Révision de la Constitution : Le régime présidentiel en gestation

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Le conseil des ministres a adopté le mercredi 15 juin 2011, un projet de loi portant révision de la Constitution du février 1992. En toile de fond de cette révision, le renforcement des pouvoirs du Président de la république. Le Mali s’achemine vers un régime présidentiel qui ne dit pas son nom. 

Faut-il le rappeler que dans l’actuelle loi fondamentale, le Président de la république dispose d’immenses pouvoirs de faire et de défaire le pays. Si la révision qui est encours prévoit encore de renforcer les pouvoirs présidentiels, il a lieu de s’interroger sur les réelles motivations du régime en place. Pour justifier sa démarche, le pouvoir évoque notamment les difficultés nées dans les relations fonctionnelles entre les institutions et des conditions d’exercice de droits reconnus ou d’accession à certaines fonctions.

Pouvoirs du Président
Les pouvoirs du Président de la république seront davantage renforcés. Avec la constitution révisée, c’est le Président de la république qui va définir la politique de la nation, en lieu et place du Premier ministre. Mieux, il aura aussi la possibilité de démettre librement celui-ci quand il veut, chose qui n’est pas possible dans l’actuelle constitution.

A rappeler que le Président de la république dispose déjà des pouvoirs propres, partagés et d‘autres exceptionnels. Sur les 122 articles de la constitution en vigueur, 23 sont consacrés au seul Président de la république. Il s’agit des articles 29 à 52, soit 28% de l’ensemble des articles de la constitution. 
Le Président de la république est le Chef de l’Etat, Il est le gardien de la constitution. Il incarne l’unité nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des Traités et Accords internationaux. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assure la continuité de l’Etat. 

Le Président nomme le Premier ministre et les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. Il préside le conseil des ministres, il promulgue les lois  Le Président de la république est également le président du Conseil Supérieur de la Magistrature. En outre, il a la possibilité de dissoudre l’Assemblée Nationale. Le Président de la république exerce le droit de grâce, il propose les lois d’amnistie.

La constitution autorise le Président à soumettre au référendum un projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou tendant à autoriser la ratification d’un engagement international. Il nomme et révoque les hauts fonctionnaires.

Le Président de la république dispose aussi des pouvoirs exceptionnels. Ils sont utilisés en cas de crise grave, l’article 50 de la constitution permet au Président d’exercer une dictature temporaire.
Si avec ces échantillons de pouvoirs, il faut encore en rajouter…
Mais curieusement la Haute Cour de justice, censée juger le Président de la république en cas de haute trahison ne sera plus une institution de la république.

Cependant, dans le projet de révision, il faut saluer l’introduction du contrôle par voie d’exception. Dans le changement proposé pour l’organisation de la Cour Constitutionnelle, il faut noter institutionnalisation du contrôle de constitutionnalité par voie d’exception. Ce mécanisme donne la possibilité à une partie au procès d’invoquer le caractère inconstitutionnel de la loi que le juge veut appliquer. Si le tribunal juge la loi inconstitutionnelle, elle ne sera pas appliquée au procès en cours. 

En somme, avec la reforme, on n’aura plus huit institutions de la république, mais sept. Il s’agit du Président de la République, du gouvernement, de l’Assemblée nationale, du Sénat,  de la Cour suprême, de la Cour constitutionnelle et du Conseil économique, social et culturel. La Haute Cour de Justice et le Haut Conseil des Collectivités vont disparaitre.

 
Dans la forme, le projet est une véritable refonte de la Constitution du 25 février 1992. Il comporte cent vingt-huit (128) articles regroupés en dix-huit (18) titres, soit six (6) de plus que le texte en vigueur. Il conserve le préambule et plus de la moitié des dispositions du texte de 1992, mais procède cependant à des réaménagements significatifs.

1. En ce qui concerne les institutions.
1.1. Dans la nouvelle architecture constitutionnelle, les institutions de la République sont : le Président de la République, le gouvernement, l’Assemblée nationale, le Sénat, la Cour suprême, la Cour constitutionnelle et le Conseil économique, social et culturel. La Haute Cour de Justice n’est plus une institution de la République et le Haut Conseil des Collectivités est supprimé.

1.2. Le régime demeure semi-présidentiel. Mais des réaménagements sont apportés aux conditions d’éligibilité du Président de la République, à la définition de ses pouvoirs propres et à ses relations avec le gouvernement.

1.3. Le Parlement devient bicaméral avec la création d’une seconde chambre qui prend la dénomination de Sénat et de nouvelles règles sont inscrites pour la rationalisation du travail parlementaire. Une plus grande latitude est donnée pour le choix du mode d’élection des députés.

1.4. La Cour constitutionnelle est réorganisée par rapport à ses attributions, au mode de désignation de ses membres, à la nature et la durée de leur mandat.

1.5. La Cour suprême, constituée de la Section judiciaire et de la Section administrative, demeure une des institutions de la République.

1.6. En lieu et place de l’actuelle Section des Comptes, il est créé une Cour des Comptes.

1.7. Le Haut Conseil des Collectivités est supprimé.

1.8. Le Conseil économique social et culturel est réaménagé dans ses attributions et ses modalités de fonctionnement.

2. En ce qui concerne l’exercice du droit de suffrage.
2.1. Une assise juridique nouvelle est donnée aux candidatures indépendantes avec l’inscription du droit des groupements politiques à concourir avec les partis politiques à l’expression du suffrage.
2.2. Il est prévu aussi un réaménagement des délais et du calendrier des élections présidentielles.

3. En ce qui concerne les droits et libertés.
3.1. Il est institué un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception ouvert à toute partie à un procès.

3.2. La régulation de l’audiovisuel et le respect de l’expression plurielle des courants de pensée et d’opinion sont mieux pris en charge avec la mise en place d’une autorité indépendante de régulation de l’audiovisuel qui remplace le Comité national de l’Egal Accès aux Média d’État et le Conseil supérieur de la communication.

3.3. Une meilleure assise juridique est donnée aux mesures de discrimination positive favorisant l’accès des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

3.4. Des clarifications sont apportées au régime de l’enseignement.

4. De la révision de la Constitution.
4.1. Un nouveau régime est institué pour la révision de la Constitution. Il ne maintient obligatoire le recours au référendum que lorsque le projet ou la proposition de révision concerne la durée ou la limitation du nombre de mandats du Président de la République.
Le projet de loi ainsi adopté sera soumis au vote de l’Assemblée nationale et approuvé par référendum

AM

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