Les rapports qui font pschitt, tel était le titre de notre édito de la semaine dernière dans lequel nous disions en conclusion qu’au-delà des deux rapports, c’est la crédibilité même du Bureau du Vérificateur Général qui est en cause. Le second rapport du Végal – tout comme le premier d’ailleurs (2004 et 2005) – qui révèle un manque à gagner de 103 milliards sur une période de 3 ans a suscité une véritable levée de bois vert dans les structures contrôlées. rn
Celles-ci reprochent au Bureau du Végal de n’avoir pas respecté le principe de la contradiction qui est une exigence sine qua non des normes de contrôle, d’avoir imposé sa propre méthodologie de calcul et d’ignorer surtout l’environnement juridique même du Mali. Les plus critiques vont jusqu’à mettre en cause ses capacités professionnelles. Les protestations ne se sont d’ailleurs faites attendre, le Directeur Général de l’une des structures auditées est allé jusqu’à introduire une plainte auprès de la section administrative de la Cour Suprême afin que celle-ci redéfinisse les prérogatives de tout un chacun.
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Dépassé par ce tollé général, le Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga a rencontré, le vendredi dernier, les responsables des structures concernées pour les adjoindre de produire toutes les pièces comptables et juridiques afin de porter la contradiction : arguments contre arguments. Mais le plus déchu de tous est sans doute le président de la République Amadou Toumani Touré, lequel est à l’origine de la création du Bureau du Vérificateur Général. Même s’il ne l’a jamais dit publiquement, ce dernier, comme beaucoup de ses compatriotes d’ailleurs, n’avait plus confiance aux deux principales structures de contrôle que sont le Contrôle Général des services publics et l’Inspection Générale des Finances, gangrenées par la corruption. Les meilleurs agents desdites structures sont confinés dans des missions insignifiantes s’ils ne sont pas purement et simplement remerciés.
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Quand le Vérificateur Général Sidi Sosso Diarra a remis son premier rapport au Président Touré, ce dernier donna des instructions fermes pour que la lumière soit rapidement faite par la justice afin que toutes les personnes épinglées- pour emprunter l’expression même du Végal- rendent gorge. Cependant toujours dirigé par son esprit de discernement, le Président Touré demanda conseil auprès de certains spécialistes neutres, lesquels, après lecture du rapport, lui conseillèrent de mettre beaucoup de circonspection dans la gestion dudit rapport qui laisse entrevoir beaucoup d’imperfection tant dans sa forme que dans le fond surtout sur le volet de la TVA impayée par la Société des Télécommunications du Mali (Sotelma) et sa filiale de téléphonie mobile Malitel.
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« Le Sphinx », de son côté, a, dans ses investigations pu collecter toutes les pièces qui sont entrées dans la confection du premier rapport et les a soumises à un expert neutre pour analyse. Son constat est sans équivoque. Dans la forme : le rapport n’est pas étoffé. Il ne fait pas état des domaines couverts, de la méthodologie et des procédures suivies pour aboutir aux opinions et conclusions retenues. Le rapport ne mentionne pas, de façon générale, l’avis des responsables des structures contrôlées sur les résultats de la vérification. Il ne respecte pas le principe de la contradiction qui est une exigence fondamentale des normes de contrôle.
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Le rapport mentionne la non application de la Directive de l’UEMOA par MALITEL et SOTELMA. Ce fait, dit notre expert, ne peut être opposé à ces deux sociétés car les dispositions de ladite directive ne sont pas encore traduites dans la législation interne du Mali .En ce qui concerne la Sotelma, les vérificateurs ont travaillé sur le solde du Compte client et des facturations en début et en fin d’exercice figurant sur les états financiers pour estimer le montant de la TVA due. Selon notre expert, cette approche est utilisée en audit pour cerner les zones à risque en vue d’un contrôle plus approfondi qui nécessite l’examen détaillé des pièces comptables.
