Les travaux en commission des députés a pris fin par l’adoption du texte de la reforme constitutionnelle. Et c’est peu dire qu’on attend beaucoup de cette reforme. En tout cas, il faut «réussir» les réformes en cours «ou périr».
En cette année 2011, soit un an avant l’élection présidentielle de 20102 au Mali, le président Amadou Toumani Touré a fait un constat: la gouvernance n’est pas bonne et les citoyens ne sont pas satisfaits de la prestation fournie par les structures de l’Etat. De ce constat, le président ATT a eu une idée: réformer la pratique de la politique dans le pays pour un fonctionnement véritable de l’Etat. Une telle idée, ça se partage avec ses compatriotes. Amadou Toumani Touré lance alors un appel et invite ses compatriotes à commencer à réfléchir sur les réformes politiques en vue d’approfondir la démocratie.
En réaction à cet appel, un véritable débat s’est engagé entre les Maliens. La question les divise. En effet, une partie des citoyens voit en cette idée du président une stratégie pour chercher à s’éterniser au pouvoir. Au lieu de réfléchir sur ce que le président demande, cette partie de Maliens met en garde maintenant et tout de suite le président contre toute tentative de modification de l’article 35 de la Constitution, qui stipule déjà que l’on vient à la présidence du Faso pour un mandant renouvelable une seule fois, pas plus. L’autre partie des Maliens n’est pas non plus contente de cette façon hâtive de voir les choses. Elle clame que le président est de bonne foi car veut donner les bases solides à la démocratie malienne. Elle parle et insiste sur le fait qu’il s’agit d’un rapport de force. Ainsi déjà, une crise s’est installée avant la crise. Pendant ce temps, ATT ne dit plus rien. Il fait semblant de ne pas être au courant de ce débat. Son souci majeur est de jouer au pompier dans la crise libyenne pourvu que les acteurs accordent leurs violons et viennent lui fais part de leur accord, pour l’organisation d’une élection crédible et non contestée en 2012. Le reste, il verra. Mais le gros du nœud dans tout cela est que le président ATT doit comprendre que les différentes grognes et crises scolaires sont un mauvais présage. Le citoyen lambda ne comprend plus rien et l’autorité de l’Etat est mise à rude épreuve. ATT doit ouvrir les yeux sur ce qui se passent et essayé de prendre les choses en mains car il est le père de cette reforme. Etant donné qu’une bonne franche de Maliens s’énervent encore et lui demande de prendre l’habitude de discuter avec les gens avant de développer de telles idées, car il existe des exemples qui montrent que ses idées du genre n’ont jamais rien arrangé dans le pays. Ils disent alors au président que ce qu’il propose n’est pas bon dans son format en ce moment pour le pays. Les Maliens sont divisés de plus belle, la crise se couve et le pays n’a plus d’argent. Mais qu’est ce qui peut expliquer ce désaveu brusque et brutal du peuple sur le régime d’ATT? Quelles sont ses chances de finir son mandat avec tous les honneurs possibles ?
L’analyse de la situation mérite de prendre en compte quelques aspects :- l’arrivée d’Amadou Toumani Touré au pouvoir et la gestion du renouveau démocratique;
– la gestion du pouvoir dans le contexte de la démocratie ;
– les injustices ;
De l’arrivée d’ATT au pouvoir et la gestion du renouveau démocratique
Amadou Toumani Touré n’a pas eu du mal à se faire accepter par ses compatriotes dès son arrivée au pouvoir. Car en il est en quelque sorte le père de la démocratie malienne. Car le coup d’Etat perpétré un jour du 26 mars 1991 était béni et salutaire pour le Mali. Mais plutôt que de travailler pour garder l’estime du peuple, il ne fait que les décourager car l’espoir suscité après la fin du mandat d’Alpha Oumar Konaré a laissé un goût amer aux maliens dans leur grande majorité. Comme si la malédiction s’est abattue sur le régime d’Amadou Toumani Touré. Et cela n’est pas rien en Afrique et a souvent ses effets lointains.
