Décidément le pays du dialogue et du Sinanguya est devenu incapable de résoudre ses problèmes par la dialectique. On s’habitue de plus en plus à l’intervention des étrangers pour apaiser nos tensions sociales. C’est regrettable que les maliens aient renoncé à ces valeurs qui garantissaient la paix sociale. Et cela est d’autant plus dommage que l’intervention des étrangers, la CEDEAO notamment, n’apporte pas toujours des solutions idoines. La médiation en cours au Mali en est une parfaite illustration.
La proposition faite par la CEDEAO et le “Club des députés”, quoique satisfaisante en pratique, n’est pas conforme au droit. Si les intentions qui animent les auteurs de la solution proposée sont nobles, elles ne pourraient justifier une violation flagrante de la Constitution et des règles fondamentales de notre démocratie. Défaire certains députés officiellement proclamés en dehors des procédures légales instituées est contraire aux règles fondamentales de la démocratie. La Constitution malienne est claire sur certains points qui méritent d’être rappelés.
D’abord, il faut se rappeler que la loi fondamentale accorde à l’exécutif, article 42, la possibilitéé de dissoudre l’assemblée nationale et non celle de défaire certains députés officiellement proclamés par le juge constitutionnel. Il n’est donc pas donné au président de la république la l’attitude de contraindre ou non un député à la démission. Le règlement intérieur de l’AN permet à un député”de se remettre” et non d’être demi (article 7).
Ensuite, il est précisé à l’article 94 de la Constitution que les décisions de la Cour Constitutionnelle sont insusceptibles de recours et qu’elles s’imposent à tous les pouvoirs publics.
Enfin, la possibilité d’une élection partielle n’est admise que pour les cas de vavance provoquée par un décès ou une démission ou toute cause d’incapacité.
Ainsi, l’article 63, qui fait référence à la fixation des conditions de remplacement des sièges vacants, n’autorise pas la destitution d’un député pour y pourvoir à son remplacement. Or, c’est bien ce à quoi aboutirait la reprise des élections dans les circonscriptions litigieuses suite à des démissions forcées. On précisera, en outre, que la solution proposée par les médiateurs reviendrait à remettre en cause une décision, insusceptible de recours, rendue par une Cour Constitutionnelle régulièrement composée.
La dissolution de l’Assemblée nationale, article 42, demeure, légalement, la seule issue digne d’être envisagée. Elle permettrait l’organisation de nouvelles élections dans l’ensemble des circonscriptions électorales. Il en résultera certainement des conséquences politiques plus facilement gérables qu’une violation flagrante de la Constitution. Les conséquences politiques, notamment la difficulté de reconstitution d’une majorité ou l’élection du président de l’AN dans le clan présidentiel, peuvent se résoudre par les mêmes tractations entreprises précédemment. Et les partis pourraient refaire les mêmes alliances immorales pour palier leur incapacité à mobiliser les électeurs déçus.
Toute autre tentative équivaudrait à remettre en cause les règles de principe posées par la loi fondamentale. Une telle transgression pourrait justifier des recours des candidats malheureux, fondés en droit, et donc d’envenimer une situation déjà très critique.
Enfin, il convient d’insister sur le fait qu’aucune disposition légale, même pas la loi organique régissant le fonctionnement de l’AN, n’autorise l’exécutif à demettre un député dont l’élection, quoique contestée, n’aura pas été infirmée par le juge constitutionnel. La décision qui tranche le contentieux électoral, ayant acquis force de chose jugée, consacre et sacre le suffrage universel exprimé. On ne peut y revenir que par la voie d’une dissolution conforme au droit constitutionnel. Entre deux maux, il faut éviter le pire. Organiser la sortie d’une crise pour en declencher une autre est une fausse bonne idée.
Dr Moussa Dougouné