A un mois de la tenue des primaires pour désigner le candidat du parti à l’élection présidentielle de 2013, la bataille fait déjà rage dans la ruche avec l’émergence de quatre clans. Cette division clanique du parti suscite des inquiétudes dans la grande famille des abeilles. Le démon de la scission qui refait surface encore dans la ruche va-t-il laisser le parti intact cette fois ci?
Il est devenu une habitude à l’Adema que des clans se forment et s’affrontent à la veille de chaque élection. Au seuil des élections générales de 2013, des clans au nombre de quatre font leur apparition. Il y a la tendance des jeunes cadres du parti dirigée par Dramane Dembélé sous le contrôle de certains anciens comme Laceni Balla Keita. La deuxième tendance est constituée d’une dizaine de vieux cadres de la ruche sous la conduite de l’ancien ministre de l’emploi, Iba N’Diaye. La troisième tendance est l’œuvre de Soumeïlou Boubeye Maiga. Et enfin une quatrième tendance vient de l’Assemblée nationale avec comme chef de file, Assarid Ag Imbarcawane, regroupant le président du groupe parlementaire de l’Adema et d’autres ténors comme Ousmane Sy.
A cinq mois de la Présidentielle 2013, les candidatures affluent au sein de l’Adema-Pasj depuis que son Comité exécutif a décidé depuis une semaine de présenter un candidat issu des rangs du parti. Ce qui nécessitera l’organisation des primaires et son corollaire de division. Comme ça été le cas lors de l’élection présidentielle avortée de 2012 avec le report des primaires au sein de l’Adema. Ce report a été justifié par une tension qui commençait à gagner certaines structures du parti. Cette tension a été suscitée par l’existence au sein de la formation politique de plusieurs courants. L’un était favorable à une candidature du président Dioncounda Traoré et l’autre courant avait opté pour le 1er vice-président, Ibrahima N’Diaye. Cette démarche a suscité à l’époque plusieurs autres candidatures. Il s’agissait notamment de celles de Sékou Diakité, ancien ministre de la solidarité, de Lanceni Balla Keita, de Mariamatia Diarra et de Soumeïlou Boubeye Maiga. Ce dernier avait redynamisé ses associations et comites de soutien qui avaient soutenu sa candidature à la présidentielle de 2007.
En tout cas, l’appel à la candidature au sein du parti s’est matérialisé, depuis le 25 février dernier, par le dépôt des dossiers. Ils sont déjà plus de dix postulants annoncés dont des vieux, des moins vieux et des jeunes loups aux dents longues qui ambitionnent tous de porter les couleurs du parti à la présidentielle du 7 juillet prochain.
Contrairement à certaines formations politiques où le candidat est désigné très démocratiquement avec moins de bruit et de division clanique, le parti de l’abeille est toujours sujet à des dissensions pour le choix du candidat depuis 2002. En effet, cette année-là, Alpha Oumar Konaré avait préféré soutenir le candidat indépendant, ATT, tournant ainsi le dos au candidat du parti, Soumaïla Cissé. Une candidature au forceps après des élections primaires à la fois houleuses et source de dissensions. En effet, c’est à ce moment que des appellations du genre clan Cmdt et autres ont réapparu pour stigmatiser tel ou tel groupe constitué selon les affinités.
Face à cette incertitude et de division, la première formation politique du pays doit aussi faire face à une image dégradante avec l’usure du temps et surtout suite à sa participation à la gestion du pays avec ATT. Doit-elle miser sur la carte de la jeunesse ? D’autant plus que certains ténors ont une image sombre à cause de leur gestion chaotique des affaires publiques de 1992 à nos jours ?
Le démon de la scission refait-il surface dans la ruche ?
Une division n’est pas à écarter du moment où la désignation a pris une autre dimension avec la formation de plusieurs clans. Chaque clan affiche ses ambitions et se positionne en ne lésinant pas sur les moyens y compris les coups bas. Comment éviter une scission si l’on sait d’ailleurs que l’intention est prêtée à certains des caciques de ce parti de ne pas soutenir, au nom de l’Adema, un candidat autre que celui qu’ils ont choisi? Cela rappelle le groupe des dix qui avait abandonné Soumaïla Cissé en 2002 pour soutenir ATT, becs et ongles. Feront-ils la même chose au profit de Modibo Sidibé, par exemple, comme cela se susurrait à l’approche de l’échéance avortée de 2012 ?
