Le conflit larvé au sommet de l’URD est loin d’être terminé avec l’inculpation d’Oumar Ibrahima Touré, deuxième Vice-président du parti, et le retour en force de Soumaïla Cissé, fondateur, parrain et futur candidat à la présidentielle de 2012. Les militants ont, en effet, une autre raison de craindre une scission, annoncée et tant redoutée, qui serait en marche. Et Abdoul Wahab Berthé, premier vice-président, ne serait pas étranger au chaos.
En 2008, «le parti de la poignée de mains», l’Union pour la République et la Démocratie (URD) avait évité le pire, grâce à la clairvoyance et au sens de la responsabilité de son deuxième Vice-président, Oumar Ibrahima Touré. On se rappelle que ce dernier, exigeant plus de démocratie et de transparence dans la gestion des prises de décisions et des activités du parti, avait voulu se présenter à la présidence du parti, contre le président sortant, Younoussi Touré, un homme réputé être à la solde et à la botte du «fondateur et parrain», Soumaïla Cissé. C’était lors du dernier Congrès de l’URD. Devant, la levée de boucliers des pro-Soumaïla Cissé, réfractaires à toute démocratie et transparence autres que celles édictées par leur mentor, et les risques d’implosion du parti, Oumar Ibrahima Touré a préféré prendre du recul et décidé de ne pas affronter le camp «adverse». Depuis, contrairement à ce que tous les militants et cadres espéraient, le spectre de la division ne s’est pas éloigné. Malgré l’inculpation d’Oumar Ibrahima Touré pour sa présumée responsabilité, en sa qualité de Ministre de la Santé, dans le détournement du Fonds Mondial de lutte contre le paludisme, le sida et la tuberculose, donc sa mise à l’écart politique, la tension n’est pas retombée à l’URD.
Au contraire, elle est en train de s’exacerber, certains militants et cadres trouvent que la direction du parti n’a pas fait montre d’un esprit de solidarité avec le deuxième Vice-président. Pire, ils estiment que des responsables de l’URD seraient à la base de l’acharnement et du quasi-harcèlement dont l’ancien Ministre de la Santé est victime. Selon eux, Oumar Ibrahima Touré n’a plus rien à espérer de ses camarades, donc n’a plus rien à faire pour et dans ce parti. Ils seraient en train d’inciter le deuxième vice-président au départ et à la création de son propre parti politique, auquel ils adhéreraient bien évidemment. Le résultat serait bien entendu catastrophique pour «le parti de la poignée de mains»
Mais, dans l’immédiat, l’URD a une toute autre raison de se faire du souci. Des voix s’élèvent de plus en plus pour s’inquiéter de certains comportements de leur premier Vice-président, Abdoul Wahab Berthé, par ailleurs Ministre en charge du Travail et de la Fonction publique. Déjà, lors du dernier remaniement ministériel, en avril, certains n’avaient pas souhaité sa reconduction. Ils estiment que le Ministre ne participe pas comme il le devrait aux activités du parti. Par exemple, qu’il ne payait même pas les cotisations mensuelles dues au parti, a fortiori verser une partie de son salaire et de ses autres revenus dans les caisses du parti. D’autres voix l’accusent de «travail fractionnel» au sein de l’URD. Elles n’ont pas compris, par exemple, pourquoi le Ministre Berthé avait choisi de privilégier une certaine frange des militants de son parti dans un recrutement, en 2008, au département de la santé. A l’époque, cette attitude sélective avait choqué et irrité le ministre de la santé de l’époque, Oumar Ibrahima Touré, avec lequel il partage pourtant la même famille politique.
Aujourd’hui, ces cadres et militants croient voir plus clair dans le jeu trouble d’Abdoul Wahab Berthé : son acharnement à caser une frange des militants de l’URD aurait pour seul but de s’aliéner les faveurs électorales de ces militants et de bien d’autres. Le principal objectif ? Pouvoir compter sur un électorat sûr et fiable en vue des prochaines législatives et, surtout, de la présidentielle de 2012. Mais pour ces scrutins, les objectifs d’Abdoul Wahab Berthé ne seraient pas les mêmes que ceux de son parti, l’URD. En effet, selon ces détracteurs qui croient voir plus clair dans son jeu, le premier vice-président de l’URD serait en mission pour le candidat du chef de l’état, quel qu’il soit. Il serait donc une taupe pour le camp présidentiel. Ceci pourrait peut-être expliquer pourquoi il a été maintenu, contre plusieurs avis émanant de sa famille politique, dans le gouvernement actuel.
Une telle éventualité n’étonne guère certains observateurs de la scène politique nationale, qui se rappellent que Berthé n’en est pas à son premier parti politique et qu’il a eu, à plusieurs occasions, à renier les siens propres pour des intérêts personnels. C’est peut-être pourquoi il peine à se faire une place au soleil dans sa région d’origine, Sikasso, où tous les partis qu’il a représentés ont été régulièrement battus à plate couture.
Mais si Abdoul Wahab Berthé est décrié en tant que (ir)responsable politique, il l’est tout autant en sa qualité de membre du gouvernement. Au ministère du travail et de la fonction publique, des travailleurs affirment qu’il est le pire ministre qu’ils aient jamais eu depuis l’indépendance. Nous y reviendrons.
Cheick TANDINA