Invité du Journal-Afrique de TV5, avant-hier mercredi, le 16 juin 2021, Tiéman Hubert Coulibaly, président du parti UDD et du regroupement de partis et mouvements politiques, ARP, a étalé toute sa sagesse et sa maturité en répondant aux questions, pour la plupart vicieuses, voire viciées. Par le calme olympien qu’on lui reconnaît, la retenue et la mesure qui le caractérisent, Tiéman s’en est très bien tiré. On avait l’impression qu’il ne pouvait se départir de la stature de ministre des Affaires étrangères qu’il fut, tant l’image du Mali a été très bien soignée dans ses propos exprimés avec beaucoup de clairvoyance.
Après avoir fait la corrélation entre la capture dans la journée d’un cadre du Groupe Etat islamique au Sahel par les armées française et nigérienne, et l’annonce faite par Emmanuel Macron relative au retrait progressif des forces Barkane il y a de cela une semaine, la journaliste lui demande, en tant qu’ancien ministre des Affaires étrangères, comment il a accueilli cette nouvelle.
Tiéman Hubert Coulibaly de répondre en ces termes : “J’ai appris par une annonce, à mon avis un peu à minima pour l’instant, que ce cadre terroriste avait été appréhendé et je crois comprendre qu’il fait partie de ceux qui ont été utilisés comme monnaie d’échange pour la libération du regretté Feu Soumaïla Cissé et de Sophie Pétronin. Cela veut dire que le travail des forces continue sur le terrain. Vous savez, en un moment donné, il faut concéder certaines choses pour avancer et quitte à se rattraper plus loin. Ce n’est pas la première fois qu’il arrive que des terroristes soient libérés et que certains soient rattrapés, donc arrêtés, et d’autres totalement neutralisés”.
Et son interlocuteur de revenir à la charge par une question de relance vicieuse. Ce genre de questions courtes, mais fermées, qui peuvent amener à lâcher le mot ou la phrase de trop : “Comment avez-vous réagi à l’annonce du retrait progressif des forces Barkhane par Emmanuel Macron ?”
Mais avec calme et sérénité, Tiéman répond : “C’est une décision qui est annoncée par le président français et je crois comprendre que c’est un processus qui est préparé de longue date. Je ne l’accroche pas aux questions politiques internes au Mali car il était question depuis un moment d’une évolution sur le format de la force Barkhane. Je pense que c’est cela qui est en cours.”
Mais l’interlocutrice ne lâche pas le morceau et tient coûte que coûte à entendre Tiéman Hubert commenter en direct les propos du président français concernant le retrait progressif des forces Barkane. Elle pose la question sous un autre angle, en ces termes : “Macon justifie sa position en disant qu’il ne veut pas discuter avec les terroristes, contrairement au gouvernement malien. Mais quand on sait que le journaliste Olivier Dubois est toujours retenu en otage par un groupe terroriste affilié à Al-Qaïda, qu’est-ce que vous pensez de cette position du président français ?”
A ce niveau de l’entretien, il fallait couper court avec cette intention manifeste de lui faire dire ce qu’il ne souhaite pas dire. Cela se sentait d’ailleurs dans le ton de Tiéman devenu plus ferme lorsqu’il répondait à cette question : “Je ne souhaite pas commenter les prises de position du président Macron qui est le chef de l’Etat français et la France est un Etat ami. La lutte contre le terrorisme comporte plusieurs postures. Il y a la posture militaire qui consiste à traiter les menaces selon les opportunités qui se présentent ; il y a aussi une posture qui consiste à déradicaliser, voire obtenir le décrochage d’éléments importants d’un dispositif terroriste par des moyens divers et variés ; il y a aussi une action envers les populations pour leur permettre d’avoir une posture psychologique refusant le terrorisme.”
Et Tiéman de continuer ainsi : “Aujourd’hui, au Mali, nous avons eu plusieurs séquences, notamment le Dialogue national inclusif qui, c’est vrai, avait prescrit de tenter de dialoguer avec certains éléments. Il y a des Maliens qui sont dans ces organisations-là. Entre Maliens nous devons pouvoir obtenir que la paix s’installe entre Maliens et que ceux qui sont Maliens renoncent à ce mode violent d’expression politique, mais à une condition, que la République soit sauve. Que la République n’en paye pas le prix. Nous sommes une République laïque, sociale, plurielle. Cela ne doit pas être un enjeu dans une éventuelle discussion avec ceux qui voudraient quitter le terrorisme.”
“C’est alors l’affaire des Africains comme le dit Emmanuel Macron ?” renchérit la journaliste.
Réponse de Tiéman Hubert Coulibaly : “Le terrorisme est l’affaire du monde. On ne peut pas parler d’affaire d’Africains concernant le terrorisme, aujourd’hui. Ça concerne le monde entier. Mais il y a des situations locales qui peuvent nous amener à essayer des solutions permettant de faire décrocher, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, des Maliens qui sont désireux de quitter ce mode d’action. Nous pouvons essayer cela, mais sans préjudice pour la République, encore une fois.” Des propos martelés, qui révèlent bien une maîtrise du dossier enveloppée dans de la maturité politique.
Ensuite, la réaction de Tiéman Hubert a été sollicitée en ce qui concerne la situation politique intérieure du Mali, au sujet de laquelle la journaliste utilise l’expression “instabilité au sommet de l’Etat”, évoquant au passage “les deux coups d’Etat en l’espace de neuf mois”.
Tiéman Hubert Coulibaly ne nie pas qu’il y a effectivement instabilité politique au Mali, qui date même de longtemps, selon lui. Mais il apporte des précisions et esquisse des voies de solutions : “Le Mali est dans l’instabilité depuis très longtemps. Il est clair que nous n’avons réussi notre construction démocratique et c’est ce travail qui attend les Maliens. Les problèmes, il faut les aborder sereinement en les regardant dans les yeux. Nous ne pouvons nous cacher la face, nous avons un problème dans la construction démocratique de notre pays. Nous ne pouvons pas continuer à assister à ce cycle de prise de pouvoir par la force. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas et ça, en toute responsabilité, les Maliens doivent le régler entre eux. Aujourd’hui, nous sommes dans une transition qui doit se concentrer sur l’élection du président de la République en priorité afin qu’un pouvoir légitime, un pouvoir civil, puisse organiser la suite.”
A la question de savoir que si la Cédéao se dit rassurée par le discours d’investiture d’Assimi Goïta, lui, Tiéman, est-il sur la même longueur d’onde que l’organisation ouest africaine concernant ce discours ?
Réponse sans équivoque de Tiéman Hubert Coulibaly : “Il a pris des engagements, notamment d’organiser les élections à temps, de respecter les délais. Il faut aujourd’hui que le gouvernement qui est en place s’attèle à poursuivre la sécurisation de notre territoire, à préserver les conditions de notre résilience économique, c’est extrêmement important. Pour que cela soit possible, il ne faut pas disperser son énergie. De mon point de vue, il faut se concentrer sur l’élection du président de la République qui permettra d’avoir la clé de voute de notre système institutionnel en place et de manière légitime afin que tout le reste puisse être organisé dans une cohérence nationale.”
Et que pense-t-il du colonel Assimi Goïta et de Choguel Maïga à la tête de l’Etat ?
A cette question qui semble anodine, mais viciée, Tiéman répond tout naturellement, avec concision : “C’est un chef de l’Etat et un Premier ministre. L’ordonnancement institutionnel du Mali est fait, il y a un président de Transition qui est le chef de l’Etat et un Premier ministre qui est le chef du gouvernement.” Amadou Bamba NIANG