualification pour le Championnat d’Afrique des nations = 5 000 000 ; qualification pour la Coupe d’Afrique des nations = 10 000 000 ; qualification pour la Coupe du monde = 12 000 000. 2. Phase finale des compétitions : a) Coupe d’Afrique des nations : Phase finale : quart de finales (10 000 000) ; demi-finales (10 000 000) ; 3e place (10 000 000) ; 2e place (10 000 000) ; 1re place (15 000 000). […]”. Aussi, l’article 11 du même arrêté dispose : “Le taux des primes allouées aux membres de l’encadrement technique des disciplines de sport collectif est fixé comme suit : le sélectionneur national, deux fois la prime du joueur ; l’entraîneur adjoint, soixante-quinze pour cent (75 %) de la prime du sélectionneur ; le médecin et le préparateur physique, cinquante pour cent (50%) de la prime du sélectionneur ; l’entraîneur des gardiens, le kinésithérapeute et le masseur, quarante pour cent (40 %) chacun de la prime du sélectionneur, […]”.

Des primes individuelles non prévues

Afin de s’assurer du respect de ces dispositions, l’équipe de vérification a analysé les bordereaux détaillés et les pièces justificatives de paiement des primes accordées aux sportifs, fournis par le Régisseur spécial d’avances. Elle a constaté que le ministère chargé des Sports n’a pas mis à jour l’arrêté interministériel fixant le taux des primes accordées aux sportifs.

En effet, les travaux ont révélé que des primes non prévues ont été octroyées aux joueurs et à l’encadrement technique lors de la Coupe d’Afrique des nations de football (Can). A titre illustratif, le DFM a accordé à l’Equipe nationale seniors des primes individuelles non prévues par les dispositions réglementaires en vigueur à l’occasion des huitièmes (1/8) de finale de la Can-2023, tenue en Côte d’Ivoire. La non-actualisation des textes sur les primes expose les responsables de la DFM aux pratiques irrégulières dans la gestion des finances publiques.

Quant à la transformation d’ambulances en véhicules de fonction par le ministère chargé des Sports, l’article 2 du décret n°2019-0119/P-RM du 22 février 2019 portant réglementation de la comptabilité-matières dispose : “La comptabilité matières a pour objet le recensement et le suivi comptable de tout bien meuble et immeuble et bien incorporel, propriété ou possession de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics nationaux et locaux soumis aux règles de la comptabilité publique”.

L’article 13 du même décret dispose que : “L’Ordonnateur des matières est responsable des mouvements de matières qu’il ordonne. Il a seul, qualité pour approuver les ordres d’entrée et de sortie de matières et les documents analogues autorisant l’utilisation, l’affectation ou la mutation des matières”.

Deux ambulances transformées en véhicule de fonction

Pour s’assurer de l’application de ces dispositions, l’équipe de vérification a demandé par mémo n°002 du 28 octobre 2024, la situation du matériel roulant et les décisions d’affectation y afférentes. Elle s’est également entretenue avec le secrétaire général, le DFM et le comptable-matières. Elle a constaté que le ministère chargé des Sports a autorisé la transformation de deux ambulances acquises au compte du Stade du 26 mars en véhicule ordinaire. Les ambulances, ainsi modifiées, ont été affectées à deux cadres du ministère chargé des Sports comme véhicules de fonction respectivement par décisions n°2022-0022/MJSCICCC-SG du 21 juin 2022 et N°2024-0039/MJSCICCC-SG du 24 juin 2024. Au même moment, le Centre de médecine du sport, structure sanitaire sportive de référence, rattaché au ministère chargé des Sports, créé et opérationnel depuis 2020, ne dispose pas d’ambulance pour assurer son fonctionnement régulier.

Selon la mission de vérification, la transformation d’ambulances en véhicules de fonction va à l’encontre de leur vocation et nuit à leur contribution attendue dans le domaine sportif.

Après les différentes irrégularités constatées, la mission de vérification a formulé de plusieurs recommandations. Ainsi, il est demandé au ministre chargé des Sports de veiller à l’actualisation des textes réglementaires accordant des primes aux sportifs et d’utiliser les véhicules de l’Etat conformément à leur vocation ainsi qu’au ministre chargé des Finances d’actualiser le montant des avances faites au régisseur spécial en fonction de ses besoins.

Quant au directeur des finances et matériel, il est lui est recommandé de : veiller au respect des dispositions du cadre organique ; disposer d’un bon système d’archivage des documents comptables et financiers ; veiller à ce que le comptable-matières procède à la codification des matières ; publier les plans de passation révisés des marchés conformément au code des marchés publics ; respecter le principe de séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable conformément à la réglementation en vigueur. Au comptable-matières, il est demandé de procéder à la codification des matières conformément à la réglementation en vigueur.

Boubacar Païtao avec le rapport du BVG

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