Le Mali traverse une double crise sécuritaire et politique, la plus grave de son histoire, depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012. Les deux – tiers du pays sont sous occupation par des groupes rebelles, terroristes et djihadistes d’origine essentiellement étrangère. Le Mali vit aujourd’hui sous un régime de Transition sous forte influence de la communauté internationale et se trouve confronté aux quatre (4) menaces principales suivantes analytiquement distinctes mais enchevêtrées dans la pratique et nécessitant donc un traitement global :
a) le péril sécessionniste, remettant en cause l’intégrité territoriale et l’unité nationale ;
b) la menace intégriste, sapant la laïcité de l’Etat et les fondements de la République ;
c) la menace sur la démocratie ; et enfin ;
d) la menace terroriste.
Conscients de leur devoir de génération et déterminés à réunir toutes les conditions idoines pour créer l’unité de pensée et d’action la plus large possible au sein de la classe politique et des acteurs sociaux, les regroupements politiques et organisations de la société civile du Mali ci-dessous désignés ont, les 1er et 8 décembre 2012 à Bamako, tenu une Table Ronde autour des thématiques relatives notamment à la Plateforme politique du MNLA, au calendrier des prochaines élections présidentielle et législatives, aux conditions de libération du Nord du Mali et à la médiation de la CEDEAO.
Au terme d’échanges et de discussions approfondis, Nous, soussignés regroupements politiques et organisations de la société civile, avons adopté le présent Manifeste pour la Nation, articulé autour de cinq engagements cardinaux et destiné à servir de source d’inspiration tant pour les pouvoirs publics maliens que pour la communauté internationale:
1. Rejeter la Plateforme politique d’autonomie du MNLA. Il ne s’agit que d’une déclaration déguisée d’indépendance sur fond de racisme par une minorité non élue menée par des dignitaires de cette même République qu’ils ont trahie et des déserteurs de l’Armée nationale dont le sort doit être réglé par le code de justice militaire.
Nous sommes pour l’approfondissement de la décentralisation conformément au principe de libre administration des collectivités tel que prévu à l’article 70 de la Constitution, à l’exclusion de toute formule de Fédération ou de Confédération, car il n’y aucune demande légitime interne en faveur de la remise en cause de la forme unitaire de l’Etat. Un approfondissement du processus de décentralisation permet de prendre en charge les préoccupations de toutes les communautés maliennes.
2. Refuser toute proposition visant à organiser des élections avant la libération des chefs-lieux administratifs du Nord et le retour de l’Administration et des Forces Armées et de Sécurité.
Organiser les élections uniquement dans les régions sud du pays reviendrait à consacrer en droit la partition du pays, à renforcer l’enracinement des forces d’occupation, à prolonger le martyre des populations du Nord ainsi qu’à alimenter la campagne pernicieuse de discrédit de la classe politique. En tout état de cause, il n’y a pas de précédent dans le monde où un Etat aurait organisé des élections générales alors que la majeure partie de son territoire est sous occupation étrangère.
Toutefois, les préparatifs pour des élections libres, démocratiques et transparentes se poursuivront sans attendre la libération des zones occupées.
En outre, les pouvoirs publics doivent faire preuve de plus d’efficacité dans l’accomplissement de leur double mission (libération du Nord et organisation des élections) afin que la Transition soit la plus courte possible.
3. Refuser toute négociation et tout dialogue avec le MNLA et Ançardine : ce sont des mouvements esclavagistes, terroristes, intégristes, racistes et séparatistes qui ont fait alliance avec AQMI, MUJAO et autres narcotrafiquants. Ils ne sont représentatifs ni des Touaregs du Mali ni, à plus forte raison, de l’ensemble des communautés du Nord.
