Après avoir observé certaines réactions des Maliens par rapport à la crise actuelle du pays, on constate que l’intérêt qu’ils portent à ladite crise est réconfortant.
La crise malienne est le résultat de deux crises : une crise du Sud dite « interne » et qui se passe à Bamako et une autre du Nord dite « externe » due aux folles exactions des sécessionnistes, islamistes, indépendantistes et terroristes du MNLA, d’Ançardine, du MUJAO, d’AQMI…
Crise « interne »…
Son origine remonte à la chute du Général Moussa Traoré en mars 1991 suite à un soulèvement populaire qui avait semé l’anarchie et provoqué des drames inédits : pillages, saccages, tueries…Pour un ancrage définitif de la démocratie et de la liberté d’expression au Mali, les forces sociales et politiques avaient à l’époque encadré et accompagné la lutte des masses. Mais après la période transitoire dirigée par ATT, certains politiques s’étaient ensuite un une sorte de conglomérat pour prendre le pouvoir et le conserver. Il semble même que de 1992 jusqu’au coup d’Etat militaire du 22 mars dernier, c’est ce même conglomérat sociopolitique (à quelque différence ou nuance près) qui s’était réinstalle au pouvoir. Mais après des années de « tours de passe-passe » politiques, le peuple, qui en avait depuis longtemps ras le bol ; n’aspirait plus qu’à un véritable changement, ce même changement auquel il aspirait déjà depuis mars 1991 et qu’il ne voit toujours pas survenir. C’est quelque part une des raisons qui avaient poussé beaucoup de Maliens à soutenir les putschistes de Kati dès le début de leur prise du pouvoir, même si ce soutien avait fini par s’affaiblir et s’estomper au fil du temps et des événements dans le pays. Une autre question subsidiaire à cette crise, c’est celle qui concerne l’ancien président de l’Assemblée nationale et actuel Président de la république par intérim, Dioncounda Traoré. A tort où à raison, bien des Maliens le considèrent encore comme ayant fait partie des anciens membres dudit conglomérat politique qui, depuis la chute de Moussa Traoré, ont laissé faire les choses sans vraiment exiger un véritable changement. D’où le désamour que bien des Maliens éprouvent encore envers le successeur constitutionnel d’Amadou Toumani Touré contre lequel Dioncounda n’avait jamais opposé un quelconque contrepoids, même s’il avait toujours clamé que son parti, l’ADEMA, reviendra au pouvoir au Mali : c’est ce qu’on appelle « prendre son rêve pour de la réalité », surtout après tous ces changements qui ont terni le visage du pays…Quant à la crise du Nord, elle est considérée par de nombreux Maliens comme une résultante de la domination du terrorisme international combinée aux conséquences de la crise du Sud où le laxisme apparent des différents locataires de Koulouba (ATT et Dioncounda) auraient livré (pourrait-on dire) le pays aux assaillants du Nord.
Et crise « externe »
Concernant la crise du Nord (occupation de trois régions par des bandits armés et lutte contre le terrorisme international), la majorité des Maliens pense qu’elle est l’affaire du seul Etat malien et que sa solution ne doit pas donner prétexte aux anciens « dinosaures » pour se réinstaller au pouvoir. Pour cette frange de citoyens, a crise du Nord-Mali n’est que secondaire, surtout depuis qu’elle ne se pose plus tellement en terme de sécession, mais plutôt en terme de choix à faire entre un régime islamiste et un régime laïc. Mais ce qu’on tait, ce sont les raisons de cette crise dite « externe » (du Nord) où les rebelles prônent l’islamisation des régions placées sous leur contrôle. Mais ces raisons ne sauraient être religieuses d’autant plus que dans ses textes fondamentaux, le Mali donne le droit et le choix de culte à tous les Maliens. Par ailleurs, certains esprits avisés ont compris que ces « fous de Dieu » ne luttent pas pour la cause religieuse (la vraie), mais plutôt pour rendre ces zones du Nord invivables afin de pouvoir s’approprier les richesses naturelles (sol et sous-sol) du septentrion, et si possible, du pays tout entier. En effet, certaines zones du Nord renferment beaucoup de réserves en or, pétrole et d’autres matières tout aussi importantes.
Des solutions aux deux crises
Comment les autorités maliennes doivent-elles s’y prendre pour résoudre durablement et sans compromission la crise ? Le Mali peut-il la résoudre tout seul ? La CEDEAO, dont les troupes sont sollicitées par les autorités maliennes, dispose-t-elle de moyens adéquats et suffisants pour réunifier le pays après sa libération ? Les approches définies par la conférence des Chefs d’Etats de la CEDEAO sont-elles porteuses d’espoir pour le Mali ? Le coup d’Etat du 22 mars dernier a-t-il arrangé ou dérangé les choses ? Enfin, comment en finir une fois pouir toutes avec cette crise ? Ce sont là autant de questions (entre autres) auxquelles le peuple malien et ses plus hautes autorités doivent trouver des solutions pour une sortie définitive de crise.
Le peuple est souverain
Le peuple étant souverain, il est libre de confier la gestion de la Transition à qui il veut. Parlant justement de Transition, une bonne frange de Maliens soutiennent qu’ils ne souhaitent pas confier l’organisation des futures élections à un ancien du sérail comme Dioncounda Traoré et des politiciens de l’ADEMA regroupés aujourd’hui au sein du Front pour la démocratie et la république (FDR). Ces Maliens affirment tous qu’ils préfèrent plutôt de nouveaux hommes pour arbitrer les prochaines joutes électorales qui désigneront le futur maître de Koulouba : c’est qu’ils sont aujourd’hui assoiffés de réelle alternance politique cohérente. Selon eux donc, confier la Transition au seul Dioncounda Traoré reviendrait en quelque sorte à « confier la clé de la cuisine à une hyène ». C’est pourquoi beaucoup de citoyens avaient fait bloc derrière les jeunes putschistes de Kati et refusé toute « intrusion » de la CEDEAO dans les affaires internes du pays.
Serge Lath
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