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Toujours, selon lui, les estimations ne sont pas opposables aux entités contrôlées. En conclusion, il estime que La mission de vérification, objet du rapport 2004-2005 ne s’est pas déroulée conformément aux normes et diligences communément admises en matière de contrôle. Le fond du Rapport 2004-2005 du Bureau du Vérificateur Général MALITEL (Page 17 du rapport) Gestion des cartes prépayées Selon le rapport du Bureau du Vérificateur Général (BVG): « Malitel déclare et paie la TVA selon le principe des encaissements, contrairement aux dispositions de la directive N° 02-98-CM de l’UEMOA en date du 02 décembre 1998. Cette directive stipule que les prestations de télécommunications sont assimilées à des livraisons de biens.
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Du fait de l’application de ce principe, la société minore son chiffre d’affaires au 31 décembre de chaque année du montant des cartes vendues mais non consommées.Pour les exercices 2002, 2003, et 2004, le point de la situation de la TVA due par la Société MALITEL fait apparaître un montant global de TVA éludées de 952.382.170 FCA » Observations : Malitel applique le principe de l’encaissement pour le paiement de la TVA due. En d’autre terme, la société paie la TVA au maximum quarante cinq jours après la vente de cartes pour la période concernée. A ce rythme il serait étonnant, disent les experts, qu’en 2003 des impayées de TVA au titre de l’exercice 2002 figurent dans les états financiers; ou qu’en 2004 des TVA impayées au titre de l’exercice 2003 subsistent.
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Dans un tel contexte l’existence de TVA impayée à hauteur de la somme de 952.382.170 FCFA au titre des années 2002, 2003 et 2004 dont on demande le recouvrement par la Direction Générale des Impôts (DGI) en 2006 est douteuse. D’après le BVG : « la société MALITEL minore son chiffre d’affaires au 31 décembre de chaque année du montant des cartes vendues mais non consommées» Le même expert dit qu’Il faut être prudent en avançant de telle assertion. En comptabilité le principe de l’exercice rend obligatoire l’imputation des charges et des ventes (produits) à l’exercice concerné. C’est ce principe qu’applique la société compte tenu de la nature de son activité. En effet, une carte vendue et non consommée n’engendre pas de charges pour MALITEL.
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Cependant, c’est lorsque le bénéficiaire de la carte téléphone que tout le réseau de la société et les satellites rentrent en activité. L’activité des installations et le personnel de suivi des dites installations ont des coûts qui sont imputés à l’exercice concerné. Si les produits de vente d’un exercice donné ne sont pas imputés audit exercice le compte de gestion sera déséquilibré. En disant que la société MALITEL minore son chiffre d’affaires du montant des cartes non consommées au 31 décembre de chaque année, le rapport du Bureau du Vérificateur Général ne tient pas compte de la spécificité des activités de MALITEL ainsi que du principe comptable qui rend obligatoire le rattachement des charges et des produits à l’exercice au cours duquel ils ont été constatés.
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Toujours selon notre expert, le Rapport du Bureau du Vérificateur Général applique la Directive de l’UEMOA à MALITEL pour dégager le montant de 952.382.170 de FCFA au titre de la TVA due. Il rappelle que si le principe de la perception de la TVA à l’encaissement n’était pas applicable la Direction Générale des Impôts aurait déjà sanctionné la société MALITEL. Donc la DGI approuve la présente situation et cela d’autant plus que la Directive de l’UEMOA n’est pas encore transposée dans la législation nationale.
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En effet la directive elle-même stipule en son article 2 que: « les Etats membres prennent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente Directive … » Notre expert précise qu’à la date d’aujourd’hui aucune mesure législative, règlementaire ni administrative na été adoptée visant à modifier les dispositions du Code Général des Impôts relatives à la détermination de la TVA sur la base des encaissements. La Direction Générale des Impôts approuve la présente situation puisque la directive de l’UEMOA n’est pas encore transposée dans la législation nationale. Gestion des Stocks : Selon le rapport du Bureau du Vérificateur Général, « … des discordances importantes sont apparues entre des stocks comptabilisés et les stocks d’inventaires les droits compromis en terme de TVA …se chiffrent à 36.801.609 FCA ».
