Agence comptable Centrale du Trésor (ACCT) : Le Trésor public dans le collimateur du Végal

0

Au moment où le nouveau budget d’Etat s’annonce, l’Agence comptable centrale du Trésor (ACCT) est appelée à montrer patte blanche. Le Vérificateur général, Sidi Sosso Diarra, est en effet arrivé à la conclusion que des pratiques laxistes, au niveau du Trésor public, déstabilisent l’économie nationale. Il pointe un doigt accusateur sur  l’ACCT.

 

Le nouveau budget de l’Etat récemment élaboré sera géré par l’ACCT, elle qui est chargée, pour chaque exercice budgétaire, de regrouper et de fusionner les écritures comptables enregistrées par tous les comptables publics afin de produire les documents financiers pour tout le pays.

Mais ce service n’a pas eu une bonne réputation dans le dernier rapport du Vérificateur général.

 

La vérification financière qui a eu lieu à l’ACCT au titre de 2009 portait sur l’examen de la centralisation des fonds et de leur répartition entre les différents comptables publics exerçant à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. Elle visait également à examiner la conformité des principales opérations comptables.

Pourtant, les vérifications précédentes, notamment celles de la recette générale du district (RGD) et de la paierie générale du Trésor (PGT), ont révélé de graves dysfonctionnements. « Le volume des chèques impayés au niveau de la RGD et l’accumulation des montants dus par la PGT aux créanciers nationaux de l’Etat (restes à payer) sont de nature à déstabiliser l’économie nationale, étant donné que l’Etat est le principal consommateur de biens et services », indique le rapport.

 

L’ACCT est l’un des services centraux que le Vérificateur appelle à plus de rigueur. D’une part, le rôle qu’elle a dans l’élaboration des documents comptables est fondamental parce que ces documents permettent à l’Etat de savoir sa situation financière à tout moment. D’autre part, les montants qu’elle gère chaque année sont significatifs. En effet, les fonds qu’elle a répartis à travers un seul compte courant ont atteint 1 145,1 milliards de FCFA sur la période 2006 à 2008.

 

Trop d’impertinences

Le contrôle interne de l’ACCT présente des faiblesses et des dysfonctionnements. Les chefs de section ne sont pas nommés par les actes administratifs habilités. La répartition des tâches entre les chefs de division n’est pas conforme au décret relatif au fonctionnement de l’ACCT. Pire, l’agent comptable central du Trésor est seul signataire des comptes courants de l’Etat, ce qui fait peser un risque élevé d’une part sur cette personne et d’autre part sur la trésorerie publique.

 

Autres impertinences, les comptes bancaires sont ouverts et tenus sous des libellés qui rendent difficile l’identification des titulaires. Les réunions de direction ne donnent pas lieu à procès-verbal ou compte-rendu, ce qui est source de difficultés pour le suivi et la planification de la gestion de la trésorerie.

Les transferts de fonds demandés par les trésoreries régionales ne sont pas toujours soutenus par des demandes formelles. Les applications informatiques sont mal utilisées: les saisies de données sont incomplètes; il y a des cas de doubles saisies. Les états de rapprochement bancaire ne sont pas fiables. Les transferts de fonds vers les postes comptables à l’intérieur du Mali comportent plusieurs dysfonctionnements.

L’ACCT ne détient pas les originaux de certains avis de règlement (AR) qu’elle a émis. Ainsi, elle n’a pu présenter d’AR pour plus de 107 milliards de FCFA transférés vers différents postes comptables. De plus, elle n’établit pas les avis de règlement au moment des transferts. Et il résulte de cela des discordances de date entre les différents documents.

 

L’ACCT porte sur les quittances de la paierie générale du Trésor des références inappropriées, n’assure pas un suivi et un archivage adéquats des instruments de paiement. Il y a des incohérences entre les données de la balance des comptes de l’ACCT et les situations récapitulatives des avis de règlement.

Les transferts de fonds vers les trésoreries régionales comportent de nombreuses anomalies. Ainsi, l’ACCT n’a pas établi d’avis de règlement pour un transfert en direction de chacune des trésoreries régionales de Ségou, Kayes et Tombouctou sur les fonds “grands travaux”. En outre, un transfert de 54 millions de FCFA n’est pas parvenu à Mopti. La gestion des transferts de fonds reçus présente des faiblesses.

L’ACCT exerce un suivi inadéquat sur les chèques reçus pour encaissement. Ainsi, elle n’a pu justifier le détail du montant de 2,07 milliards de FCFA figurant dans sa comptabilité au titre du solde des chèques présentés à l’encaissement.

 

FAITS CONSTATES

La gestion des valeurs et titres de l’Etat comporte des anomalies. La situation comptable des fonds disponibles en banque dépasse la réalité des disponibilités en banque de 17,81 milliards de FCFA. Le rapprochement bancaire n’inclut pas certains comptes sous la signature de l’ACCT ainsi que les comptes sous la signature du ministre des finances. Ces comptes ne sont pas intégrés dans la comptabilité.

L’ACCT n’a aucun critère pour la constitution des dépôts à terme (DAT), sorte de fonds étatiques dormant dans les banques. De plus, elle conserve mal les conventions de DAT. Ainsi, plusieurs dépôts à terme sont en cours sans que l’ACCT n’en détienne ni les documents ni la situation. Ces DAT, inconnus de l’ACCT, totalisent 13,65 milliards de FCFA.

 

De plus, les banques ne paient pas les intérêts conformément aux clauses. Ainsi, au total elles doivent 292,1 millions de FCFA à l’ACCT au titre du différentiel entre les intérêts payés et les intérêts dus.

 

Quant aux traites, l’ACCT n’en assure pas un suivi efficace. A partir des documents il est quasiment impossible de retracer les traites parce que les numéros et les dates ne sont pas mentionnés. Elle n’a pu faire la preuve de l’encaissement de traites pour un montant total de 4,17 milliards de FCFA.

L’ACCT ne détient aucune pièce justificative pour la somme de 2,83 milliards de FCFA qu’elle a décaissée sur les fonds de différents projets. Elle a fait plusieurs paiements sur budget d’Etat en dépassement de la quote-part de l’Etat. Ces dépassements totalisent au moins 166,88 millions de FCFA.

De nombreuses anomalies affectent le compte de la redevance informatique. L’ACCT a fait des décaissements en dépassement du montant des marchés pour 69,21 millions de FCFA, elle n’a pu fournir de justificatifs pour certains débits de ses comptes bancaires. Le montant de 43,8 millions de FCFA a été débité sur les comptes bancaires de l’ACCT sans que celle-ci ne puisse produire des pièces justificatives valables.

 

Soumaïla T. Diarra

 

Commentaires via Facebook :