« Evitons que des leaders politiques courtisent les mosquées »
« Nous ne partageons pas la démarche d’aller casser tout au nom de la préparation du sommet France-Afrique »
Le parti Union des Patriotes pour la République(URP), membre de la mouvance présidentielle, a organisé le samedi 30 juillet 2016 une conférence de presse à l’Hôtel Massaley pour donner sa position sur la situation socio-politique et sécuritaire du pays. C’était sous la présidence du Dr Modibo M. Soumaré, président de l’URP et en présence des membres du bureau politique National. Il s’agissait pour les initiateurs de cette conférence de presse d’entretenir d’une part les journalistes sur les attaques perpétrées contre l’armée à Nampala, le mandat de la MINUSMA, le processus de cantonnement des ex –combattants, les autorités intérimaires, les échéances communales et régionales ; et d’autre part de formuler des propositions de sortie de crise. Au cours de la rencontre, les leaders de l’URP se sont également prêtés aux questions des hommes des medias portant sur l’actualité brûlante comme l’opération de déguerpissement de la voie publique à Bamako enclenchée par le gouverneur Ami Kane.
D’entrée de jeu, le président du parti, Dr Modibo Soumaré a demandé à l’assistance d’observer une minute de silence en la mémoire de tous ceux qui sont tombés sur le champ de l’honneur. Avant de faire savoir que cette conférence intervient dans un contexte particulier pour la vie du parti et de la nation malienne. Suivra ensuite la lecture de la Déclaration liminaire de l’URP sur la situation politico-sécuritaire du pays, par le secrétaire politique, Dr Kassoum Barry et dont nous vous proposons l’intégralité du contenu : « Considérant que nous revendiquons notre appartenance à la mouvance présidentielle, à travers l’alliance des forces démocratiques pour le Mali AFD Mali. A cet effet, nous sommes interpelés par la gestion du gouvernement et en droit d’apporter notre point de vue à l’action gouvernementale.
Le parti URP au nom de l’ensemble de ses militants et militantes condamne avec la dernière énergie les morts et les blessés lors de la manifestation du 12 Juillet 2016 et considère de tels actes comme un coup à la démocratie. Aussi le parti condamne les attaques perpétuées contre l’armée du Mali à Nampala le 19 Juillet 2016, regrette les affrontements fratricides à Kidal et dénonce toutes ces barbaries inhumaines.
L’URP s’interroge devant l’échéance de mandat des élus communaux et régionaux et la possibilité d’aller vers l’organisation des élections régionales et communales a-t-on encore besoin d’un bras de fer pour l’installation des autorités intérimaires ?
Le processus de cantonnement des ex-combattants devrait débuter dans les 30 jours qui suivaient la signature de l’accord ; un an après le parachèvement de la signature de l’accord ou en est-on avec le cantonnement ? le processus de DDR (Désarmement, de Démobilisation et de Réinsertion) ?
Du 20 Juin 2015 au 20 Juin 2016 soit un an durant, au lieu d’une accalmie, l’insécurité demeure au Mali au vu et au su de Barkhane, de la MINUSMA (confiné dans son mandat inefficace) et de la CMA totalement indifférente…
Comment dans ces situations périlleuses pourrions-nous mettre les services sociaux de base dans ces zones d’insécurité sans la présence des forces armées du Mali ?
En outre l’accord d’Alger prévoit en son article 35 du chapitre 12 , titre IV « une stratégie à hisser les régions du Nord au même niveau que le reste du pays en termes d’indicateurs de développement et dans un délai n’excédent pas une période de 10 à 15 ans ». Ce pari est-il possible pour les nouvelles régions crées à savoir Taoudéni et Ménaka ?
A ces questions complexes est venue se greffer l’équation peulh à plusieurs inconnues.
A partir de ces constats amers, nous formulons les propositions suivantes : Concernant l’installation des autorités intérimaires; l’URP recommande leurs installations là où les mairies ne sont pas fonctionnelles. L’URP recommande à la CMA son engagement dans le processus de DDR (à commencer par le cantonnement de ses troupes). L’URP appelle à une union sacrée autour des institutions de la république pour lever le défi auquel nous sommes confrontés. L’URP appelle à la mobilisation générale pour la cause du Mali. L’URP propose une révision du mandat de la MIMUSMA qui après la signature de l’accord de la paix doit être une force d’appui aux forces armées maliennes pour la reconquête de l’ensemble du territoire et sa sécurisation. Toutes ces questions exigent de réponses collégiales et réfléchies. C’est pourquoi. L’URP se joint à toutes les parties (partis politiques et société civile) qui ont demandé la tenue de la conférence d’entente nationale prévue dans l’accord d’Alger en son article 5 du chapitre 2. L’organisation de cette conférence permettra de prendre de décisions consensuelles qui vont engager les forces vives de la nation en vue de décanter la situation.
