Arrivée à son terme depuis 25 mars dernier, la transition est prolongée de plus belle pour deux ans via un décret pris par le président Assimi Goita. Cette décision ne fait pas l’unanimité au sein de la population car certains estiment qu’il est temps de céder le pouvoir au civil.
Le président de la transition le colonel Assimi Goita a officiellement annoncé la prolongation de la transition à travers un décret le lundi 6 juin 2022. Cette décision intervient après un nouvel échec des pourparlers avec la CEDEAO. L’institution sous régionale n’est pas restée silencieuse suite à cette décision qu’elle qualifie d’ « unilatérale » et qui a été prise pendant que les discussions sont en cours pour parvenir à un accord qui permettra au Mali de sortir de son isolement.
En effet, la population malienne a une fois encore été déçue après ce énième sommet de la CEDEAO. Elle voyait déjà une éventuelle levée des sanctions mais grande fut la surprise quand la décision de reprendre les discussions le mois prochain fut annoncée avec comme conséquence la poursuite de l’embargo et les sanctions contre le pays.
Depuis l’embargo imposé par la CEDEAO le 9 janvier, la situation économique du pays a pris un sacré coup. De ce fait, la population malienne avait énormément misé sur ce sommet pour enfin voir le bout du tunnel. C’est dans ce contexte que la prolongation de la transition a été divulguée créant davantage de tension avec la CEDEAO. En prenant cette décision, les autorités de la transition veulent montrer l’attachement de tout le peuple à leur cause. Mais on ne voit que le sommet de l’iceberg car cela ne fait pas l’unanimité. Plusieurs personnes pensent qu’il s’agit d’une confiscation de pouvoir par les militaires.
Interrogé sur la question, un ingénieur en informatique qui préfère garder l’anonymat affiche sa crainte pour la démocratie malienne. « Tout ce sacrifice des martyrs n’a plus de sens. Mon pays a carrément basculé dans un régime totalitaire où celui qui détient les armes peut aisément détrôner un président démocratiquement élu. Avec cette multitude de coup d’Etat que nous avons connus, je pense que la démocratie malienne a été enterrée depuis belle lurette. Les hommes en armes ne veulent plus faire ce à quoi ils sont destinés c’est-à-dire protéger les populations et leurs bien. C’est bien dommage de continuer ainsi, il est plus que temps que cette transition prenne fin », peste-t-il.
Même rengaine de la part de BS. « Dans ce pays, les militaires sont devenus accros au pouvoir. Rien de plus normal que le colonel ajoute encore deux ans d’exercices à son pouvoir. Lorsqu’on est entouré de garde du corps avec un salaire qui se compte en millions de francs CFA, sans oublier les tapis rouges, c’est normal que ne veille pas lâcher d’un pouce cette responsabilité. En sa qualité de membre des forces spéciales, je ne vois pas ce qu’il fait dans un palais présidentiel. Sa place se trouve sur les théâtres des opérations, mais hélas », regrette-t-il.
Par contre, c’est le soulagement chez d’autres pour lesquels cette annonce est historique et salvatrice pour le Mali. Souleymane Sangha, habitant de Mopti laisse exploser sa joie. Selon lui, les militaires doivent rester au pouvoir jusqu’à ce que le Mali soit entièrement libéré des groupes terroristes. « Depuis l’arrivée de Assimi Goïta au pouvoir, l’armée malienne a été dotée d’un souffle nouveau. Les conquêtes sont fulgurantes et la sécurité revient peu à peu. Si on poursuit dans cette dynamique, le Mali entier sera libéré en moins de deux ans. De ce fait, les deux ans sont largement justifiés. D’ailleurs, il doit même rester encore pendant un quinquennat. La région de Mopti connaît une certaine accalmie et tout cela grâce aux efforts consentis par notre président », témoigne-il.
Les avis divergent ainsi sur cette question de prolongation de la transition. Quant à la classe politique malienne, elle n’a pas encore émis de communiqué. Les seules personnes qui critiquent le pouvoir sont tous en exil car pour qui connaît la situation politique du Mali, formuler des critiques contre le pouvoir équivaut à une arrestation.
Ahmadou Sékou Kanta