Les observateurs politiques conviennent que l’une des raisons fondamentales qui expliquent le boycott des urnes par les Maliens lors des législatives de dimanche dernier est sans doute l’incapacité des politiques à mobiliser.
Une situation qui du reste était prévisible quand on sait que la campagne législative s’était déroulée dans une ambiance tout aussi terne. Pour expliquer ce contraste entre les deux scrutins, des analystes estiment que nous n’avons pas à nous méprendre. Pour eux, la forte mobilisation populaire qui a caractérisé la présidentielle de juillet-août 2013 relève beaucoup plus de la soif de changement qui brûlait en les Maliens après une crise dont ils n’avaient que trop souffert qu’à la capacité de mobilisation d’une classe politique. Se sentant trahis, pour certains, par les nouvelles autorités qu’ils accusent à tort ou à raison de ne pas respecter certaines promesses de campagne, mais surtout de gérer le dossier du nord avec un relatif laxisme, beaucoup de nos compatriotes n’ont donc pas trouvé meilleure occasion de protester.
L’autre explication de la forte abstention lors du scrutin législatif du 24 novembre dernier et qui est revenu sur beaucoup de lèvres, c’est la légendaire crise de confiance entre les hommes politiques et leurs militants. Ce déficit de confiance s’est surtout aggravé par les alliances «alimentaires» qui n’ont pas été du goût des militants de plusieurs partis qui ont ainsi refusé de cautionner le «complot», en ce sens qu’ils sont rarement associés à ces alliances auxquelles ils ne comprennent rien. En tout état de cause, c’est bien la classe politique malienne qui est de nouveau en cause, elle qui a une responsabilité accrue dans l’éducation et la sensibilisation des citoyens dans un système démocratique.
C’est ainsi dire que cet énième désaveu infligé aux politiques suscite encore une fois l’interrogation sur le rôle que jouent nos partis pour l’ancrage démocratique dans notre pays. S’il est vrai que les partis politiques sont le pilier de la démocratie parce qu’ils en sont les principaux animateurs, cette réalité ne vaut que s’ils accomplissent leur mission d’éducation à la citoyenneté de leurs militants. Or dans le cas du Mali, la cent soixantaine de formations politiques ont choisi de n’aller qu’à la conquête des suffrages d’un peuple qui ne les voie qu’à la faveur du seul processus électoral.
Cette situation fait d’autant mal que le contribuable malien, à travers le financement public, mobilise annuellement plus d’un milliard de nos francs à titre d’aide aux partis politiques. Des observateurs politiques ont aujourd’hui encore à se demander à quoi sert cette manne financière si ceux à qui elle est destinée l’utilise à des fins autres que la consolidation de notre démocratie et de l’Etat de droit. Et du coup, c’est l’opportunité du financement public des partis qui alimente les débats. En tout cas, à notre connaissance, il n’y a pas un seul parti politique malien, y compris ceux qui se disent grands, qui, en dehors de la période électorale, va régulièrement à la rencontre de ses militants à fortiori organiser des sessions de formation à leur intention pour en faire des bons citoyens, des acteurs avisés de la démocratie. Résultat: les taux de participation aux élections s’affaisse d’année en année sous le regard coupable de nos politiques. Il n’y a pas à espérer que cette situation change de sitôt car, la classe politique semble avoir choisi son mot d’ordre : que «périsse» la démocratie malienne pourvu que «vive» l’intérêt personnel. C’est pourquoi, des observateurs de la scène politique nationale estiment qu’il a nécessaire que l’Etat, à défaut de supprimer l’aide publique aux partis, ait un regard plus accru sur l’usage qu’on en fait. Mieux, que notre classe politique se ressaisisse enfin pour le bien de la démocratie malienne et de l’Etat de droit.
Bakary SOGODOGO
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