L’Assemblée Nationale a mis en place le dernier bureau de la présente mandature. Il n’y a pas eu grands chamboulements, sauf que les ralliés de la dernière heure, ces partis là-même qui avaient cheminé avec le président de la République avant de l’abandonner, croyant pouvoir le détrôner en 2007, le RPM et le Parena, se sont vus offrir des places dans la nouvelle nomenklatura parlementaire. Mais, tous les partis proches de la majorité gouvernementale n’ont pas été traités avec les mêmes faveurs. La CODEM, malgré ses nombreux députés, a été écartée des vices présidences. On lui reprocherait, selon des sources généralement bien informées, de ne pas faire l’affaire de l’Adema-PASJ, véritable maître du jeu à l’hémicycle.
Autrement dit, la direction de l’Assemblée Nationale, cuvée 2011-2012, reste égale à elle-même : on ne change pas une équipe qui ne gagne pas. Et les problèmes dont les dossiers s’amoncellent sur la table du Parlement risquent de connaître le même sort que d’autres, c’est-à-dire qu’ils resteront insolubles et seront renvoyés à d’autres sessions.
Parmi les problèmes qui préoccupent passablement les députés et beaucoup les Maliens, figure en très bonne place l’agonie du système éducatif, tous ordres d’enseignement confondus. A force de se passer le témoin des grèves et débrayages, les étudiants et leurs enseignants ont conduit l’éducation dans l’impasse. Le président Amadou Toumani Touré, croyant encore aux vertus de l’âge, au respect dû aux personnes âgées et au droit de naissance, a cru bon de confier des rôles à deux mamies, lesquelles auront en charge d’amadouer leurs fils et filles, les enseignants, et leur petits-fils et petites-filles, les élèves et étudiants. Pour l’heure, les deux mamies, le chef du Gouvernement et la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, ne réussissent pas trop mal. Surtout qu’elles viennent d’innover en créant d’un coup, ex nihilo, quatre universités dont les Recteurs ont déjà été nommés en Conseil des Ministres. Une idée lumineuse ? Pas si sûr que ça.
En cinquante et un ans d’indépendance, le Mali ne crée une Université que dans la moitié des années 90, soit plus de trente ans après le 22 septembre 1960. Et près de vingt ans après sa création, cette seule et unique Université n’a jamais pu fonctionner correctement, soumise régulièrement aux soubresauts syndicaux. Alors, questions ? Comment les autorités politiques, administratives et éducationnelles comptent-elles s’y prendre avec quatre Universités, alors qu’elles ont été incapables de s’occuper d’une seule Université ?
Il est vrai qu’elles n’ont pas réellement à s’occuper de quatre Universités, celles-ci étant plutôt des facultés élargies. Ça aussi, c’est une innovation de haute qualité made in Mali. On prend l’Université, on la divise non pas en quatre facultés, comme dans n’importe quel pays évolué ; non pas en quatre sous-universités, comme certains timbrés seraient tentés de le faire, mais en quatre… universités spécialisées, comme le ferait n’importe quelle âme désespérée. Rien que ça ! Avec au bout, des universitaires qui se taperont la poitrine en disant non pas «je sors de l’Université de Bamako, de Ségou ou de Tombouctou», mais «je suis diplômé » de l’Université de droit, de gestion ou de machin-truc. N’importe quoi !
Et le budget dans tout cela ? Il va gonfler, bien sûr, avec cette pléthore de recteurs, de doyens et d’administration à mettre en place. Sans qu’on sache si tout ce cirque servirait vraiment à quelque chose. Parce qu’à part les appellations qui changent, on aura toujours les mêmes étudiants, les mêmes parents d’étudiants, les mêmes professeurs, les mêmes problèmes, récurrents et itératifs.
Pour ce qui est du financement de ce colmatage de haut vol, les députés planchent et pourraient bientôt se prononcer sur le projet portant loi des finances, proposé par le Gouvernement. Dans ce texte, ils auront également à tenir compte des revendications de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) qui, conformément à la volonté de son tout puissant Secrétaire général, a refusé d’aller en grève, les 4 et 5 octobre 2011. Selon les mauvaises langues, les négociations n’auraient été menées que dans le seul et unique intérêt de quelques responsables. Lesquels ? Nul ne le sait encore.
Toujours est-il, qu’à l’analyse des points d’accord, on constate deux faits majeurs. Le premier est que la satisfaction des premières revendications importantes intervient en mars 2012. C’est-à-dire en pleine campagne électorale pour la présidentielle. Le deuxième est qu’une seconde vague de doléances des travailleurs sera prise en compte en juillet 2012. Autrement dit, en pleine campagne électorales des législatives. Une façon de satisfaire les travailleurs afin de guider leur choix ?
Cheick TANDINA