Nous demandons aux pouvoirs publics de lancer sans délai des mandats d’arrêt internationaux contre les dirigeants du MNLA et d’Ançardine pour s’être rendus coupables de graves violations des droits humains, de violences indicibles surtout contre les femmes, les enfants et les personnes âgées ainsi que de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans les régions du Nord. La nécessaire élimination de la menace terroriste sur la sécurité nationale, régionale et internationale ne doit en aucun cas se traduire par une remise en selle des groupes rebelles sécessionnistes ou jihadistes sous le prétexte fallacieux qu’il s’agit de groupes de nationalité malienne. En outre, l’indispensable appui multiforme international aux efforts militaires internes de libération du nord ne doit en aucun cas échapper au contrôle politique des autorités nationales légitimes.
Après la libération des zones occupées, les autorités maliennes engageront une dynamique de réconciliation et de progrès, visant à ramener la concorde et respectueuse des valeurs de la République, y compris la laïcité de l’Etat, ainsi que des droits et des intérêts de toutes les communautés et de la Nation malienne dans son ensemble. Il s’agira d’une part, d’instaurer un dialogue intra – communautaire et intercommunautaire entre les populations du Nord et d’offrir à la jeunesse des perspectives crédibles qui l’éloignent des narco –trafiquants et autres terroristes et, d’autre part, de créer les conditions d’une démocratisation des sociétés traditionnelles en vue de supprimer toute forme de domination, d’oppression, d’esclavagisme, de féodalisme et de racisme.
4. Récuser le médiateur de la CEDEAO en la personne de Son Excellence Blaise COMPAORE, Président du Burkina Faso et recadrer les termes de référence du médiateur.
L’actuel médiateur applique une approche contraire aux intérêts bien compris du Mali et de la sous -région car consistant à travestir la réalité en la présentant comme un conflit entre le Nord et le Sud du Mali. Son attitude partisane en faveur des rebelles et leurs complices terroristes le disqualifie comme médiateur crédible dans le règlement de la crise au Nord. Si la CEDEAO a le droit de désigner un médiateur pour servir de point focal entre elle et le Mali, il reste constant que l’organisation territoriale et les règles régissant la vie publique et civile relèvent de la souveraineté exclusive de l’Etat malien. En outre, un médiateur n’est ni un négociateur ni à plus forte raison un arbitre ou un décideur.
5. Lancer un appel pressant aux pays du champ non membres de la CEDEAO pour qu’ils s’engagent plus résolument à soutenir toute intervention militaire visant à restaurer sans délai l’intégrité territoriale du Mali.
Nous nous inclinons pieusement devant la mémoire des victimes civiles et militaires du conflit et souhaitons prompt rétablissement aux blessés.
Nous affirmons toute notre solidarité avec les compatriotes déplacés internes et réfugiés, tout en les exhortant à se méfier des marchands d’illusions et des chants de sirènes visant à les détourner de la mère patrie.
Nous saluons nos frères et sœurs du Nord qui, dans des conditions absolument effroyables, vivent le calvaire au quotidien et organisent une héroïque résistance à l’occupation.
Nous remercions la communauté internationale pour sa mobilisation en faveur de notre pays depuis le début de la crise et l’invitons instamment à maintenir sa cohésion et sa détermination. Toutefois, nous engageons les pouvoirs publics à reprendre sans délai l’initiative politique et diplomatique du processus de sortie de crise et à faire preuve de vigilance et de discernement par rapport aux enjeux réels de cette crise (car les intérêts du Mali ne sont pas toujours coextensifs ou compatibles avec ceux de certains acteurs extérieurs) et aux marchés de dupes qui pourraient être proposés par divers milieux nationaux ou étrangers.
Le Mali est à la croisée des chemins. Prenant notre Peuple et la communauté internationale à témoin, nous accomplirons notre devoir de génération en réalisant la libération totale du Nord, la restauration de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale ainsi que le retour de la concorde nationale dans le cadre d’un Mali laïc, plus fort, plus uni, plus démocratique et offrant des chances égales à tous ses enfants et dans toutes nos régions.
Vive le Mali uni, unitaire, démocratique, laïc et prospère !
Fait à Bamako, le 8 décembre 2012