-Vive le Mali démocratique, unifié et pacifié ».
Après cette déclaration liminaire, le présidium s’est prêté aux questions des journalistes.
S’agissant de la question portant sur le bilan à mi-parcours du régime IBK, Dr Modibo Soumaré dira que : « Notre soutien à IBK ne date d’aujourd’hui. Ce soutien a été fait bien avant les résultats du 1er tour des présidentielles de 2013. Nous avions soutenu IBK pour sauver le Mali. Pour nous, la priorité des priorités, c’est le recouvrement de l’entièreté du territoire du Mali. C’est ça l’enjeu majeur. Nous exigeons une application intelligente de l’accord pour la paix. Nous ne militerons jamais à ce qu’on applique tout l’accord qui est imparfait. On va attendre les cinq ans pour juger finalement le régime IBK. Au jour d’aujourd’hui, la position du parti est sans ambages sur le scandale de corruption. Il faut que la justice passe. Dans un pays normal où il ya un sens élevé de l’Etat, opposition et majorité devraient travailler pour un gouvernement d’union nationale. Des questions nationales doivent dépasser les clivages politiques. L’attaque de notre armée nationale ne doit pas faire objet de polémique. Malheureusement, il y a des positions purement politiciennes. Cependant l’URP estime que des choses pouvaient être changées. Il s’agit à titre indicatif le cas de l’APEJ. Nous pensons que l’APEJ doit être transformé en un comptoir de création d’emploi qui va financer des projets viables. Pour ce qui est de l’assainissement, l’URP n’est pas d’accord qu’on donne le nettoyage de Bamako au groupe OZONE. Le Maroc tient l’essentiel de notre économie. Il faut savoir économiser, capitaliser, et optimiser le peu d’argent que nous disposons».
En réponse à la question relative à la fissure de l’ADP-Maliba avec la majorité, Dr Modibo a souligné que la démarche de l’ADP- Maliba est souveraine mais incomplète. « Pour moi, cette situation de l’ADP ressemble au principe : je tire, on me propose », a-t-il indiqué. A ses dires, la décision de quitter la majorité doit être complète.
Parlant de l’opération propreté de Bamako, le président de l’URP a indiqué que : « Nous sommes d’accord sur le principe de déguerpissement pour que Bamako soit propre. Mais, nous ne partageons pas la méthode, en cette période de l’hivernage. Le moment est mal choisi. L’URP ne partage pas la démarche d’aller casser tout au nom de la préparation du sommet France-Afrique. Il y a des kiosques au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Guinée et même en France. Il faut beaucoup d’intelligence et surtout penser au climat social. Les Maliens se disent qu’il y a un sentiment extraordinaire d’impunité au nord de notre pays. Même en France, quand vous êtes en location, on ne vous chasse pas pendant l’hivernage. Il faut beaucoup de pédagogie et de moyens. Il y a des pressions qu’on peut faire. J’ai vu des structures cassées qui n’abordent pas le goudron. On peut mettre des pressions fiscales. Les gens vont se mettre en règle. Nous sommes pour l’autorité, mais nous ne sommes pas pour l’autoritarisme inintelligent ».
Abordant la gestion des forces sécurité et de défense, Dr Soumaré a insisté sur le renforcement de la coopération militaire avec la France, les Etats-Unis et surtout avec l’Algérie, puissance de la sous-région du sahel.
En ce qui concerne le cas des autorités intérimaires, il a laissé entendre que : « si j’étais à Gao, j’allais marcher avec les jeunes pour dénoncer le processus de nomination des membres du collège transitoire ».
Pour le président de l’URP, le mandat actuel de la Minusma est inefficace. « Le Mali n’a pas besoin d’une force d’interposition. Il a plutôt besoin d’une force qui puisse aider l’armée malienne à combattre efficacement les terroristes sur notre sol » a-t-il laissé entendre.
A l’entendre, être dans la majorité ne signifie pas d’être d’accord avec tout ce qui se dit et qui se fait. Pour terminer, Dr Soumaré a déclaré que l’Etat doit prendre des mesures pour éviter que des leaders politiques courtisent les mosquées. Religion et politique ne riment pas.
Jean Goïta