L’équipe gouvernementale consécutive à la présidentielle 2018 va-t-elle résister au coup de balai qu’on lui prédit depuis quelques semaines ? En dépit de la démonstration de force de la vague religieuse soulevée contre le gouvernement par l’Imam Mahmoud Dicko, on était en droit d’estimer une bouée de sauvetage après un récent conclave du groupe parlementaire majoritaire où plus d’une bonne trentaine de députés RPM affichaient une circonspection quant au dépôt d’une motion de censure contre le Premier ministre Soumeylou B Maïga et son gouvernement sans la caution du président de la République, autorité morale de la plus puissante des machines politiques. On pensait donc la question définitivement tranchée et le tour joué, mais c’était sans compter avec l’instinct de combativité et de survie des membres du BPN-RPM, au sortir d’assises statutaires émaillées de déclarations assez fortes sur fond d’indignation quant à la nature des rapports entre le Rassemblement et son président-fondateur. Après avoir sonné la révolte et l’affirmation politique, quelques jours auparavant, il paraissait pour le moins difficile pour les leaders du RPM de rabattre le caquet par crainte d’une éventuelle dissolution de l’hémicycle par le président de la République. Les députés RPM sont donc revenus à la charge, en milieu de semaine, sous impulsion de l’instance dirigeante du parti très déterminée à «prendre ses responsabilités» conformément aux indications reçues desdites assises. Les mêmes directives ont été répercutées sur le groupe parlementaire du parti dans le but évident de les traduire en procédure de retrait de la confiance du parti majoritaire au gouvernement. A moins donc de consacrer une rupture tout aussi clivante entre le directoire du RPM et son répondant parlementaire, une procédure de motion de censure semble inévitable cette semaine. De source bien introduite, c’est à cette fin que le groupe parlementaire tentera dès aujourd’hui d’obtenir auprès de la Conférence des présidents qu’elle diligente pour demain mardi une plénière, seule instance habilitée à recevoir ladite procédure. Il n’est pas exclu, en définitive, que les débats parlementaires et la délibération interviennent dès jeudi, c’est à dire 48 heures après le dépôt de la motion conformément aux dispositions constitutionnelles.
La partie est-elle pliée d’avance ?
Rien de moins sûr. En plus du soutien apparent (peut-être même quasi-évident) du chef de l’Etat que même la pression religieuse n’a l’air de faire vaciller, le chef du Gouvernement est à pied d’œuvre pour déjouer l’entreprise que mijote une frange redoutable de la majorité présidentielle à l’hémicycle. La démarche ne faisant pas l’unanimité en son sein, le Premier ministre en profite pour jeter ses ultimes forces dans le combat. Pour résister à la forte bourrasque qui se dessine, Soumeylou Boubeye Maïga a entrepris, en direction des entités parlementaires potentiellement mobilisables pour sa cause, diverses formes d’offensives de charme. Par-delà son entretien avec les députés du groupe parlementaire auquel appartient son parti, l’ASMA, les mauvaises langues lui prêtent également des tentatives d’achat des consciences et de dissuasion des députés à coups d’espèces sonnantes et trébuchantes. Il en aura à peine besoin pour embarquer ceux de l’Adema-Pasj où le choix est déjà fait de se désolidariser d’une procédure de destitution d’un gouvernement où leur président fait figure de ministre de la Défense. A la défection des parlementaires du Parti de l’Abeille s’ajoute celle d’une frange conséquente du groupe APM siègent les députés de l’ASMA, tandis que la procédure pourrait même être solidairement portée par le principal groupe de l’opposition, le VRD. La partie est en définitive loin d’être pliée pour SBM ou gagnée par ses adversaires avant le dépouillement du scrutin d’autant plus plausible qu’aucune mesure n’est prise par la plus haute autorité du pays pour éviter à l’équipe de Boubèye d’être le deuxième gouvernement à connaître un sort assimilable à celle du Gouvernement Abdoulaye Sékou Sow en 1994.
A KEÏTA