Entre la gestion des angoisses quotidiennes de la marmite des Maliens d’en bas, et les conciliabules pour une élection présidentielle déterminante en 2012, vient de se glisser un «souci rongeur» pour le président Amadou Toumani Touré: la situation sécuritaire chaotique au Nord de notre pays. Plus pernicieuse que les autres sujets, la situation des arrivants du front libyen, est plus que dramatique pour ATT qui croyait pouvoir finir paisiblement son second et dernier mandat, et retourner dans son Mopti natal en compagnie de ses petits enfants. Quoiqu’il soit tenace en temps que soldat, il semble avoir rompu avec le sommeil.
Le président Amadou Toumani Touré vient de régler une crise qui paraissait périlleuse pour sa fin de mandat. Il s’agit de celle qui l’opposait à sa très agressive Centrale syndicale UNTM. Siaka Diakité, patron de cette Centrale et ses hommes sont venus à la table de négociation avec 16 points de revendication sur lesquels ils n’ont fait aucune concession. Mais, en face d’eux, ils avaient des hommes et des femmes cloués au poteau, contraints de se plier à leurs quatre volontés. Mais au fonds, ATT sait que ni son Gouvernement, ni celui qui arrivera après lui, ne peut respecter ses engagements qui, du reste, sont irréalistes.
Siaka Diakité, lui-même est décidé à mener la guerre à ATT avec qui le divorce n’a aucune explication plausible. Il continue encore et toujours à animer le front de la contestation anti reforme et promet de faire plier à nouveau son ex-ami ATT. Dans ce combat, il est soutenu par une frange importante de la classe politique, c’est-à-dire l’opposition dans son ensemble, même si elle n’est pas assez représentative. Pour mener son projet à terme, c’est-à-dire, offrir aux Maliens une nouvelle Constitution signée du président ATT, il met tous les moyens en œuvre pour faire agiter les contestataires. Madani Tall, Conseiller économique et président d’une minuscule formation politique, embouche le premier la trompète et souffle de toutes ses forces aux quatre vents. Le spectacle qu’il livre est bien amusant, mais n’intéresse que quelques naïfs du landernau politique. Les hommes politiques, comme Soumana Sako qu’il passe au savon, ne lui accordent aucune importance. ATT lui est soulagé, mais intrigué par le mutisme de la formation politique qui lui est dévouée : le PDES. Ses leaders sont préoccupés à d’autres choses : se faire une place au Palais présidentiel, une fois ATT «délogé». ATT comprend que dans sa détresse morale, il est seul devant la kyrielle de problèmes qui s’accumulent sur tous les fronts. Il est tout aussi déçu de ses amis politiques qui ne prennent la parole que lorsqu’il y a un poste à pourvoir, ou quand des intérêts sont compromis.
Depuis l’éclatement de la crise libyenne, notre président a plongé dans un intenable embarras entre les intérêts maliens en Libye, et les engagements avec la métropole française. Pourquoi ? N’oublions jamais que personne, mieux qu’ATT, ne connaît le problème du Sahel. Il savait que, dans le cadre de la gestion de la première rébellion, le président de la République du Mali, Alpha Oumar Konaré, avait réussi à ramener les rebelles à déposer les armes. Au nombre des conditions définies dans les Accords à Tripoli, le Gouvernement malien s’est engagé à intégrer dans son armée plus de 6000 ex-combattants. La Libye de Mouammar Kadhafi s’est, de son côté, engagée à recruter dans ses forces armées, des combattants touaregs et tamasheks. Nous ignorons le nombre exact, mais on parle de plus 15000 hommes d’origine malienne. ATT sait bien que Kadhafi rendait ainsi un formidable service au Mali.
La destruction par l’OTAN des forces armées libyennes occasionne naturellement de vaste mouvements de troupes dans les pays limitrophes, ce que redoutaient ATT et d’autres chefs d’Etat condamnés à tourner le regard vers la France qui a du mal à mesurer les dramatiques conséquences de sa «maudite» initiative.
Or, selon les informations de dernières minutes que nous avons, plus d’un millier de combattants seraient déjà rentrés au Mali avec armes et bagages. Une colonne de plus de 600 véhicules a également été perçue par les témoins qui ont requis l’anonymat. Sont-ils venus pour faire la guerre ? C’est ce que pensent beaucoup d’observateurs.
Mais en réalité, il s’agit de combattants épuisés et en détresse qui ne doivent leur survie qu’à l’agilité de leurs jambes. Ils ne sont pas libyens, donc considérés comme des mercenaires et pourchassés par les combattants du CNT et persécutés par les forces de l’OTAN. Parmi eux, on compte plus d’une centaine d’officiers aguerris au combat.
Mais, le drame viendra de ceux qui ne se sont pas encore affichés auprès des élus du Nord et qui attendent calmement dans le noir avec des intentions malveillantes. Rappelons qu’il y a parmi eux des cadres politiques qui avaient déjà prôné la sécession et avaient inventé des frontières, un drapeau et se préparaient à une proclamation solennelle de la République Unie de l’AZAWAD. Le président de la République a été mis au courant qu’il faut prendre les choses en mains très rapidement. Selon nos sources, ce débat était au centre d’une rencontre discrète entre ATT et le député de Tessalit Deyti Ag Sidimo, lors de son récent passage à Bamako.
Comme pour ne rien faciliter, AQMI s’est également mis en branle, délogé par l’arrivée massive des combattants pro Kadhafi. Dans leur débandade, les «voleurs de toubabs» de Abou Zeid (patron d’AQMI) courent dans tous les sens et se sont trouvés d’autres activités : vol de bétails, de voitures et d’armes.
Dans cette terrible confusion, les trafiquants d’armes ont pris d’assaut le grand Nord du Mali, prêts à collectionner les armes et les munitions de toutes catégories ramenées par les combattants en détresse revenus du front libyen. En attendant, faute de moyens, l’Etat a disparu, histoire de se mettre à l’abri, dans la zone faisant d’elle un «no mans land».
Récemment, pendant son passage en France, le président ATT avait commis l’erreur de banaliser le retour des Maliens résidant en territoire libyen en déclarant : «S’ils reviennent, ils seront accueillis comme des fils du pays, ils s’occuperont à faire de l’élevage ou d’autres activités de développement». Ce discours malencontreux du chef de l’Etat a été perçu comme de l’ironie par certains officiers revenus. Un élu municipal du Nord nous a déclaré que ATT n’aurait pas dû tenir un tel langage. «Comment (si l’on veut la paix) peut-on proposer à un officier disposant d’armes, d’hommes et de munitions de faire de l’élevage ? C’est aberrant !».
Dans cet indescriptible bourbier, c’est tout l’espoir de développement du Nord qui est pris en otage. ATT croyait au merveilleux Programme Spécial pour la Paix, la Sécurité et Développement du Nord (PSPSDN). Malheureusement, tous les investissements et les efforts diplomatiques risquent de tomber dans l’eau. Dans la situation actuelle, rien n’est possible, ATT en est conscient. Mais que faire ? La question reste posée.
Après tout ce malaise et toute cette détresse que vivent le Mali et son président, un autre débat «politicien» cette fois-ci commence à alimenter les causettes.
ATT commence à être soupçonné, selon la rumeur publique, de n’avoir rien fait pour éviter le chaos qui menace la tenue des élections générale en 2012. La loi impose l’annulation du processus électoral, dès lors que la sûreté et la souveraineté de l’Etat sont menacées. Infos ou intox ? Rien n’est moins sûr. Mais, tout finira par se savoir, tôt ou tard.
Abdoulaye NIANGALY