Pour tenter de se donner une nouvelle virginité, concept de Malikura oblige, la classe politique semble se restructurer en forces « conservatrices » face à celles des « rénovateurs » pour les hostilités électorales à venir.
Si le régime IBK a fini par être renversé en 2020, sous les coups de boutoir du M5-RFP, l’on présume que la traversée du désert de la classe politique régnante pourrait se prolonger. Sauf que cela n’empêche pas les uns et les autres de penser à des cures de jouvence dans la perspective des prochaines élections.
En effet, le microcosme politique semble se fissurer entre d’une part ceux qu’on peut désormais appeler les conservateurs et les nouveaux acteurs qui ne cachent pas leur sympathie pour les tenants du pouvoir actuel. Il s’agit donc des partis politiques proches de l’ancienne majorité présidentielle rassemblée au sein du l’entité Ensemble pour le Mali (EPM) et même au-delà. Ce sont entre autres, le RPM, l’UDD, le PS Yelen Kura, le PARENA, YELEMA, l’URP, la CODEM…. L’on doit préciser, à ce niveau, que l’ADEMA-PASJ et l’URD sont dans un positionnement plutôt flou et complexe… Et, en face, il y a les forces politiques qu’on peut qualifier de « rénovatrices », se réclamant pour la plupart des nouvelles autorités militaires, comme le M5-RFP et ses dérivés, dont le COREMA, le FUSIL, l’AREMA, l’ADEPEM, etc.
Si le premier groupe se bat pour la tenue rapide des élections, comme l’exige de façon récurrente, le Cadre d’échanges des partis et regroupements des partis politiques pour une Transition réussie, les rénovateurs pourraient se satisfaire d’un maintien du pouvoir militaire actuel aux affaires, même pour une période allant au-delà de 2024. C’est au point que l’on se demande si l’on tend vers un duel fratricide entre ces deux pôles politiques de l’échiquier national.
Il faut souligner que le pouvoir de transition du Colonel Assimi Goïta a tellement impacté le destin des Maliens, durant ces deux dernières années, qu’il est difficilement envisageable qu’il soit spectateur lors des prochaines élections. Et, comme l’on s’habitue, sous nos tropiques, à la boutade selon laquelle « l’on n’organise pas des élections pour les perdre », les supputations sont déjà claires… Comme l’eau de roche !
Ainsi, pour certains observateurs avertis, en prenant le pouvoir en août 2020, les colonels responsables du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) n’étaient pas en …promenade de santé. Pour signifier que le Colonel Assimi Goïta et ses frères d’armes n’étaient pas apparus sur la scène juste pour un tour de villégiature. Ils avaient bel et bien un « projet politique » bien ficelé, celui de changer le destin de la Nation, en lui impulsant de nouvelles « orientations stratégiques ».
En effet, l’on se rappelle qu’au lendemain du renversement du président Ibrahim Boubacar Kéita, le Colonel Assimi Goïta, le discours officiel avait indiqué que le CNSP voulait changer la façon de gouverner le pays. Il avait alors sollicité, face à la CEDEAO, une transition devant s’étendre sur une durée d’au moins 3 ans. Ce qui n’avait pas été du goût de l’organisation régionale. Mais, le Colonel Assimi Goïta avait insisté avant de lâcher du lest, visiblement à contre cœur.
C’est donc sous les pressions d’Abuja que le chef de l’Etat a été contraint à accepter même que la transition soit dirigée par un civil ou un militaire à la retraite et étendue sur un délai de dix-huit mois. Durée qui sera prolongée plus tard avec une rallonge de 24 mois, après « une rectification », suite au coup de force en mai 2021, ouvrant la voie au Premier ministre Choguel Kokalla Maïga.
Ce rappel permet de s’attarder sur les actions décisives menées par le pouvoir du meneur des coups de forces d’août 2020 et de mai 2021. Il s’agit des actes de « gouvernance vertueuse et de rupture » posés par le pouvoir.
En outre, au plan diplomatique, la gestion des affaires publiques a été marquée par la tension frôlant la rupture d’avec certains Etats comme la France, l’Allemagne, le Danemark, le renvoi de la force Barkhane, les sanctions économiques durant 7 mois par la CEDEAO et l’UEMOA, etc. Toutes ces actions ont poussé l’Etat malien à réorienter ses « partenariats privilégiés » avec des pays comme la Russie, la Chine pour résoudre la crise sécuritaire qui le traumatise.
Ces actes majeurs de positionnements ne peuvent-ils pas être remis en cause par les futures autorités, qui sortiront des prochaines élections ? Rien n’est moins sûr. C’est pourquoi le pouvoir actuel ne voudra certainement pas organiser des élections d’où émergeraient des acteurs politiques susceptibles par exemple de remettre en selle la France dans le pays. C’est là que les dés risques d’être pipés ou les chances compromises pour les « conservateurs ».
De même, le pouvoir du Colonel Assimi Goïta ne voudra pas aussi que la coopération militaire bien ficelée avec la Russie soit remis en cause. Ce qui va inciter le pouvoir à manœuvrer les choses pour que les futurs hommes forts du pays soient dans la même orientation politique et stratégique que lui. Donc, les colonels pourraient difficilement se priver de leur influence. Ne sera-t-elle pas alors en faveur des « rénovateurs» ? Le doute est mince.
Sans oublier que le pouvoir n’hésiterait pas à propulser des partis, mouvements et associations pouvant mobiliser l’électorat en faveur de la continuité politico-stratégique du colonel Assimi Goïta. Celui-ci peut donc tout sauf s’imposer une neutralité dans les prochaines élections. Celle pourra être préjudiciable à ses intérêts stratégiques, surtout qu’il y a une vie après le palais ! Les rénovateurs seront-ils alors dans ses grâces ? Pourquoi pas ! Et des personnalités comme Me Mountaga Tall du CNID Faso Yiriwa ton, Modibo Sidibé des FARE ANka Wuli, Konimba Sidibé du MODEC (courant M5-RFP) pourraient être… décisifs pour la prochaine élection présidentielle. Ou, tout simplement le colonel Assimi Goïta lui-même ? Wait and see !
Bruno D SEGBEDJI