L’anarchie est érigée de nos jours au Mali en système de mobilisation pour afficher des ambitions, humilier, méconnaître le mérite, dénigrer des adversaires ou supposés tels.
Le fossé devient béant pour ceux qui ne cherchent qu’à amplifier la discorde, à attiser la haine au lieu de mettre l’accent sur l’amour, la solidarité, le dialogue, la volonté de se surpasser pour une bonne et juste cause nationale : la paix dans notre pays.
Le Mali en marche a du ressort pour gagner le pari de son meilleur devenir malgré les crises actuelles qui l’éprouvent, accentuées par la conjoncture difficile et incertaine sévissant dans le monde de nos jours.
Tous ceux qui connaissent la riche et envoûtante histoire de ce grand pays savent que « la médiocrité », au sens propre comme au sens figuré, n’est pas du tout malienne, mais la polyvalence oui, à tous égards.
Nos compatriotes, surtout ceux de la diaspora, ont toujours été des travailleurs assidus et intrépides. Certains d’entre eux sont particulièrement appréciés par le dévouement, le sérieux, la sagesse dont ils font montre dans l’exercice de leurs activités ou dans toute sollicitation d’intérêt commun.
En toute objectivité, le pays a besoin d’un second souffle pour fixer sur orbite une politique active de communication-action et elle en a les moyens adéquats dont des ressources humaines de qualité.
Le Mali est certes pauvre du fait de l’enclavement du pays, d’un environnement hostile et contraignant dans la plus grande partie du territoire national, de l’inexploitation de l’ensemble des immenses ressources de son sous-sol, mais la pauvreté est loin d’être une fatalité. Les ressortissants maliens restent, pour bon nombre d’entre eux, croyants et joyeux, courtois, en vivant ou en « survivant » dans la dignité et l’honneur face à toute adversité, en attendant de meilleurs jours.
Les populations, bien que démunies et naturellement défavorisées, sont loin d’être soumises, à l’instar de ce qui se passe dans les pays nantis, au stress, aux menaces récurrentes de crises cardiaques, à l’absence de contact de proximité indifférent au temps et à l’espace, à la solitude, à l’ennui, à l’individualisme, au déficit de chaleur humaine, au peu d’égards porté aux personnes âgées alors que chez nous, l’âge est signe de respect).
L’avenir n’embarrasse que celui qui méconnait le passé et, en la matière, la pensée de Salvador Dali est pleine d’enseignements : « ne t’occupe pas d’être moderne, c’est l’unique chose que malheureusement, quoi que tu fasses, tu ne pourras éviter d’être ». C’est tellement évident quand on évolue dans un monde connecté.
Par le temps qui court, les maliens sont très préoccupés pour s’organiser. Il règne un peu partout, surtout dans les grandes métropoles, un manque général de discipline, d’autodiscipline, d’engagement, de discernement : l’anarchie est érigée en système de mobilisation pour afficher des ambitions, pour humilier, méconnaitre le mérite, dénigrer des adversaires ou supposés tels. Le fossé devient béant pour ceux qui ne cherchent qu’à amplifier la discorde, à attiser la haine au lieu de mettre l’accent sur l’amour, la solidarité, le dialogue, la volonté de se surpasser pour une bonne et juste cause nationale : le recouvrement de l’intégrité territoriale.
Le virus de l’opportunisme, de l’esprit mercantile, de l’intolérance, du chantage, du mépris, de l’orgueil a passé par là. Et pourtant, le pays reste, on ne sait pour combien de temps encore, confronté à un défi majeur : comment exciter l’émulation créatrice, la fibre nationaliste, la rencontre de l’autre, pour accélérer le processus de sortie des crises actuelles et, partant, pour renouer avec l’économie de croissance.
Il n’est pas du tout aisé de circonscrire l’accoutumance à la passivité d’être « éternellement assisté », de s’adonner à de mauvaises habitudes et pratiques en ne comptant que sur l’humanitaire, les dons, les aides extérieures dont la gestion actuelle n’est pas du tout des plus saines et des plus enviables au sein de certaines associations décriées de la place, fédératives seulement en apparence.
La sagesse nous enseigne que l’être le plus faible, s’il concentre ses efforts sur quelque chose, peut obtenir des résultats, somme toute, satisfaisants, alors que l’être le plus fort, s’il disperse les siens, peut ne rien obtenir, en tout cas, d’utile pour le bien commun.
Malheureusement, l’intelligentsia nationale, les cadres valeureux, doués d’un vif esprit de pondération (ils sont nombreux et variés), ne se remettent jamais en cause pour l’intérêt général et, souvent devant l’ampleur et l’acuité des difficultés circonstancielles, les plus rusés d’entre eux préfèrent mieux afficher un profil bas, des positions à géométrie variable, au gré de la direction favorable du vent pour eux et pour les leurs.
Les contrastes se manifestent au quotidien dans les opinions, attitudes et comportements des élites à divers niveaux, au grand dam du citoyen lambda et ils compromettent du coup les chances de retour rapide de la paix et de la cohésion sociale, dans un ultime sursaut national requis.
Au lieu de se concentrer pour de bon sur l’essentiel des maux qui continuent de ronger impitoyablement notre pays et dont tout un chacun sait l’impact sur l’obtention des résultats attendus, des compatriotes dispersent, au vu et au su de tous, leurs efforts et possibilités, leurs prouesses, ce qui les conduit à ne rien faire d’utile dans le contexte qui prévaut, bien au contraire : « un ordre, un contre ordre, c’est le désordre ».
Un constat amer est que l’image de la nation, naguère si captivante, se détériore à cause des incertitudes, des manquements graves dus à « des personnes à problèmes », à de gens qui ne disent jamais ce qu’ils pensent et qui ne pensent jamais ce qu’ils disent ». La réflexion individuelle et collective n’est pas approfondie, soutenue et l’on croit, çà et là, à tort, que les problèmes n’arrivent qu’aux autres. C’est une fuite en avant préjudiciable : à qui profite vraiment l’entretien d’un climat de tension et de suspicion dans un pays à vocation paisible ?
Tout le capital précieux de confiance, de sympathie, bâti depuis l’accession du Mali à la souveraineté nationale et internationale par les autorités politiques, administratives, sociales, qui se sont succédés dans la gestion des affaires du pays, risquerait de s’écrouler si l’on n’en prend garde pendant qu’il est encore temps.
Plus que jamais, les maliens doivent continuer à rêver utilement, mais éveillés car ceux qui rêvent de cette manière ont conscience de mille choses qui peuvent échapper à ceux qui rêvent endormis.
Chirfi Moulaye HAIDARA