Qui gravira en 2012 la "Colline du pouvoir" pour s’installer au palais de Koulouba à la place d’Amadou Toumani Touré (ATT), qui a choisi de respecter l’article 30 de la Loi fondamentale qui circonscrit toute destinée présidentielle à 2 mandats ? A Bamako, mi-octobre 2010, les pronostics vont bon train : les noms de 2 favoris sont fréquemment cités, en l’occurrence ceux de Soumaïla Cissé, président de l’Union pour la République et la démocratie (URD), et d’Ibrahim Boubacar Keita du Rassemblement pour le Mali (RPM). A moins que ce ne soit l’outsider Dioncounda Traoré de l’Alliance pour la démocratie au Mali l’ADEMA, actuel président de l’Assemblée nationale encore faut-il qu’il réussisse à s’imposer aux primaires. Ou un autre probable outsider que pourrait susciter le Parti pour le développement économique et la solidarité (PDES), ce conglomérat de formations politiques qui soutiennent le chef de l’Etat sortant. Paysage politique à 18 mois de la 5e présidentielle du Mali depuis les tragiques événements du 22 mars 1991.
Bamako, la capitale malienne se modernise, chaque jour en tout cas, aux yeux du touriste qui y séjourne régulièrement : échangeurs, grandes voies asphaltées, parterres verdoyants, monuments et autres stèles trônant aux ronds-points.
Et que dire des villas et immeubles grand standing du quartier Chic ACI 2000 d’où continuent de pousser de nouvelles termitières en béton ? Et cette cité administrative construite par Kadhafi où emménageront bientôt la Primature et les ministères ? Le tout sous le microclimat du Djoliba, qui traverse la cité du Djatiguiya. Voilà pour la carte postale.
En ce mois d’octobre, les Bamakois n’ont pourtant plus la tête dans les nuages de la commémoration du Cinquantenaire (22 septembre), et la conjoncture nationale reprend petit à petit ses droits : elle a pour noms AQMI et… présidentielle 2012.
672 000 km2 de sable, c’est la superficie de bande sablonneuse qui couvre le nord du Mali. C’est dans ce no man’s land aride et austère que la nébuleuse AQMI a choisi de commettre ses actes de terrorisme, notamment le rapt de touristes, et autres humanitaires.
Dans ce sens, l’enlèvement, il y a 3 semaines de cela, de 7 personnes (5 Français, un Togolais et un Malgache) est dans toutes les conversations, lesquelles se ramènent à la question basique suivante : que faire face à ces "fantômes du désert" ?
Deux positions se dégagent relativement à cette menace sans visage. Les uns estiment qu’ils faut négocier avec ces djihadistes, comme du reste, on l’avait fait avec les Touaregs. N’est-ce pas parce qu’ils se sentent traités en parias que ces fous d’AQMI continuent à mener cette guerre de rapines ?
Problème : "ces salafistes ne viennent pas du Mali, mais d’ailleurs", soutient-on mordicus à Bamako. Et d’autres d’ajouter : "Notre islam qui date du 9e siècle a toujours été un islam pacifique, humaniste, où la vie humaine est sacrée".
Quant aux partisans de la politique du bâton, "pas question de continuer à laisser perpétuer ce fond de commerce que constituent ces enlèvements".
Et s’il y a une personne qui a fini par se rallier à cette position, c’est bien ATT himself : le président malien de par le passé rechignait à montrer du muscle, préférant privilégier son fameux "Sinankounya" (Equivalent du Raakiré, cette parenté à plaisanterie bien connue chez nous, au Burkina Faso, sous toutes ses variantes).
Mais la barbarie pérenne de l’AQMI subsaharienne l’a conduit à changer son fusil d’épaule. En particulier, l’escarmouche mortelle en mai 2006 contre une caserne militaire à Kidal par le Mouvement dit du 23 mai pour le Changement : "Cette attaque était un défi pour le soldat, le président de la République et le médiateur que j’étais", expliquera le n°1 malien le 14 octobre 2010 à Bamako lors d’une communication qu’il donnait à l’ouverture du 3e forum des éditeurs médias.
Politiquement, et même si ATT n’est pas candidat à sa propre succession, AQMI constitue le petit caillou dans sa chaussure et pourrait mitiger sa sortie du pouvoir surtout que certains de ses compatriotes le trouvent malgré tout assez timoré face à ces croquants du désert, d’où ses appels itératifs à un sommet régional consacré à la sécurité dans le Sahel.
"Malheureusement, certains chefs d’Etat ne veulent pas se voir, alors qu’on peut à la limite tenir la réunion à l’aéroport de Bamako, et chacun pourra reprendre son avion et repartir", dira-t-il. Un cri du cœur qu’il ne cesse de lancer, convaincu que le Mali ne peut rien seul contre AQMI. Sera-t-il enfin entendu par ses pairs ? L’histoire nous le dira. L’autre grande dissertation nationale de nos jours est naturellement la présidentielle de 2012.
En affichant fermement sa volonté de ne pas rallonger son bail à Koulouba pour parachever des chantiers comme certains de ses homologues, ATT joue à fond la carte du démocrate, mais il ouvre aussi, de façon précoce, le bal des prétendants.
