Think tank : Faut-il reporter les élections ?

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Interrogé par Christophe Boibouvier de RFI à propos de son avis sur  un éventuel report de l’élection présidentielle au Mali, le ministre français de la Défense, Jean Yves le Drian, de répondre : “Ce n’est pas imaginable. Et je pense que tous ces bruits  qui courent sur un éventuel  report mettent en cause tout le travail effectué jusqu’à présent. Et nous sommes tout à fait déterminés à soutenir le gouvernement et le président Traoré dans l’organisation des élections au mois  de juillet  car il faut un pouvoir légitime ici.

Techniquement, il est possible d’organiser ces élections et donc il faut que tout soit mis en œuvre pour que ça se fasse, car il en va de la crédibilité du Mali. Et il en va aussi de la crédibilité de l’action des casques bleus (…) de la crédibilité de l’action européenne pour la formation de l’armée malienne, ainsi que de la crédibilité de l’intervention française. Donc c’est incontournable pour que le Mali retrouve sa crédibilité internationale.” En fait, Jean Yves le Drian n’a fait que souffler dans la même trompette que son patron, le président français, venait d’emboucher. En effet, François Hollande, dans une de ses récentes sorties, avait laissé entendre qu’il serait intraitable à propos du respect de la date du scrutin.  C’est le président de la République, Dioncounda Traoré qui,  le premier, avait lancé la date du 7 juillet pour  la présidentielle tout en donnant des assurances que le défi de l’organisation sera relevé à temps. Le Premier ministre Diango Cissoko, depuis Gao où il était  parti remonter le moral des troupes, avait, de son côté, martelé que la date du 7 juillet est tenable  et qu’il ne faudrait même pas en douter une seconde. Pour compléter cette symphonie au sommet de l’Etat, le ministre de l’Administration territoriale est entré dans la danse  en se repandant en assurances, en soulignant, de passage, que le financement est bouclé, alors que sur un budget global de 63 milliards de FCFA seuls 25 milliards de FCFA sont, pour le moment disponibles. Tranchant avec cette assurance affichée par le  gouvernement, il y a de plus en plus de voix discordantes qui s’élèvent pour signifier que, pour des raisons  objectives, le délai imparti est difficilement tenable. Le président de la Commission Electorale  Nationale Indépendante (CENI) a même écrit au ministre de l’Administration territoriale pour lui demander de revoir le calendrier  électoral, autrement dit le report estimant ainsi que les délais étaient  trop serrés. Au sein même de la classe politique, ils sont nombreux à abonder dans le même sens. C’est le cas, entre autres,  de Mountaga Tall du CNID et Soumana Sako de CNAS Faso Hèrè. Les tenants de cette ligne mettent en avant une série de facteurs ne permettant pas la tenue d’élections transparentes et crédibles. On peut citer, pêle-mêle, la sécurisation incomplète du septentrion, la difficulté à faire voter les populations expatriées ou déplacées du fait de la crise, le redéploiement de l’administration et des élus locaux dans les zones libérées, un processus qui n’est qu’à ses débuts, la non disponibilité d’un fichier sûr…

L’on peut comprendre l’attitude du président français dictée par la crainte de voir nos responsables politique d’user de subterfuges pour éterniser la transition et confisquer ainsi le pouvoir. La crainte est légitime et l’attitude noble au regard de la jurisprudence politique sous nos cieux. Mais gare à une appréciation erronée de la situation ! Que valent les garanties données par les hauts responsables de l’Etat malien ? N’est-ce pas uniquement une preuve de bonne foi qu’on veut donner, coûte que coûte,  au sauveur historique en guise de reconnaissance et de remerciement ? Il faut que François Hollande fasse extrêmement attention pour ne pas commettre une erreur irréparable. Au-delà du respect des principes, il doit surtout jouer, dans le volet politique de la crise malienne, la carte de la lucidité et du pragmatisme.  Pour qu’au bout du compte l’opération Serval n’apparaisse comme un gigantesque coup d’épée dans l’eau. Car une crise postélectorale au Mali aura des effets dévastateurs au regard de la polarisation actuelle de la classe politique malienne. D’autant que, selon les prévisions d’un spécialiste des sciences ésotériques, le mois de juillet prochain correspond  à une période de grave crise à l’échelle mondiale. Toujours est-il que, après une évaluation froide de la situation sous-tendue par une analyse rigoureuse, s’il estime qu’on peut aller à l’élection sans risque majeur, tant mieux ; c’est le souhait de nous tous. Si, a contrario, il estime qu’il y a péril en la demeure, il ne coûte rien de décaler l’élection de trois  mois, soit à la  fin novembre ou au début du mois de décembre, après l’hivernage. Il peut alors exercer une pression amicale pour  que cette date soit une date vraiment butoir et que tous les problèmes soient résolus dans l’intermède.

Yaya Sidibé

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