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Pour lui, le rapport du Bureau du Vérificateur Général ne donne aucune information sur les procédures suivies pour aboutir à des droits compromis en termes de TVA. Il ne précise pas non plus la période objet de contrôle. La différence entre la valeur des stocks inventoriés et celle portée sur les états financiers provient généralement de la méthode d’évaluation. Le stock final sur les états financiers est toujours évalué au prix de revient. Il y a lieu de s’assurer si l’inventaire n’est pas fait au prix de vente. Si tel est le cas, le service des impôts aurait sanctionné MALITEL car cet aspect, au même titre que les précédents, fait partie de son domaine de contrôle.Il convient aussi de s’assurer si les vérificateurs n’ont pas utilisé les instructions de l’UEMOA relatives à l’évaluation des stocks. Selon nos sources ceci semble être le cas.
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Donc les droits compromis mentionnés à ce propos dans le rapport sont sans objet. Gestion des Exonérations Selon le rapport du Bureau du Vérificateur Général «de nombreux clients sont irrégulièrement exonérés de TVA simplement sur la base de leur appartenance à un organisme international ou étranger sans attestations justificatives ». Le chiffre d’affaires soustrait de la taxation à ce titre s’élève à 500.736.585 FCFA pour les trois exercices concernés, soit une TVA occultée de 90.132.585 FCFA ».
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Observations :
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La Société MALITEL n’est pas autorisée à accorder des exonérations. Elle ne peut exonérer un client qu’avec l’accord des Services des Impôts. Le Rapport du Bureau du Vérificateur Général ne fait pas cas de l’avis de la Direction Générale des Impôts sur la question. La Société MALITEL ne peut accorder d’exonération sans base juridique. Dans le cas présent les éléments de référence de la Société MALITEL peuvent être (01) une convention d’établissement signée entre le gouvernement du Mali et le client exonéré (02), une attestation d’exonération délivrée par la Direction Générale des Impôts au client (03) ou le fait que le client ou le prestataire ne rentre pas dans les champs d’application de la TVA. Au regard de la qualité des clients le montant de la TVA occultée selon le rapport ne saurait être la somme de 90 132 585 FCFA.
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En conclusion, l‘exonération des clients étrangers des Organisations Internationales s’inscrit dans le cadre des accords inter-états. C’est le principe de la réciprocité. La Gestion de l’Accord Transactionnel Constatations : Selon le Rapport du Bureau du Vérificateur Général « un accord transactionnel a sanctionné le contrôle fiscal relatif à l’exercice 2003, par lequel un redressement notifié par la Direction Générale des Impôts pour 2.329.935.670 FCFA, a été réduit irrégulièrement … soit un manque à gagner pour l’Etat de 1.863.948.536 FCFA ». Observations : Là aussi le Rapport du Bureau du Vérificateur Général n’explique pas pourquoi les vérifications faites par l’administration fiscale ayant abouti à l’accord transactionnel sont erronées.
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L’Administration fiscale et MALITEL n’ont aucun intérêt à priver l’Etat malien de ces droits. L’accord transactionnel résulterait d’un redressement pour corriger l’assimilation de la télécommunication à la livraison de biens contrairement aux dispositions du Code Général des Impôts. Donc le manque à gagner pour un montant de 1.863.948.536 FCFA mentionné dans le rapport est sans objet. Conclusion Le fait de ne pas avoir tenu compte de l’opinion de la Direction Générale des Impôts pour l’appréciation de l’accord transactionnel est contraire aux normes de contrôle. L’accord transactionnel compte tenu de ce qui est avancé dans le rapport ne peut être mis en cause.La gestion des retenues sur les prestataires étrangers Selon le Rapport du Bureau du Vérificateur Général MALITEL n’applique pas l’article 487 du Code Général des Impôts imposant une obligation de retenue de la TVA sur les prestations de services facturées par les prestataires étrangers …..