De la gestion du pouvoir dans le contexte de la démocratie
Avec le contexte de la démocratie, les Maliens espéraient mieux. Malheureusement là aussi, ceux qui ont «vu» Modibo Kéita, Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré, tous anciens présidents du Mali, affirment que le pouvoir de d’ATT surtout sous le renouveau démocratique est un cas singulier. L’administration publique est devenue un champ familial avec à l’intérieur des clubs et des clans. Le président ATT est président de nom et pris en otage par son entourage. Ainsi, le peuple a assisté à une pagaille de gouvernance plus de dix années durant et les Maliens sont devenus plus pauvres et certains miséreux, du fait d’un régime de complaisance. Les mots ou expressions comme corruption, injustices sont bien connus aujourd’hui du peuple grâce à la démocratie. L’expression «le jour viendra» était sur toutes les lèvres et avais attiré l’attention da la majorité des Maliens
La mauvaise gestion du pouvoir d’Etat est devenue trop visible, au point de mettre mal à l’aise certaines personnalités du pouvoir qui ont encore un grain de patriotisme, mais qui sont obligées d’y assister sous peine de voir leur fauteuil remplacé par un tabouret. C’est dire que là aussi le pouvoir n’a pas eu la bénédiction du peuple. Pendant tout ce temps, tout laissait croire au président ATT que la situation est maîtrisée, que le peuple suit, que le peuple le soutient, que l’armée est en forme. Ainsi, à chaque visite présidentielle à l’intérieur du pays, des cars sont mis en mouvements pour convoyer des populations aux lieux sans qu’elles ne comprennent grand-chose. L’adhésion au pouvoir était (est) inconsciente. Du côté des opérateurs économiques et de la communauté traditionnelle, «l’adhésion» est stratégique. En tous les cas, un opérateur économique, par exemple, n’a pas à aimer un régime en place. Il doit être intelligent et savoir jouer au jeu pour ne pas fermer boutique. Mais la démocratie malienne a créé des catégories d’opérateurs économiques. Il y en a qui prennent les marchés publics, d’autres en demandent, d’autres encore en mendient. Dans ce milieu aussi, les prières de la plupart des opérateurs économiques sont pour la fin de la «patrimonialisation du pouvoir». Le régime n’est donc pas aidé. Les jeunes sont très nombreux à prier pour la fin du mandat du président afin qu’ils vivent une autre expérience dans l’espoir d’avoir de l’emploi, car ils sont déçus.
Des injustices
Si l’on peut admettre que la gestion d’un régime ne peut être totalement exempte d’injustices, il est également admis que les tenants du pouvoir ont agi en tout sauf en Africains, pendant longtemps. On a pensé longtemps qu’une injustice à l’endroit d’une famille pauvre doit être acceptée comme tel. Or en Afrique, nul n’est fort et nul n’est faible. Seul Dieu connaît chacune de ses créatures. La prise de conscience du régime dans ce sens est venue très tard. Beaucoup de familles, beaucoup de personnes ont eu le temps de taper plusieurs fois la terre et de pointer plusieurs fois le doigt vers le ciel. C’est tout ce qui reste à l’Africain quand il n’a plus d’espoir. Pendant ce temps, l’entourage du président semblait être préoccupé par le profit, vite et bien au lieu de bons conseils pour le président.
Aujourd’hui, on a l’impression que toutes les couches socioprofessionnelles tiennent à en découdre avec le régime pour lui faire connaître les mêmes déboires que le peuple a bus durant dix ans. Chacun cherche une stratégie pour se fais attendre. Le président Amadou Toumani Touré a voulu des problèmes et ses proches qui veulent contrôler tous les secteurs d’activités dans ce pays l’ont mis dans des problèmes. Ce sont les mêmes qui sont partout et qui veulent tout. Ils veulent lutter contre le Sida, lutter contre les moustiques, construire des maisons, construire des routes, vendre l’or, distribuer des permis de recherches, vendre du pétrole; les mêmes veulent contrôler les grandes entreprises génératrices d’argent, etc.
La majorité des Maliens n’hésitent donc pas à dire que «c’est très bien fait pour eux. S’ils veulent même qu’ils tombent et puis on va avoir la paix» ; y compris même ceux qui sont censés profiter du régime. Tout cela montre la gravité de la crise que traverse le Mali. La pagaille de gouvernance est en train de nous conduire à un chaos.
ATT doit comprendre maintenant une fois pour toute que ses vrais ennemis ne sont pas ceux qui ont le courage de dénoncer les dérives du régime pour lui permettre d’améliorer la gouvernance, mais c’est plutôt ces flagorneurs qui lui ont fait croire pendant longtemps que le pays est une référence en Afrique.
Paul N’guessan