Soumaïla Cissé-Ibrahim Boubacar Kéïta : Le complot de l'un, le niet catégorique de l'autre

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Malgré les vicissitudes de l’histoire, les chemins d’El Hadji Ibrahim Boubacar Kéïta et Soumaïla Cissé peuvent-ils se croiser de nouveau ? Mais comme on le dit, la politique est l’art du possible.

 

Un rappel, dit-on, est toujours utile. Surtout s’il concerne un pan de l’histoire. Il fut un moment de l’histoire politique de notre pays où les deux hommes politiques en question, El Hadji Ibrahim Boubacar Kéïta et Soumaïla Cissé, respectivement président du Rassemblement Pour le Mali (Rpm) et fondateur de l’Union pour la République et la Démocratie (Urd) entretenaient des ”relations politiques” plus ou moins tumultueuses. Malgré que le second ait été ministre des Finances dans le gouvernement dirigé par le premier. Chacun connaît bien les qualités, voire les défauts de l’autre. Chacun a grandi sous l’ombre du président Alpha Oumar Konaré.

 

Lors du premier congrès constitutif de l’Adema, les 25 et 26 mai 1991, Ibrahim Boubacar Kéïta est élu Secrétaire aux relations africaines et internationales. Il monte en grade pour devenir président en 1994. Par la suite, il sera réélu en octobre 1999. En position de force IBK, alors Premier ministre, chef de file du courant dit des "conservateurs" ”chasse” les éléments du courant dit des "rénovateurs" ou encore le clan Cmdt. Sans le souhaiter, Ousmane Sy, Soumeylou Boubèye Maïga et Soumaïla Cissé et autres sont mis à l’écart.

 

Des ouvriers d’Alpha au cœur du complot contre le ”candidat naturel” !

Entre temps, Alpha Oumar Konaré, en fin stratège, parvient à convaincre son Premier ministre d’abandonner son poste pour aller préparer le terrain dans la perspective de la présidentielle de 2002. En février 2000, IBK quitte la primature. Les ”rénovateurs” préconisent l’organisation des "primaires" pour désigner le candidat du parti à la présidentielle de 2002. Les sections de base, téléguidées par des ”ouvriers à la solde d’Alpha”  s’en mêlent pour exiger la tenue d’un congrès extraordinaire.

 

Le plan secret d’Alpha est en marche pour ”déraciner” celui qu’une certaine opinion considérait comme son dauphin. Voyant venir le coup visant à l’éjecter de la présidence de la ruche, IBK prit son courage à deux mains pour claquer la porte en compagnie de ses fidèles lieutenants. Le mouvement politique ”Alternative 2000” est mis sur orbite et va donner naissance plus tard au Rassemblement Pour le Mali (Rpm). 

 

A l’époque, ministre de l’Equipement, de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et de l’Urbanisme, Soumaïla Cissé fait partie des cadres de l’Adema qui ont poussé Ibrahim Boubacar Kéïta à la sortie. Les comploteurs, instigateur et agents d’exécution, dont Soumaïla Cissé, privaient ainsi  ”l’homme fort” de Bamako -Coura d’alors de son statut de ”candidat naturel” du parti à la présidentielle. Au sein de l’Adema, les primaires sont organisées, faute de consensus comme l’aurait souhaité d’Alpha Oumar Konaré. Et Soumaïla Cissé obtient la confiance de ses camarades délégués au détriment de Soumeylou Boubèye Maïga, alors ministre des Forces armées et des anciens combattants. ”Soumi champion” est désigné candidat officiel du parti au pouvoir.

 

A la veille des élections présidentielles, on assiste à une recomposition de la classe politique. Trois grands regroupements voient le jour. Le parti au pouvoir, l’Adema et ses alliés mettent en place l’Alliance pour la République et la Démocratie (Ard) en cas de second tour. D’anciens partis membres de l’opposition se joignent au Rpm coalisent pour fonder ‘Espoir 2002”. Plus d’une dizaine de petits partis se regroupent au sein de l’Alliance pour la convergence et le changement (Acc) autour du général à la retraite, Amadou Toumani Touré qui signait ainsi son grand retour après 10 ans d’absence. Contrairement aux partis membres de l’Acc, ceux des deux autres formations politiques présentent des candidats au 1er tour de l’élection présidentielle qui enregistre 24 candidats. Un record.

