Le verdict final du second tour des élections législatives a été livré par la Cour Constitutionnelle le mercredi 31 décembre 2013. Il a désigné dans l’ordre le RPM suivi de l’URD et de l’ADEMA, les principaux partis politiques de l’échiquier issus de la même famille. Ce trio majeur s’est jeté goulûment sur les 128 sièges qui restaient en compétition, tels des ogres affamés, en laissant la portion congrue au reste du peloton, les secondes chances.
Comme quoi la politique est une alchimie, comme en chimie du reste, rien n’y est jamais perdu, rien ne s’y perd, tout se transforme. Commençons par l’Adéma. Un parti qui semble doté de plusieurs vies, tellement il a l’art de renaître de ses cendres, tel l’animal mythique, le Phoenix.
On se rappelle que, après le premier tour des présidentielles, le soutien sans condition annoncé du candidat de l’Adéma Dramane Dembélé à l’ennemi juré du FDR, Ibrahima Boubacar Keita, qui faisait déjà figure de favori avait divisé et affaibli la Ruche. Cela parce que Dramane Dembélé s’était vu trahi par les barons de son parti et sa candidature torpillée du sommet jusqu’à la base. On connait la suite. Toute chose qui démontre que le véritable combat démocratique dont il a prétendu faire son sacerdoce est le cadet de ses soucis, mais que c’est plutôt le calcul et les compromissions politiciennes qui le motivent. Le dernier coup de théâtre qui a secoué l’opposition politique au pouvoir d’IBK en gestation c’est la démission subite de tout l’Adéma qui se rend avec armes et bagages dans le camp de la majorité présidentielle dont, il faut le dire, le parti de Dioncounda Traoré ne s’était jamais déclaré l’ennemi.
Après le premier tour des législatives où il a été loin de faire pâle figure en se classant en troisième position avec 2 députés contre 7 pour le RPM et 4 pour l’URD, l’Adéma était plus requinqué que jamais, prêt pour une autre de ces mystérieuses renaissances dont il a le secret. Il a compéti seul dans 9 circonscriptions et est allé en alliance dans 24 circonscriptions en duo ou en trio avec l’URD, le CNID, le PDES, le PARENA, le RPM, l’ADP, le CODEM, le SADI, l’APR, l’ASMA, l’UMRDA, le MPR et le RJP.
Mais il s’avérait que l’Adéma ne pouvait pas avoir la majorité même relative au second tour. Le RPM, le parti présidentiel, a eu un regain de vitalité avec le plébiscite au deuxième tour de la présidentielle de son mentor Ibrahim Boubacar Keita dont l’aura semble rejaillir sur lui par une alchimie mystérieuse. D’autant plus que l’on disait ce parti en perte de vitesse durable sous ATT, le précédent président élu, depuis l’élection difficile, de justesse grâce à la coalition des partis politiques dont l’Adéma, en commune IV de ce dernier à l’Hémicycle où il n’a pas pu garder le Perchoir. C’est l’effet d’entrainement de la présidentielle et le phénomène des alliances des partis politiques aux idéologies opposées qui ont favorisé aux législatives la réémergence du parti des tisserands. Avec en point de mire la formation d’une majorité présidentielle forte ou d’une coalition de partis politiques pour soutenir à l’assemblée nationale l’action gouvernementale et le programme de société du président Ibrahim Boubacar Keita.
Toujours est-il que le RPM avait le vent en poupe. Il était en alliance dans 9 circonscriptions électorales avec l’ADEMA où il devait gagner 20 députés. Il a fait cavalier seul dans 9 circonscriptions électorales à Bafoulabé (3 sièges), Diéma (2 sièges), Kéniéba (2 sièges), Kita (4 sièges), Koulikoro (2 sièges), Kangaba,1 siège), Nara (3 sièges),San (4 sièges), Youwarou (1 siège), Tombouctou (1 siège),Gao ( 3 sièges), Commune I, (2 sièges), Commune III (1 siège), Commune IV (2 sièges). Le parti des Tisserands, s’il remportait la totalité de ces sièges, devait bénéficier de 31 députés supplémentaires.
En outre, le RPM allait en alliance dans 21 circonscriptions électorales avec les FARES, le MPR, l’UMRDA, l’ADEMA, le MIRIA, le SADI, l’APR, la CODEM, l’URD, l’ADP Maliba, l’UDD. Ces batailles décisives ont eu lieu à Kayes, Nioro du Sahel, Yélimané, Kati, Kolokani, Sikasso, Bougouni, Koutiala, Yanfolila, Ségou , Bla,Niono, Tominin, Mopti, Koro, Tenenkou, Goundam, Commune I Commune IV, Commune V, Commune VI.
Un succès total et avec ses alliés aurait permis au RPM d’additionner 68 députés à son viatique d’honorables députés qui ajoutés à leurs 7 homologues déjà élus au premier tour auraient fait en tout 75, soit la majorité absolue à la nouvelle assemblée nationale.
