Situation au Mali : Vers une compromission des législatives

2

Il est encore trop tôt pour parler de retour effectif de la paix au Mali. On espérait pourtant une véritable décrispation du climat à la faveur de l’avènement des nouvelles autorités à la tête du pays ; mais il y a visiblement toujours de l’eau dans le gaz. En effet, avec les attentats terroristes et les échauffourées entre l’armée malienne et des combattants du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), la paix devient de plus en plus un mirage. Cette situation de tensions prouve, si besoin en était, que le nouveau chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta dit « IBK », n’aura pas d’état de grâce. Il devra très rapidement se retrousser les manches pour se mettre à la tâche.

 

 

 

Toujours est-il que les deux camps, le pouvoir et le MNLA, ne peuvent pas faire l’économie d’un dialogue franc et constructif s’ils veulent sortir le pays de l’ornière

 

 

Cela est d’autant plus vrai que c’est Bamako qui, visiblement, n’a pas encore fait beaucoup d’efforts dans la mise en œuvre des Accords de Ouagadougou. Les groupes arabes et touaregs du Nord-Mali ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en fustigeant, depuis quelques temps de cela, cette attitude de Bamako. En tous les cas, le MNLA notamment aura, cette fois-ci, fait preuve de bonne foi en s’abstenant de tout acte de nature à perturber le processus électoral qui a connu son apothéose avec l’investiture récente du président IBK. Mais du côté de Bamako, on traîne les pieds pour mettre à exécution certains points de l’accord de Ouagadougou, notamment par l’ouverture d’un dialogue avec le mouvement rebelle. La nomination d’un ministre chargé du développement de la région du Nord dans le nouveau gouvernement ne saurait, à elle seule, suffire à régler les problèmes. Il faudra rapidement tenir une réunion d’évaluation des Accords de Ouagadougou afin de voir où on en est vraiment, ce qui peut être mis en œuvre dans l’urgence et au besoin, faire des réajustements nécessaires de façon consensuelle. Toujours est-il que les deux camps, le pouvoir et le MNLA, ne peuvent pas faire l’économie d’un dialogue franc et constructif s’ils veulent sortir le pays de l’ornière.

 

 

Mais les autorités maliennes sont-elles seulement conscientes de l’ampleur des risques ? On n’en est pas si sûr. Car, alors que le pays risque de rebasculer dans la crise avec les affrontements entre l’armée et le MNLA, comme si de rien n’était, IBK, de retour de New York où il a pris part à la 68e Assemblée générale des Nations unies, traîne les pieds pour retourner au pays. On sait que le Mali doit beaucoup à la France dont l’intervention contre les islamistes a été salutaire, mais ce n’est pas une raison suffisante pour faire escale à Paris, alors qu’il y a péril en la demeure. Ce choix de IBK laisse songeur. Une attitude aux antipodes de celle de son homologue Macky Sall qui a trouvé nécessaire d’écourter son séjour pour retourner au pays afin de faire face à la grogne provoquée par la pénurie d’eau potable à Dakar. On en déduit que : soit IBK fait preuve d’un excès de confiance face au MNLA, soit il a un plan B pour contenir tout embrasement, soit il n’a pas encore mesuré sa responsabilité de chef d’Etat. Quoi qu’il en soit, le risque de voir le Mali replonger dans une crise est grand. Et tout porte à croire que les nouvelles autorités ne se mettent pas la pression nécessaire pour la quête de solutions durables au problème du Nord.

 

 

Ce n’est pas dans un climat de vendetta et de crépitements d’armes entre soldats maliens et rebelles touaregs sur fond d’attentats terroristes que le Mali pourra reprendre sereinement sa marche en avant

 

 

Bamako semble avoir la mémoire courte. La perte de l’autorité de l’Etat au Nord-Mali avait été, entre autres, le fruit d’une mauvaise gestion du dossier touareg. Il serait risqué de sous-estimer aujourd’hui les capacités militaires et la détermination du MNLA. Il serait tout autant risqué de prendre pour quantité négligeable les effets possibles d’une détérioration du climat entre les militaires maliens et ces rebelles qui, on le sait, sont proches des djihadistes. Comme on le sait, les affrontements entre l’armée malienne et le MNLA avaient facilité l’invasion et le contrôle du Nord-Mali par les islamistes. Ces islamistes qui ont pris la poudre d’escampette face aux troupes françaises et tchadiennes notamment, sont, à l’heure où nous en sommes, probablement en train de se frotter les mains. Le déluge de feu des armées française et tchadienne passé, ils peuvent se réorganiser comme cela semble être le cas avec la nomination d’un successeur à Abou Zeïd, en la personne de l’Algérien Saïd Abou Moughatil, à la tête du mouvement. Tapis dans l’ombre, ces islamistes croisent les doigts pour que ces affrontements entre les militaires maliens et les rebelles touaregs, témoins du manque d’unité de l’Etat, se poursuivent et s’intensifient. Ce serait du pain bénit pour eux et ils ne se feront pas prier pour reprendre du poil de la bête. On pourrait assister à une sorte de remake de la situation qui avait prévalu à la conquête du Nord du pays par ces « fous de Dieu ». Et le Mali ne devrait pas perdre de vue le fait que ce ne serait pas un plaisir pour la communauté internationale, avec à sa tête la France, de devoir encore intervenir pour repousser de quelconques colonnes d’islamistes à l’assaut du pays. C’est lassant et ce serait surtout frustrant si on devait assister à un retour à la case départ à cause du refus ou de l’incapacité des autorités de Bamako à faire face aux problèmes du Nord du pays avec lucidité et pragmatisme.

