«Une longue période d’instabilité s’ouvre au Burkina Faso»

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Burkina: la société civile dans la rue contre le RSP
Le slogan principal de cette journée de protestation des organisations de la société civile était «Non au RSP»
RFI/Yaya Boudani

La crise politique s’aggrave au Burkina Faso, jeudi 17 septembre, avec la désignation par les putschistes du général Gilbert Diendéré, l’ancien bras droit de Blaise Compaoré, comme nouvel homme fort du pays. La veille, des éléments de la garde présidentielle avaient interrompu le conseil des ministres et pris en otage le chef de l’Etat, Joseph Kafando, et son Premier ministre, Isaac Zida. Ces derniers sont toujours retenus à Ouagadougou. Pour René Otayek, politologue, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest et chercheur au Centre national de recherche scientifique (CNRS), et professeur à Sciences Po Bordeaux, ce putsch illustre la «fragilité» des mobilisations citoyennes. Mais surtout, il installe le pays dans une «instabilité appelée à durer longtemps».

Faut-il voir la main de l’ancien président, Blaise Compaoré, derrière ce coup d’Etat ?

Malgré son éloignement géographique très relatif, Blaise Compaoré n’a jamais abandonné l’ambition de revenir au pouvoir ou, à défaut, de voir ses partisans reprendre le pouvoir. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le débat politique s’est cristallisé autour de la question de la possibilité pour les proches de l’ancien régime de se présenter ou non aux élections qui étaient prévues le 11 octobre et qui n’auront de toute évidence pas lieu. Le fait que ce soit le RSP [Régiment de sécurité présidentielle, ancienne garde prétorienne de Compaoré] qui soit à l’origine de ce coup d’Etat montre que l’ombre de Compaoré n’est pas loin. Reste à savoir si Blaise Compaoré effectuera pour autant physiquement un retour au Burkina Faso et quand. Et si Gilbert Diendéré, qui vient d’être désigné président du Conseil national de la démocratie –l’autorité mise en place par les putschistes –, lui laissera la place ou aura envie de rouler pour lui-même.

Les putschistes ont-ils les moyens de se maintenir au pouvoir ?

Avec la désignation de Gilbert Diendéré, le sentiment est plutôt que le coup de force tient. Les militaires se sont clairement emparés du pouvoir, et la mobilisation qui avait permis le renversement de Blaise Compaoré a du mal à prendre. Des organisations qui avaient joué un grand rôle dans le renversement de l’ancien président, comme le Balai citoyen, sont confrontées à un pouvoir militaire qui affirme qu’il n’hésitera pas à utiliser la force pour empêcher les manifestations. Il a d’ailleurs commencé à le faire.

De quelle marge de manœuvre disposent les collectifs citoyens pour contrer le nouveau pouvoir ?

Ce coup de force démontre que la société civile est en mesure de déclencher un mouvement, de parvenir à obtenir la chute d’un régime, mais qu’elle a encore beaucoup de difficultés à conduire à son terme une transformation. Elle manque de capacités organisationnelles, politiques ou idéologiques pour mener à terme la transition démocratique. Il faudrait que le relais soit pris par des forces politiques. C’est l’un des éléments qui explique le succès de la transition tunisienne : il y avait des forces politiques qui ont permis d’élaborer un programme de transition qui a abouti au résultat que l’on sait.

Les élections prévues le 11 octobre peuvent-elles encore avoir lieu ?

Il y a peu de chances que le processus démocratique se poursuive : les élections n’auront pas lieu. C’est clairement un échec de la transition et un renversement de situation. Un retour à la légalité dans l’immédiat est peu probable. Si des pressions africaines et internationales, conjuguées aux mobilisations citoyennes, ne font pas reculer le régime putschiste, le Burkina Faso va s’installer dans une période d’instabilité appelée à durer longtemps.

Raoul MBOG

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