Malgré les efforts pour décrisper l’atmosphère politique avec le rôle de pacificateur discret de l’Union européenne, de la MINUSMA et de la MISAHEL, la crise de confiance entre les acteurs du processus électoral malien tarde à se dissiper rapidement. Et la météo politique donne des signaux d’un temps plutôt… menaçant.
– Maliweb.net -11-06-2018- En dépit des assurances du gouvernement promettant un scrutin transparent le dimanche 29 juillet prochain, l’atmosphère politique du pays est toujours tendue. Des escarmouches ont récemment marqué la précampagne électorale : des jeunes opposés aux responsables du CDR de Ras Bath à Ségou, des manifestants violentés le 2 juin à Bamako, des invectives entre activistes et acteurs politiques et religieux, etc.
En effet, il semble que le ciel électoral malien n’est pas dégagé comme cela est souhaité. Du moins comme désiré par une opposition décidée à se faire entendre.Elle fulmine de nombreuses suspicions relatives à une élection présidentielle approximative. Elle a marché le vendredi 8 juin pour vociférer ses insatisfactions relatives à « l’instrumentalisation de la radio-télévision nationale par le pouvoir » et dénoncé le climat d’insécurité voire de « guerre civile » qui prévaut dans certaines zones du centre et du Nord du pays.Pour les opposants, cette situation ne permettra pas de tenir un scrutin apaisé, transparent et crédible.
Dans une tonitruante sortie médiatique la semaine dernière, plusieurs leaders de l’opposition malienne avaient à peine caché les muscles : « Si IBK remporte l’élection dès le premier tour, nous n’accepterons pas les résultats ». Et Tiébilé Dramé d’enfoncer le clou : « IBK ne gagnera ni au premier tour, ni au 2ème tour, ni au troisième tour »
Les opposants au pouvoir IBK sont visiblement en colère à l’esprit que le président sortant veuille rempiler au palais de Koulouba pour un nouveau quinquennat. Ils estiment que le « bilan assez catastrophique » du chef de l’Etat devrait le convaincre à renoncer à se présenter à la prochaine élection présidentielle. C’est dans ce sens que le slogan « Boua ka bla » (« le vieux doit laisser ») a fait fureur dans les rues de Bamako, sous l’inspiration de l’activiste Ras Bath, très remonté contre le pouvoir.
En outre, le fait que les fréquentes interventions publiques des autorités jurent quasiment que le président sortant va remporter le scrutin dès le premier tour n’apaise en rien les opposants. Ils trouvent dans ces sorties une manœuvre visant à préparer l’opinion à un « hold-up électoral ». Surtout que le contexte sécuritaire est sérieusement préoccupant avec des affrontements et des assassinats dans certaines localités du centre. Et l’absence de l’administration dans plusieurs zones ne rassure pas les observateurs quant à la tenue d’un scrutin dont les résultats seront convaincants. Le scrutin ne pourra-t-il se dérouler dans des conditions idoines de transparence sur tout le territoire ? Rien n’est moins sûr. La menace terroriste plane encore à maints endroits… Les embuscades et attaques sont encore signalées comme celle de Gossi du jeudi 7 juin dernier avec un gendarme tué.
Pour certains cadres de l’opposition, si le candidat IBK peut faire campagne dans les zones du centre, l’on se demande aujourd’hui comment les opposants peuvent-ils sillonner ces zones en proie à des hordes de bandits armés ? Comment garantir alors la crédibilité d’un scrutin dans des zones aussi insécurisées que le centre et le nord du pays ? Comment alors éviter alors des bourrages d’urnes en faveur du candidat-président dans des centres de vote où les représentants de l’opposition ne seront pas les bienvenus ?
A ces questions, le ministre de la Sécurité, le Général Salif Traoré apporte des apaisements : 11 000 hommes seront déployés pour sécuriser les élections avec possibilité de protéger tous les candidats sur le terrain. Les assurances suffiront-elles à dégonfler les biceps ? Il faut le souhaiter surtout que la majorité présidentielle « Ensemble pour le Mali » prêche à présent l’apaisement, regrettant au passage les incidents ayant émaillé la marche de l’opposition du 2 juin, avant de calmer les médias pour les désagréments à eux causés par la répression de cette manifestation interdite. S’y ajoute aussi l’annulation du sit-in des journalistes du jeudi dernier devant la primature. Et le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga de jouer le jeu de l’apaisement, assurant ce jeudi à ses interlocuteurs de l’opposition pour s’engager à sauvegarder la démocratie malienne.
Ce tableau de grisaille n’empêche pas les acteurs politiques de poursuivre sereinement la mise en marche de leur stratégie en vue de ratisser large lors du scrutin présidentielle du 29 juillet. Si IBK peut compter sur les 68 partis politiques, les 300 associations pour espérer renouveler son mandat à la tête du pays, ces adversaires se positionnent dans deux ou trois pôles d’alliances : l’alliance pour l’alternance et le changement, drivée par Soumaïlaa Cissé, la plateforme des bâtisseurs avec Modibo Sidibé aux commandes et la plateforme pour le renouveau que pilotera Aliou Boubacar Diallo de l’ADP-Maliba à partir du samedi prochain. Comme quoi, la montée du niveau du mercure dans le thermomètre politique n’empêche pas les uns et les autres de peaufiner, vaille que vaille, leur stratégie pour le 29 juillet prochain. Avec l’opération de séduction des électeurs qui va commencer le 7 juillet prochain.
Boubou SIDIBE/Maliweb.net