Aussi bien sur la forme que sur le fond, le Rapport 2010 du Vérificateur Général sur le Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA) et l’OPAM a été précipitamment rédigé et est truffé de contrevérités, dont nous en avons relevé au moins cinq.
Nos enquêtes nous ont tout d’abord révélé qu’une mission de vérification, venant de l’OPAM, est bel et bien arrivée au Commissariat le 9 août 2010. Cependant, elle était sans ordre de mission et avait demandé de lui fournir certaines informations relatives à la gestion de quatre projets financés sur le fonds de contrepartie de l’aide alimentaire du Japon. Après insistance du CSA, l’ordre de mission des vérificateurs a été remis et avait pour objet «la vérification financière et la performance de l’OPAM».
Ensuite, notons un autre détail très important dans cette optique: la lettre de mission, aussi bien que celle de transmission du rapport provisoire, font mention de la période 2007-2009. Le rapport provisoire, qui rend compte de la mission, lui, s’étend sur l’exercice 2010, jusqu’au 20 octobre 2010.
En outre, les vérificateurs ont soulevé la sempiternelle problématique de la procédure d’acquisition des biens et services. Il nous été confié, durant notre enquête, que les agents du BVG ont reçu des explications claires en la matière. Il faut donc retenir que les différentes conventions de financement des projets visés par la vérification n’indiquent pas de procédures à observer pour l’acquisition des biens et services. De façon générale, les financements extérieurs, tant dans le cadre bilatéral que multilatéral, sont assez formels en la matière. Toutefois, les marchés conclus ont été passés dans les contextes d’urgence ou de cas de force majeure, pour parer au plus pressé.
Côté exos, les biens et services acquis sur les fonds de contrepartie faisant l’objet de vérification, sont exonérés de tous droits, impôts et taxes, selon les dispositions des accords de don de l’aide alimentaire. A cet effet, les droits d’enregistrement, ainsi que les pénalités y afférentes, sont sans objet. Nos sources nous ont fait savoir que les vérificateurs n’ont pas voulu attendre ce document d’exonération, car ils étaient «pressés».
De plus, les entreprises retenues pour l’acquisition des biens et services, dans le cadre des cinq projets financés sur les fonds de contrepartie, ont évolué sur le terrain dans des conditions assimilables à des cas de force majeure, comme l’accès difficile aux sites en hivernage, le climat d’insécurité régnant et l’enclavement.
Selon nos informations, le montant réel du financement des cinq projets concernés par la vérification est de 2 249 750 milliards de FCFA et non de 2, 250 milliards de FCFA, comme arrondi par les vérificateurs, qui doivent pourtant contrôler au centime près. Et, à la demande du partenaire japonais, les fonds de contrepartie KR ont fait l’objet d’audit par le Cabinet d’Expertise Mariam BAH. Les rapports de ces audits sont disponibles à l’OPAM et au CSA.
Alors, on se demande bien d’où viennent les 35 milliards de manque à gagner. On se demande aussi à quel moment Mme Lansy Nana Yaya Haïdara aurait fait passer un sale quart d’heure à des personnes sans ordre de mission et qui étaient venues avec des idées préconçues? On se demande enfin pourquoi ces personnes n’ont, à aucun moment, compris que le CSA n’était pas et n’est pas une structure ordinaire, comme les autres. Malgré les nombreuses explications des uns et des autres.
En effet, les textes portant création, organisation et modalités de fonctionnement du CSA, tout en définissant sa mission et les objectifs à atteindre, précisent qu’il est un service rattaché à la Présidence de la République. Ces textes ne tombent pas dans le cadre des principes généraux de création, d’organisation, de fonctionnement et de contrôle des services publics. De par son caractère, le CSA est plutôt un instrument politique du Président de la République pour la gestion des situations de difficultés ou de crises alimentaires sur l’ensemble du territoire.
D’ailleurs, de sa création à ce jour, le CSA a habilement géré plusieurs foyers de crises alimentaires et mis en place des outils d’intervention appropriés auprès des populations, et particulièrement au niveau des 166 communes les plus vulnérables au Mali. Chaque année, grâce aux banques de céréales et au plan de mise en marché du riz, à travers l’OPAM, pendant les périodes de soudure, les prix des céréales sur les marchés sont rendus stables, afin de permettre que les céréales soient plus accessibles aux populations, tant urbaines que rurales.
Les activités réalisées, particulièrement sur les fonds KR, prennent toutes en compte les aspects comme la vulnérabilité, l’urgence et leur pertinence pour les populations bénéficiaires cibles, qui atteignent 3 millions de personnes dans les 166 communes les plus vulnérables du Mali.
Au nombre des activités réalisées sur ledit fonds, on peut citer la mise en place des stocks de proximité, à travers la constitution de banques de céréales dans les 703 communes du Mali et au niveau de 54 associations périurbaines, la construction et la mise à disposition de magasins de stockage de céréales dans les 86 communes les plus vulnérables, la dotation en équipements et intrants (semences et engrais) de vingt-sept jardins maraîchers, au profit des associations de femmes rurales de certaines communes les plus vulnérables, la dotation de 265 familles en unités d’élevage d’ovins – caprins, composées de 10 femelles et d’1 mâle, dans les régions de Mopti et Gao et la mise en place de cinq banques d’aliments de bétail à Tombouctou, Ansongo, Gossi, Ménaka et Kidal au profit des pasteurs qui subissent les effets négatifs des sécheresses endémiques…
En tout cas, selon les experts du contrôle financier que nous avons rencontrés, vendredi dernier, la réalisation des activités déjà menées et financées par les fonds KR ne procède aucunement à des fraudes. Surtout que tous les rapports, définitifs ou provisoires, relatifs aux activités, sont disponibles au CSA.
Paul Mben