 
Il est donc impératif que les dirigeants maliens ne perdent pas de vue le fait qu’il n’y a pas de solution purement militaire aux problèmes du Nord du pays. On peut comprendre la difficulté des militaires maliens à oublier les douloureux évènements d’Aguelock et leur envie d’en découdre avec le MNLA chaque fois que l’occasion se présente. Mais il faudra que les différents contentieux puissent se régler dans le cadre de l’Etat de droit. Ce n’est pas dans un climat de vendetta et de crépitements d’armes entre soldats maliens et rebelles touaregs sur fond d’attentats terroristes que le Mali pourra reprendre sereinement sa marche en avant. D’ailleurs, on se dirige droit, à ce rythme, vers une compromission des élections législatives prévues pour le mois de novembre prochain. Si cette compromission venait à être effective, ce serait un pas en arrière pour le Mali dans ses efforts de retour à la normale. Et de cela, les Maliens ne devraient pas être fiers.

« Le Pays » / 1er octobre 2013

Commentaires via Facebook :

2 COMMENTAIRES

  1. Mr le Journaliste. Si vous ne connaissez pas la réalité sur le terrain, vaut mieux ne pas écrire du n’importe quoi.
    Vous êtes loin de Kidal et vous ne savez pas ce qui se passe là-bas, c’est pour cette raison que vous raconté du n’importe quoi.
    L’état a déjà consentit trop de sacrifices pour prouver sa bonne fois de régler ce problème d’une manière pacifique en allant même jusqu’à se faire humilier.
    Au lieu de rester loin des réalités et écrire du n’importe quoi allez y vous à la source et vous comprendrez.
    De toute les façons si la solution réside dans la guerre ce n’est ni les discours ni le faire semblant qui empêchera cela.
    Et tient toi bien la configuration de l’armée dans le temps ne la permettait de faire aucun résultat sur le terrain
    Maintenant que les choses sont claires si le dialogue n’arrive pas à résoudre tu verras ce qui se passera.
    Chacun à ses revendications propre à son environnement.
    ce n’est pas que dans les autres régions la vie est rose? Loin de là! mais c’est parce que nous avons un esprit de tolérance.
    mais à Kidal non seulement ils n’aiment pas travailler et ils veulent tout avoir. Cela est hors de question même si nous devons rester éternellement en guerre.

  2. Qu’est ce qu’il y a de bien compliqué à dégager quelques farfelus semi armés au Gouvernorat de Kidal? Pour combien de temps va perdurer cette humiliation du Gouverneur qui est délogé de chez lui à la barbe des militaires maliens, de la MINUSMA et de SERVAL? Qu’est ce qu’on attend pour envoyer un bon contingent de policiers ”Ninjas” pour corriger les badauds qui osent même s’attaquer aux ministres, voire aux militaires? Mais quel intérêt a la France de réveiller un MNLA qui était éliminé par ses anciens amis djihadistes? L’instrumentaliser pour acquérir les marchés du Mali par entente directe? Sinon, il est prouvé depuis belle lurette que ce n’est pas le MNLA qui servira à quelque chose dans la libération des otages français. ET LA FRANCE REGRETTERA TOT OU TARD SES ACCOINTANCES AVEC LE MNLA COMME LES USA AVEC BEN LADEN.
    Et comme par hasard, le MNLA rompt le cessez-le-feu, Tombouctou, et Kidal sont attaqués par des terroristes. Et des présumés coupables de rébellion ou de terrorisme sont lâchés dans la nature par le MNLA ou l’Etat malien. Et on répète les mêmes erreurs du passé. Et on continue de distinguer MNLA et AQMI et BOKO HARAM et MUJAO.…
    Et comme par hasard, plutôt que d’aller au front, nos bandits armés de Kati se canardent entre eux, comme d’habitude, comme pour prouver qu’ils sont toujours en complicité active ou passive avec les bandits armés du Nord, réclamant des galons ou des rançons à Bamako (les étrangers et les militaires patriotes normaux préfèrent se battent au front). Mais, au fond, qui peut se plaindre que AYA et ses hommes s’entredéchirent ?
    Et IBK qui a cru utiliser les putschistes et certains religieux… il est toujours dangereux de pactiser avec le diable. Ainsi, on continue comme par le passé à confondre putschistes (qui ne méritent que le mépris, la prison ou le peloton d’exécution) et armée malienne, djihadistes modérés ou non (qui ne méritent que le peloton ou la prison) avec les vrais croyants religieux.
    IL EST URGENT QUE LA SOCIETE CIVILE MALIENNE, L’ASSEMBLEE NATIONALE, LA JUSTICE, L’OPPOSITION NAISSANTE EN LIEN AVEC LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE COMMENCENT A ELEVER LA VOIX POUR QUE LE NOUVEAU GOUVERNEMENT DIARRHEIQUE D’IBK COMMENCE VRAIMENT A TRAVAILLER.

Comments are closed.