Après trois mois de suspension jalonnée de contestations, de bravades, de subtilités et de représailles judiciaires, les activités des politiques pourraient finalement reprendre. Elles ont été formellement rétablies, mercredi dernier, à l’issue du Conseil des Ministres dont le communiqué justifie cette décision gouvernementale par la levée de toutes les menaces potentielles sur les objectifs du Dialogue Inter-Maliens. C’est au nom de cette initiative, avec le dessein d’une réconciliation nationale en toile de fond, qu’était intervenue la suspension des activités politiques, dans la foulée d’un lever de bouclier latent contre la persistance de la transition militaire ainsi que de velléités revendicatrices d’un retour à l’ordre constitutionnel et d’instauration d’un pouvoir civil. Ces réclamations étaient portées notamment par l’Alliance du 31 Mars, dont la plupart des leaders sont incarcérés depuis deux semaines environ pour avoir tenté de déjouer les contraintes de la mesure suspensive de leur fonctionnement, au moyen de concertations hors des espaces politiques classiques. La levée des obstacles au fonctionnement des partis intervient, en définitive, dans une atmosphère encore alourdie par cette nouvelle vague de privations des libertés que nombre d’acteurs politiques perçoivent comme un musèlement des voix divergentes au mépris des textes en vigueur.
C’est pourquoi, les manifestations de réjouissance et de satisfaction auront retenti moins bruyamment que les réserves et interrogations sur la portée de la levée de la suspension. En clair, l’intérêt et les préoccupations d’une écrasante frange de la classe politique portent surtout sur les effets et implications de cette nouvelle mesure réparatrice sur le sort des leaders politiques incarcérés. Dont la procédure judiciaire devrait logiquement être impactée par l’abrogation du décret auquel ils sont censés avoir contrevenu et sur lequel repose l’essentiel des griefs retenus à leur encontre.
Pour nombre d’observateurs, en définitive, la restauration des activités politiques suspendues paraît inopérante dans sa plénitude sans correction des frustrations et torts imputables à l’exploitation et aux conséquences judiciaire de la mesure restrictive des libertés politiques.
Ça n’est pas le seul motif de la circonspection qu’inspire la levée de la suspension des activités politiques, laquelle intervient en contresens de la procédure engagée contre le décret qu’elle révoque. Jugé liberticide par nombre de composantes de la classe politique – et dénoncé comme tel devant les juridictions compétentes -, le décret litigieux du président de la Transition attend toujours d’être examiné et tranché par la Cour suprême, après le refus de la Cour constitutionnelle de se prononcer sur sa conformité avec les lois fondamentales. L’interruption de cette procédure tant attendue par une simple réhabilitation des activités politiques n’aura ainsi servi qu’à conforter la confusion et les équivoques qui entourent la légalité de la mesure les ayant suspendues. Et pour cause, elle manque de lever la menace d’une récidive aux dépens de partis politiques qui, probablement pour cette raison, ne sont pas en train d’accueillir la levée avec beaucoup d’enthousiasme.
A KEÏTA