Qui succédera en 2012 à l’ex-parachutiste de Koulikoro ? La liste n’est pas longue et elle se décline en 2 ou 3 noms :
Soumaïla Cissé : candidat malheureux à la présidentielle de 2002 face à ATT, ce natif de Niamfunké a rompu les amarres avec l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA) qu’il représentait, pour fonder l’URD. Non sans auparavant provoquer une saignée à l’ADEMA en s’en allant avec de nombreux cadres et élus.
Ayant pris les rênes de la Commission de l’UEMOA en 2004, l’ancien analyste chez Thomson n’a pas pris part à la compétition de 2007 face à ATT, qui entama son second et ultime mandat. Cissé confiera d’ailleurs la direction du parti à un de ses fidèles lieutenants Younoumi Touré. Même si Soumaïla Cissé entretient un faux suspense, il est évident, comme le nez sur le visage, que l’homme sera à ce grand rendez-vous de 2012.
Du reste, ses affidés ne font aucun mystère sur cette candidature : "Soumaïla Cissé sera lui-même candidat en 2012, il ne soutiendra ni Ibrahim Boubacar Keita (IBK), ni personne d’autre au premier tour", a affirmé le 11 octobre dernier au siège du parti à Bamako, Cheickma Hamallah Bathily, 5e vice-président de l’URD.
A 61 ans, l’ancien ministre des Finances et du Commerce fait figure d’hyperfavori. Il a l’envergure, les moyens, et les connections d’un présidentiable, à quoi s’ajoute que son parti est électoralement bien implanté : une trentaine de députés, et 2000 conseillers communaux.
Ventre mou de Soumaïla Cissé, l’actuel ministre de la Santé , Omar Ibrahima Touré, n°2 de l’URD, qui, à un certain moment, voulut devenir Calife à la place du Calife. Les bisbilles avec cet allié a fragilisé le parti de la poignée de mains.
D’aucuns ont même subodoré que la nomination de ce proche de Cissé à un poste ministériel était une façon pour ATT, de casser l’URD. A l’évidence, Soumaïla Cissé pourrait donc passer d’une présidence (UEMOA) à l’autre (présidence de la République du Mali).
Deuxième favori, IBK, en plus clair Ibrahim Boubacar Keita. Ce sera la troisième fois qu’il part à la conquête du pouvoir suprême. Ayant échoué en 2002 et en 2007 face à ATT, et en fondant le RPM en 2001, l’intéressé prouva qu’il était un grand politique, puisqu’il parvint à se positionner à l’époque comme la seconde force du pays, avant de connaître des déboires et l’amertume de la défaite.
Réputé grand commis de l’Etat, cet ancien Premier ministre jouit toujours de l’estime de beaucoup de ses compatriotes. L’histoire veut qu’il ait échoué en 2002 par une fatwa non écrite du président sortant Konaré, lequel n’a pas apprécié, alors pas du tout, sa propension à déjà s’afficher comme son successeur.
Autre boulet chevillé à ce favori, d’aucuns estiment que ses proches n’ont pas facilement accès à lui, et qu’il pratiquerait un tantinet, le culte de la personnalité… En tout cas, il a encore une occasion pour convaincre davantage en 2012.
A ces deux pachydermes du Djoliba faisant figure de favoris, il convient d’ajouter le probable cheval de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA). Qui sera choisi lors des primaires qui s’annoncent corsées ? Dioncounda Traoré, l’actuel occupant du perchoir, est bien le président du parti de la Ruche, mais il est loin d’en être le candidat naturel.
L’ex-parti majoritaire va donc rééditer la dure épreuve de 2002, celle du choix d’un porte-étendard à l’interne. S’il l’emporte, il constituera un outsider sérieux à ne pas négliger par les deux favoris : l’ADEMA a 51 députés à l’hémicycle et est aussi implanté sur toute l’étendue du territoire.
L’autre grand outsider pourrait émerger du confetti de formations politiques qui ont fait chorus derrière ATT : le parti pour le développement économique et la solidarité (PDES) créé le 17 juillet 2010 qui a comme président d’honneur, une des éminences grises d’ATT, Hamed Sow et comme président, le ministre des Infrastructures, Ahmed Diane Semega.
Qui pourrait être adoubé par le PDES si ATT donne son feu vert ? L’un des deux ? Ou encore Modibo Sidibé, l’actuel Premier ministre ? A moins que ce ne soit Jamille Bittar, tout-puissant président conseil économique et social et de la Chambre de commerce ?
Vraisemblablement, Hamed Sow pourrait être l’outsider idéal du PDES, car il a été l’artisan du projet sur lequel ATT a été élu en 2007.
A ces hommes qui peuvent créer la surprise, ou se transformer en faiseurs de rois, il faut ajouter une liste de "petits candidats". On peut citer :
le "voyageur interplanétaire", et actuel monsieur Microsoft Afrique, Cheick Modibo Diarra (gendre de l’ancien chef de l’Etat Moussa Traoré), qui a créé le rassemblement pour le développement du Mali (RDM) ;
Cheick Boubacadry Traoré de la Convergence africaine pour le renouveau (CARE) ;
Moussa Mara, président de Yelena ;
Madani Tall de Avenir et développement du Mali ;
ou encore Choguel K. Maïga du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR)… on le constate, la présidentielle malienne de 2012 reste ouverte et promet des joutes intéressantes.
L’Observateur Paalga