Statut de l''opposition au Mali : Quels droits et devoirs pour le futur leader ?

0

Le Mali dispose déjà d’une loi portant statut de l’opposition adoptée par l’Assemblée nationale en sa séance plénière du 1erjuillet 1995. Elle a été promulguée par le président Alpha Oumar Konaré le 15 septembre de la même année. Mais elle est presque tombée dans les oubliettes.

rn

Aujourd’hui, l’apparition d’une opposition parlementaire à l’Assemblée nationale rend impératif l’opérationnalité d’un statut pour l’opposition et son futur leader. Aussi, l’idée du président ATT de « renforcer le statut de l”opposition » et « faire de son leader une personnalité reconnue de l”Etat… », serait-elle la bienvenue. Du moins pour le renforcement de la démocratie au Mali.

rn

Selon l’ancienne loi, les devoirs de l’opposition sont, entre autres, de contribuer au développement de l’esprit démocratique, respecter la Constitution et les institutions, défendre les intérêts supérieurs de la nation, cultiver la non-violence comme forme d’expression, cultiver l’esprit républicain par le respect de la règle de la majorité, suivre l’action gouvernementale et, le cas échéant, la critiquer de façon objective et constructive.

rn

Ses droits se résument entre autres, en une représentation en fonction de son poids politique au sein des organes et des institutions où elle siège, un libre accès aux renseignements par voie d’audience spéciale dans les ministères et administrations publiques. Quant à sonchef, le leader peut être reçu par des missions diplomatiques accréditées au Mali et les personnalités étrangères en visite dans notre pays.

rn

Toutefois, la nature de ces visites ne doit pas comporter d’engagements contraires aux dispositions des lois et aux intérêts du pays. Bref, la loi de 1995 limitait le pouvoir et les droits de l’opposition. ATT pourrait s’inspirer de la contribution du politologue sénégalais et professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, M. Diagne.

rn

Selon ce dernier, l’opposition et son leader dans nos pays africains doivent disposer d’un statut sur mesure. Pour lui, le leader de l’opposition devra disposer d’un statut ex-officio. Il pourrait être membre de droit du bureau de l’Assemblée nationale s’il ne l’est pas, il devrait avoir droit à la couverture médiatique des manifestations liées à l’accomplissement de sa mission, un droit de réplique aux messages ou autres interventions médiatisées du président de la République ou du chef du gouvernement.

rn

Une place de choix dans le protocole républicain devrait lui être réservée dans le décret sur les préséances. Il devrait être invité à toutes les cérémonies officielles de la République et traité avec les égards et honneurs dus à son rang. Il pourrait faire partie des délégations qui accompagnent le président de la République lors de ses déplacements à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire national. Il pourrait être associé à l’accueil des hôtes de marque de la République. Il pourrait lui être confié des missions spécifiques d’envergure nationale ou internationale et, surtout, être consulté ou reçu en audience par le chef de l’Etat chaque fois que cela s’impose.

rn

Des avantages matériels et protocolaires pourraient être conférés au chef de l’opposition. Il devrait être doté de ressources financières suffisantes pour une prise en charge efficiente de son secrétariat, ses frais de déplacement et de recherche. Un bureau à l’Assemblée nationale devrait lui être affecté. Il devrait également bénéficier d’une sécurité rapprochée, d’un logement de fonction, d’un véhicule de service avec ses ingrédients, une place de choix dans le protocole républicain, un passeport diplomatique…

rn

Concilier multipartisme et opposition

rn

Le poste de leader de l’opposition, estime le politologue, sera toujours en compétition car le chef de l’opposition d’aujourd’hui peut se retrouver demain aux commandes de l’appareil d’Etat ou bien rétrograder et laisser la position à un autre leader. Il est investi de ce statut pendant toute la durée de la législature. Il perd ce statut, hormis la défaite électorale, en cas de déchéance de son mandat, de décès, de démission ou d’empêchement définitif. Le parti qu’il représente lui désigne alors un successeur, conformément à ses règles statutaires. De même, si son parti intègre le gouvernement, il perd cette qualité au profit du leader du parti d’opposition arrivé en troisième position lors des dernières élections législatives, et ainsi de suite.

rn

En s’inspirant de ce modèle, qui est d’ailleurs canadien, notre politologue pense qu’il est possible de concilier le multipartisme intégral avec le statut du chef du principal parti de l’opposition. Au Canada, notamment dans les provinces qui le composent, il existe bien un « statut de l’opposition officielle qui, juridiquement, diffère des autres partis d’opposition qui peuvent siéger au Parlement et avoir même des groupes parlementaires », ajoute-il. L’opposition officielle est incarnée par le parti politique qui a obtenu le plus grand nombre de sièges parlementaires après le parti majoritaire.

rn

Dans le contexte malien, ce parti est évidemment le Rassemblement pour le Mali (RPM). Un tel système permet au peuple, au cours d’élections législatives, de confier le pouvoir d’Etat à la majorité et de donner une prime d’encouragement au second parti dont le chef représente l’opposition officielle. Pour le Professeur, cette faculté restituée au peuple permet de contourner les tractations des états-majors des partis politiques qui pourraient, s’ils étaient chargés de le coopter, prendre en otage le chef de l’opposition.

rn

Pour le politologue, dans tous les pays où il existe, le chef de l’opposition est choisi sur une base institutionnelle et politique et non sociologique. En effet, le leadership de l’opposition n’a de sens que si celui qui l’incarne est avant tout un représentant du peuple siégeant à l’Assemblée nationale. Il doit s’intégrer dans les structures républicaines et s’exprimer à travers des voies institutionnelles. Mais, cette vision du statut de l’opposition et de son leader ne semble pas être partagée par le Parena.

rn

Pas d’opposition prébendière

rn

Son député et secrétaire général, Me Amidou Diabaté, indiquait dans les colonnes de l’Essor que « nous n”avons pas besoin d”une opposition prébendière. Il existe déjà chez nous une loi portant statut de l”opposition. Je ne crois pas que l”opposition ait un seul jour formulé des critiques contre cette loi. Le plus grand service que l”on peut rendre aujourd”hui à l”opposition, c”est de respecter la Constitution et le jeu normal des institutions. L”opposition n”est pas demandeuse de fonds. Elle ne demande que des moyens constitutionnels ».

rn

L”opposition, pense donc Amidou Diabaté, a beaucoup de droits prescrits dans la Constitution. Le responsable du Parena ajoute qu’on n”a pas besoin d”une loi pour que le chef de l”Etat, qui est le président de tous les Maliens, comprenne qu”il faut consulter l”opposition. On n”a pas non plus besoin de codifier cette démarche républicaine. « La Constitution suffit pour cela », pense-t-il. Il ajoute, « je pense par ailleurs que l”existence du Parlement est la meilleure garantie pour que l”opposition soit entendue. Mais, à condition que ses droits soient réellement respectés ».

rn

C’est dire donc que le débat est déjà relancé et il urge que la classe politique malienne explore toutes les voies afin que l’opposition d’aujourd’hui comme celle de demain soit la vraie opposition dont le pays a besoin.

rn

Denis Koné
rn

Commentaires via Facebook :