 

Le non catégorique d’IBK éloigne Soumi de Koulouba en 2002 ?

Les résultats provisoires proclamés par le ministre de l’Administration territoriale, Ousmane Sy, et validés le 9 mai par la Cour constitutionnelle créditent le candidat ATT de 449 176 voix, soit 28,87%. Ensuite, arrive Soumaïla Cissé avec 333 525 voies, soit 21,44%. IBK ferme le tiercé avec 329. 149 voix, soit 21,15%.

 

Pour ”Espoir 2002”, leur victoire a été volée. Ainsi, ses leaders organisent un grand meeting au Stade du 26 mars. Avant le meeting prévu pour le 4 mai, le général candidat ATT (comme s’il était dans les secrets de Dieu) se rend discrètement chez IBK. Il demande à IBK d’appeler ses militants à voter pour lui au second tour.

Aussi, il essaie de convaincre l’ancien Premier de garder tout son calme. Au stade du 26 mars, les leaders de la Coalition "Espoir 2002" demandent tous l’annulation du scrutin. Me Mountaga Tall, Choguel Kokalla Maïga et autres sont persuadés que le gouvernement d’Alpha Oumar Konaré a tripatouillé les résultats. Le chef de file d’Espoir 2002 surprend tout le monde. Il dénonce les résultats sans pourtant inciter ses militants à la violence.

 

Cette sortie des leaders de la coalition ”Espoir 2002” redonne une certaine confiance à Soumaïla Cissé et son camp. Pour eux, le Président Alpha Oumar Konaré et son gouvernement roulent pour le compte du Général ATT. Pour les responsables de l’Ard, le regroupement Espoir 2002 ”est mûr pour une alliance républicaine contre l’arrivée aux affaires d’un militaire”.

Après concertation, ils tentent de rencontrer le président d’Espoir 2002. Sans succès. IBK refuse de recevoir l’émissaire de l’Ard. Pis, Soumaïla Cissé remue ciel et terre pour échanger avec IBK, devenu ”faiseur de roi”. Mais il refuse de parler à ”son petit frère”. Il décide de jouer son réseau de relations dans la sous – région. De Yamoussoukro à Dakar en passant par les autres capitales, il téléphone à ses amis ou envoie au besoin des émissaires. Il approche ses ”amis parisiens” pour leur ”demander d’intervenir auprès de Oumar Bongo pour faire pression sur IBK”.

 

Le silence des têtes d’affiche d’Espoir 2002 empoisonne l’atmosphère au sein de l’Ard. Son président, Moussa Balla Coulibaly, leur envoie une lettre ouverte. Il les appelle ”à sauver la République en votant Soumaila Cissé au second tour”.

Finalement, IBK et ses amis refusent ”l’alliance républicaine” (pour reprendre ainsi l’expression de Moussa Balla Coulibaly) et décident de soutenir ATT au second tour. Avec le non catégorique d’IBK, ”Soumi champion” voit le pouvoir s’éloigner de lui. 

Soumaïla a-t-il gardé rancune contre IBK ?, s’interrogent de nombreux analystes politiques comme Bacary Camara dans l’une de ses chroniques ”Parenthèse” parue récemment dans les colonnes de ”Le Challenger” sans apporter une réponse claire. Mais en 2007, l‘actuel président de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest- africaine (Uemoa) a préféré ATT à IBK.

 

Malgré les vicissitudes de l’histoire, les chemins d’ El Hadji Ibrahim Boubacar Kéïta et Soumaïla Cissé peuvent-ils se croiser de nouveau ? En politique, tout est possible. Surtout dans le contexte malien.

En plus d’une grande divergence idéologique, IBK comme Soumaïla estiment être investis d’une mission divine : celle de conduire la destinée du peuple malien. Si l’heure est au rassemblement des forces politiques (selon IBK lui-même), certains analystes estiment que le Rpm sera phagocyté par l’une des grandes formations politiques. Ça, c’est une autre histoire ! 

Boy Siby

 

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