« Je fais confiance aux forces de sécurité du Mali ». C’est le sésame qui a placé le président au centre de la réconciliation et permis d’ouvrir des négociations inclusives sur la situation sécuritaire et institutionnelle du pays. En effet, comment assurer les fonctions de président de rassemblement dans un pays dont l’armée est marginalisée par la communauté internationale et mise à l’index par une partie de sa classe politique ? La tension est subitement tombée d’un cran depuis le vendredi 27 juillet 2012, date du retour au pays de Dioncounda Traoré. Le pardon à ses agresseurs, l’appel à la réconciliation suivi de sa proposition de création des autres organes de la transition seront la cerise sur le gâteau. Au vu des différentes réactions enregistrées à ce jour, on peut dire que le président a réalisé un coup de maître et prouvé son sens politique. Comment évoluera la situation suite à cette décrispation ?
Réussir la paix des braves
En se référant à l’accord-cadre dans son allocution, le président s’est mis en phase avec le CNRDRE, le Premier Ministre et ceux qui estiment que la CEDEAO n’a pas respecté ses engagements au Mali. Ainsi, il n’apparaît plus comme l’homme de la CEDEAO ou celui d’un regroupement s’appuyant sur celle-ci pour bloquer toute velléité de changement. En menant les premières consultations, le président a donné plus de lisibilité à l’action du premier ministre qui est essentiellement d’ordre technique, loin des palabres politiciennes. En mettant en exergue l’accord-cadre plutôt que la constitution, il rend possibles toutes les options au plan interne en désamorçant les menaces intérieures et extérieures pouvant gêner les militaires et donc le bon déroulement de la transition. Au départ, Dioncounda était marqué du soupçon de son appartenance partisane et par l’engagement de son parti au sein du FDR. Désormais, la COPAM ainsi que ceux qui doutaient de sa bonne foi sont amenés à reconsidérer leur position, d’autant que les positions du FDR ont été prises à rebrousse – poils par sa déclaration qui lui permet aussi de se démarquer de la CEDEAO et de ceux qui jouaient sur la corde sécuritaire pour isoler les forces de défense et de sécurité en espérant les mettre par la suite en coupe réglée pour en faire une sorte d’appendice des forces de la CEDEAO. De ce fait, le président participe véritablement à la réhabilitation de l’armée nationale dont il est le chef suprême. Si son agression lui a attiré la sympathie des maliens, sa déclaration a fini par convaincre même les plus sceptiques qu’il était enfin prêt à accomplir sa mission au service exclusif du Mali. En initiant et en obtenant la paix des braves, il réussit ainsi sa propre réhabilitation après de longues crises de confiance consécutives aux nombreuses sorties de route de la CEDEAO.
La fin de l’abstentionnisme?
La politique reste aussi et surtout un jeu subtil d’alliances et de mésalliances au gré des intérêts du moment, sans état d’âme. Et comme nous l’avions signalé depuis longtemps déjà, la donne militaire reste au centre de la résolution de la crise sécuritaire et institutionnelle. La résistance et la ténacité des forces du changement ont fini par avoir raison des menaces et intimidations de toutes sortes. La saine appréciation de la réalité du terrain a conduit Dioncounda à un repositionnement salutaire pour lui-même et pour le bon déroulement de la transition. Ainsi ceux qui, à l’intérieur comme à l’extérieur, voulaient « se servir de sa bouche pour manger leur piment » doivent tout simplement déchanter. Le président est désormais en odeur de sainteté auprès de son peuple, le premier ministre apparaît comme le vrai chef d’orchestre du gouvernement de mission et le chef du CNRDRE comme l’arbitre obligé d’une partie dont l’issue ne laisse aucun doute sur les changements en profondeur qui se préparent au Mali. L’action de la société civile avec les religieux en première ligne a permis aux uns et aux autres de comprendre la détermination de l’immense majorité restée longtemps silencieuse. Il faut espérer qu’elle annonce la fin de l’abstentionnisme au Mali. Pour le bien de notre démocratie.
Mahamadou Camara
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