En ce qui concerne le second as dans la course, l’URD de Soumaïla Cissé plébiscité au premier tour à Niafunké avec plus de 62% des voix, il a été finalement conforme à son rang. On s’attendait à ce que le parti de la poignée de main taille des croupières à l’Adéma, son rival direct. Mais c’était sans compter avec la légendaire capacité de sursaut des Abeilles qui a d’abord fait illusion. Son dernier espoir a été enterré par les 9 sages de la Cour Constitutionnelle qui l’a rétrogradé en troisième position à la proclamation des résultats définitifs.
L’Union pour le Renouveau et la Démocratie, qui se place en deuxième position, ne pourra pas contrôler l’Assemblée Nationale pendant la 5ème législature de la IIIème République. N’ayant obtenu que 4 sièges lors de la première joute électorale des législatives, elle ne pourra jamais rattraper ce retard dans les urnes. D’autant qu’elle a été absente dans maintes circonscriptions. Le parti n’a été seul que dans 3 circonscriptions mettant en jeu 4 sièges. En outre, sur 44 cercles, l’URD a tenté sa chance dans 19 au total, où il ne pouvait élire en cas de succès total que 19 députés. Au second tour, un sans faute devait lui donner 23 sièges de députés plus les quatre déjà obtenus, soit 27 députés ; alors que les prévisions créditaient le RPM de 75 députés et l’ADEMA de 54 dans le même temps. Les autres partis étaient partis pour recevoir des miettes électorales, pas seulement les petits poucets.
Au final, le verdict des urnes, dont les résultats provisoires ont été proclamés le mercredi 18 décembre 2013 par le ministre de l’administration territoriale, le général Sinko Coulibaly et les définitifs par le président de la Cour Constitutionnelle, ont été, comme attendu, favorables au tiercé majeur de la classe politique. Le RPM avec 66 députés se hisse en tête suivi de l’URD avec ses 17 députés et de l’ADEMA qui n’a que 16 députés. Les Fares de Modibo Sidibé ont réussi la performance époustouflante, avec 6 députés, de se positionner comme le 4ème parti politique malien, après moins d’un an d’existence. La Codem de Housseyni Guindo est cinquième avec 5 députés ; le parti Sadi d’Oumar Mariko en a 5, alors que l’ASMA de Soumeylou Boubèye Maiga en a 3, alors que le Cnid qui a vu la défaite de son président Mountaga TALL en liste avec Dramane Dembélé de l’ADEMA à Ségou en a 4. L’ADP émerge avec 2 députés, alors que le PARENA et le MPR stagnent avec 3, l’UM-RDA et le Miria 2. Ce parti en constante dégringolade est à égalité avec le CDS du Mogotigui Blaise Sangaré et derrière le PDES de l’ancien président ATT.
L’UDD chute encore plus lourdement avec seulement un député, à égalité avec Yéléma du ministre Moussa MARA, du PRVM, de l’APR de l’ancien ministre Oumar Ibrahim Touré. Il faut signaler que 4 sièges reviennent à des indépendants.
Lors de la proclamation définitives des résultats du second tour des législatives par la Cour constitutionnelle, il y a eu un véritable coup de théâtre en ce qui concerne les listes concurrentes en lice à Nara, Niono et Gao.
A Nara, la liste RPM sur laquelle figurait Niamé Keita, l’ex directeur de la police nationale, classée deuxième avec 47,69% selon les résultats provisoires derrière la liste ADEMA-ADP MALIBA créditée de 52,31% des voix. Après les correctifs apportés par les 9 Sages de la Cour constitutionnelle, la liste RPM est victorieuse. De même à Niono, on a constaté le même renversement de situation profitable à la liste RPM sur décision de la Cour au détriment de la liste RPDM- ADP –Maliba qui avait été créditée de la victoire avec 50,11% des suffrages exprimés.
A Gao, le retournement a été encore plus spectaculaire avec la chute, au profit du RPM, de la liste ADEMA-ASMA-CFP portée par l’inamovible Assarid Ag Imbarcaouane, vice- président de l’assemblée nationale depuis dix ans, qui était en tête avec 55,90% des voix selon les résultats provisoires
Dix neuf partis politiques au total seront représentés à la nouvelle assemblée nationale. Ceux qui se faisaient des illusions sur une possible recomposition du paysage politique et des rapports de force avec l’émergence de nouveaux partis leaders doivent déchanter. Le parti sorti victorieux des législatives, le RPM, issu des entrailles de l’ADEMA, est parti pour dominer longtemps la scène politique et le jeu démocratique, même si l’assemblée nationale est renouvelée à plus de 90%. On constate malheureusement une régression de du nombre de députés femmes avec seulement 12 contre 15 dans la législature passée.
Oumar Coulibaly