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La TVA due sur les prestataires étrangers se chiffre à la somme de 949.065.509 FCFA. Observations L’administration fiscale avait établi une liste de sociétés autorisées à retenir à la source la TVA. Cette liste a été révisée récemment. La société MALITEL fait-t-elle partie de ladite liste? SOTELMA procède-t-elle à la retenue de la TVA à la source en lieu et place de MALITEL. L’insuffisance du développement sur la question dans le rapport ne permet pas de répondre à ces questions.
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Selon le Rapport du Bureau du Vérificateur Général: le chiffre d’Affaire déclaré ne concorde pas avec les créances ( ?). … La méthode utilisée dans le calcul de la TVA par la SOTELMA reste le principe de l’encaissement. .. L’application de la directive de l’UEMOA à la SOTELMA aboutira à un manque à gagner total de 6.785.805.555 FCFA contre 5.548.685.139 FCFA de TVA sur les encaissements finalement retenus dans le rapport après avoir utilisé la technique des soldes clients pour reconstituer les encaissements effectifs.
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La technique du solde client dont parle le rapport peut se résumer comme suit: Solde du compte client en début d’exercice: + les facturations de l’Année – solde du compte client en fin d’exercice – annulations et de dégrèvements = Encaissement effectif de l’exercice Dans leur approche les Vérificateurs n’ont pas tenu compte des dégrèvements et annulations. Ceci fausse le résultat auquel ils ont abouti. Le rapport du Vérificateur Général dans le Premier paragraphe fait cas des imprimés de déclarations. La simple lecture desdits imprimés permet de constater au titre de :
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Exercice 2002 :
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TVA nette à payer 2.227 .851. 726 FCFA
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Crédit de TVA à reporter 438.873.679 FCFA
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Exercice 2003
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TVA nette à payer 2.536.237.632 FCFA
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Crédit de TVA à reporter néant.
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Exercice 2004
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TVA nette à payer 1.557.900.511 FCFA
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Crédit de TVA à report 49.140.314 FCFA
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Ainsi, en fin de l’exercice 2004 la SOTELMA était redevable au titre de la TVA de la somme de 49.140.314 FCFA (voir les déclarations en annexe N°02) et non de la somme de 5.548.685.139 FCFA, montant retenu dans le rapport. Sur les 10 milliards serinés sur les antennes, le rapport du Végal n’oppose que la moitié à la Sotelma Vu les passages de cet audit neutre qui démontre la légèreté avec laquelle les vérificateurs ont traité cette partie réservée à la TVA, on comprend mieux aujourd’hui pourquoi nul n’a été inquiété.
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Ni à la Sotelma ni à Malitel ni d’ailleurs à la Direction Générale des Impôts. Quand le Bureau du Végal a décidé de contrôler l’application de la TVA, on avait pensé qu’il apporterait une grande contribution au débat très actuel entretenu dans tous les pays de l’UEMOA concernant les difficultés d’application de cette taxe. Mais hélas, en se donnant l’image d’un superman Sidi Sosso Diarra , à travers les deux rapports qu’il a produits , a donné un sacré coup à l’initiative du Président Touré tant le gap entre la réalité et les faits consignés dans lesdits rapports est criard.
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Ainsi la somme de 3 892 330 709 FCFA opposées à Malitel et la somme de 5 548 685 139 FCA opposées à la Sotelma , à titre de droits compromis sont complètement erronées. Elles sont non exigibles.Avec 74 agents dont 9 vérificateurs et 33 vérificateurs assistants, plus le Végal et son adjoint, on doit s’attendre à un rapport plus digne de ce nom. Celui fourni par le Bureau de Végal pouvait se faire en une journée et par un seul vérificateur .Tant il est bâclé !
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(A suivre)
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Adama Dramé
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