En tout cas, les signaux d’une nouvelle cassure ne manquent pas et les militants du parti assistent impuissants à cette bataille des chefs. La formation des clans est édifiante sur la situation au sein de l’exécutif de ce parti qualifié d’écurie électorale et non d’appareil politique soudé par certains observateurs. D’ailleurs, l’on se demande si avec les événements qui viennent de se dérouler dans notre pays entraînant un éveil de conscience, concomitamment à l’émergence d’un nouveau fichier électoral –biométrique celui-ci est-ce que l’Adema pourrait se prévaloir d’un grenier électoral si l’on sait que tout va se redessiner au plan politique ? Ce parti ne doit plus dormir sur son doux matelas électoral au risque d’avoir un réveil brutal. Il lui faut travailler comme les autres pour aller à la conquête de ce nouvel électorat qui jonche le fichier. Ce qui ne serait pas œuvre facile dans la division et l’esprit clanique.
Les jeunes loups aux dents longues
Dramane Dembélé et Adama Doumbia sont de jeunes militants de l’Adema Pasj. Le premier est plus connu que le second pour avoir dirigé pendant plusieurs années la Direction nationale des mines et de la géologie. Cette tendance des jeunes cadres du parti dirigée par Dramane Dembélé sous le contrôle de certains anciens comme Lanceni Balla Keita, ambitionne une révolution politique avec la venue du sang neuf et le respect des textes du parti. Ces jeunes cadres dénoncent la classe dirigeante de l’Adema qui a cautionné la politique de consensus de ATT au profit de la démocratie. Mais surtout le refus des dirigeants de faire le bilan des dix ans du parti à la tête du pays. Le groupe de Dramane Dembélé s’oppose à toute Commission de médiation pour une candidature consensuelle. C’est pourquoi, cette tendance dénonce la Commission de bons offices qui, selon elle, n’est pas prévue par les textes du parti. Elle exige l’application des textes et la désignation du candidat par le vote. En plus de cette position, les jeunes sont favorables à une candidature interne conformément aux recommandations de la majorité des sections. Pour certains membres du CE, une candidature externe n’est pas à l’ordre jour parce que chacune des tendances a son candidat à part le groupe de Assarid qu’on a du mal à situer dans ce méli-mélo. L’objectif des jeunes est d’éviter au parti un candidat qui n’a pas les moyens de ses ambitions à l’image de Dioncounda Traoré. Les jeunes et plusieurs sections de l’intérieur comme de l’extérieur optent déjà pour la non recevabilité de la candidature des vices présidents du parti parce que, pour eux, le baromètre d’opinion ne leur est pas favorable.
Iba N’diaye
Cette tendance est constituée d’une dizaine de ténors du parti que certain jeunes ne manquent pas de qualifier de dinosaures du parti. Ce groupe des anciens ministres des différents gouvernements de 1992 à 2012 représente aux yeux des jeunes, comme des responsables, de la division et l’échec du parti depuis dix ans.
D’autres barons du parti qui s’activent pour Soumeylou Boubeye Maïga qui s’est déjà forgé un réseau national électoral en dehors du parti, notamment avec des associations et clubs de soutien, observent pour l’instant cette lutte entre les jeunes et les vieux ténors de la ruche. Mais ça ne sera pas pour longtemps car Boubeye Maiga devra révéler ses ambitions présidentielles, en droite ligne de sa participation au scrutin de 2007.
Soumeylou Boubeye Maïga, faut-il le remarquer, aura peut-être du mal à s’imposer à cause de ses précédentes prises de positions contre le Comité exécutif, en 2002 et en 2007. Des décisions qui lui ont valu l’exclusion du parti pendant quelque temps. Boubeye est perçu dans la ruche comme un homme qui met toujours en avant ses intérêts personnels, selon les propos d’un de nos interlocuteurs qui préfère garder l’anonymat. En plus à l’Adema, on n’oublie pas qu’il s’était opposé à la candidature de Dioncounda Traoré, en 2012, préférant garder le suspens tout en mobilisant ses troupes réunis au sein de ses associations et clubs de soutien. Rien ne dit encore qu’il respectera la décision issue des primaires, au cas où il ne serait pas retenu comme le candidat officiel du parti.
Comme nous le disions tantôt, un autre clan est constitué autour de Assarid Ag Imbarcawane, le président du groupe parlementaire de l’Adema, Toulenta, et d’autres ténors comme Ousmane Sy, ancien ministre M. Elections du Mali et actuel secrétaire général de la Présidence de la République. Ce groupe est considéré comme le plus faible certes, mais peut peser de tout son poids en termes de soutien à un candidat pour faire pencher la balance en cas de ballotage.
Face à ce risque de division soutenue par une situation financière difficile avec une dette de 200 millions de nos francs, l’Adema pourra-t-elle éviter la cassure ? Le doute est permis. Mais puisqu’aussi ce parti a toujours réussi à rebondir lorsqu’on le croyait moribond, il peut survivre à toute épreuve tel Phoenix renaissant de ses cendres…
Nouhoum DICKO
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