Cette visite de 10 jours a pris fin le 10 mars dernier et avait conduit M. Baldo dans les régions de Gao et Kidal, du 3 au 6. Au cours d’une conférence de presse qu’il a animée à l’hôtel de l’Amitié, QG de la Minusma, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali a exprimé de vives préoccupations face «aux violations massives des droits les plus fondamentaux» dont sont victimes les populations des zones affectées par la guerre. Selon lui, la situation de ni paix ni guerre, née de la fragilité de l’accord de cessation des hostilités signé à Alger en février dernier, encourage ceux qui ne s’intéressent pas à la paix à fouler aux pieds les efforts en cours. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’il a inscrit les récentes attaques qui ont causé cinq morts à Bamako et les tirs contre le camp de la Minusma à Kidal, dont le bilan est de deux enfants et un militaire tués. «Les groupes armés extrémistes ou terroristes, qui ne sont pas signataires de ces accords, ont un intérêt évident à saboter tout processus pouvant aboutir au retour de la paix et de la stabilité au Mali», a-t-il estimé. Toutefois, Suliman Baldo reste convaincu que toutes le parties prenantes au conflit ont commis de sérieuses violations, y compris des atteintes au droit à la vie, des disparitions forcées, des cas de torture, de violences sexuelles, d’arrestations et de détentions arbitraires, et des atteintes au droit à la propriété. «Ces derniers mois, des communautés entières ont été forcées de se déplacer afin de se protéger de châtiments collectifs imminents», a déclaré M. Baldo. Tout en se disant profondément préoccupé par la dégradation considérable de la situation dans le Nord depuis sa dernière visite au Mali, l’Expert a estimé que le retrait des autorités civiles maliennes de certaines régions nordistes à la suite des événements kidalois de mai 2014 a laissé à la population un sentiment d’abandon quasi-total. «En l’absence de magistrats et d’autres agents de la chaîne pénale, un climat d’impunité s’installe dans le Nord», a-t-il souligné, tout en rappelant que deux juges du tribunal de la commune III de Bamako et un du Pôle anti-terroriste sont actuellement en charge des enquêtes sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire perpétrées depuis le début de la crise, en 2012.
Au sujet des événements de Gao du 27 mars, M. Baldo a souligné que les casques bleus sont tenus de respecter les normes internationales. Sans toutefois vouloir préjuger l’issue de l’enquête, il a révélé que l’équipe de haut niveau mandatée par l’ONU pour enquêter sur lesdits événements présentera son rapport final d’ici à la fin de mars 2015.
Au regard de tout ce qui précède, Suliman Baldo a formulé d’importantes recommandations, d’abord à l’endroit des autorités maliennes. Il invite le gouvernement notamment à créer les conditions d’un retour effectif et durable de l’autorité de l’Etat dans le Nord; renforcer la lutte contre l’impunité; concernant l’organisation des funérailles, répondre favorablement aux demandes de l’association des parents et épouses des bérets rouges assassinés. S’y ajoutent le renforcement du cadre juridique de lutte contre l’esclavage et la reforme du secteur de la sécurité, notamment l’armée, la police, la gendarmerie et les services de la sécurité d’Etat, entre autres. Aux groupes armés, l’Expert indépendant recommande la cessation de toute attaque contre les populations; le respect de l’espace humanitaire et de mettre fin au recrutement et à l’utilisation des enfants. La communauté internationale, selon les recommandations de M. Baldo, devrait veiller à ce que l’ONU et ses Etats membres n’endossent aucun accord de paix sur la crise au Mali qui prévoit une amnistie pour les crimes internationaux; apporter un soutien financier et une assistance technique aux efforts du Gouvernement visant à renforcer les capacités du système judiciaire malien et enfin appuyer les initiatives maliennes dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité.
Il importe de souligner que le Soudanais Suliman Baldo a pris ses fonctions d’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali le 1er août 2013. Le mandat d’expert indépendant a été renouvelé par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 15 avril 2014 pour une période d’un an. Ce, en vue d’aider le Gouvernement malien dans ses actions de promotion et de protection des droits de l’homme et dans la mise en œuvre des recommandations formulées dans les résolutions du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
Bakary SOGODOGO