La Bourse de Travail a servi de cadre, samedi 10 septembre dernier, à la tenue d’un meeting organisé par le collectif dit « SOS démocratie, touche pas à ma constitution ». Ont pris part à cette rencontre sur les réformes institutionnelles, l’UNTM, le SYLMAT, la Société Civile, les Partis Politiques. Plusieurs interventions ont marqué cette rencontre, au cours de laquelle, les intervenants ont déversé tout le venin qu’ils avaient sur les plus hautes autorités en dénonçant l’architecture proposée par les initiateurs des textes, le coût des opérations. Les conférenciers ont attiré l’attention de leur compatriote sur le fait que c’est une nouvelle constitution qui leur est proposée. En conséquence, ils invitent les uns et les autres à s’intéresser à la chose et à réfléchir sur cette nouvelle constitution qui changerait tout. Nous avons retenu pour vous l’intervention du président du Syndicat Libre des Magistrats, Founèye Mahalmadane en tant que syndicaliste et non Magistrat.
Depuis quelque temps, l’UNTM, à travers son secrétaire général, a montré son opposition à la mise en œuvre des réformes institutionnelles. Siaka Diakité a sillonné le Mali profond pour donner la position de la centrale à ses antennes. La nouveauté, c’est la prise de position du Syndicat libre de la magistrature. En prenant le crachoir, le président du SYLMAT a indiqué qu’il est heureux d’être là en tant que Syndicaliste et de pouvoir s’exprimer sur une question d’actualité. D’entrée de jeu, il a fait savoir que si nous sommes là aujourd’hui c’est parce que on est en train de récolter la conséquence de la fuite en avant des politiciens. Chacun voulait ou être au gouvernement ou être dans les bonnes grâces du prince du jour. « Comme nous nous sommes battus par le passé, nous allons continuer à nous battre. Vous pouvez continuer à croire que le SYLMAT fera cette bataille jusqu’au bout. Nous pensons que nous sommes un contre pouvoir. Comme tout syndicat de magistrats, on doit être des sentinelles pour la démocratie et les institutions de la République. Nous allons occuper notre place. Nous ne savons pas si certains le feront, mais nous, nous allons le faire jusqu’au bout », a-t-il asséné avant de poursuivre sur ces termes: « absolument rien ne justifie cette reforme, si ce n’est le désir de plaire à un homme qui est en train de nous faire croire que la République n’est née qu’avec 2002. Il rappelle allègrement à la télé que c’est lui qui a fait la constitution. Il est omnipotent et omniscient. J’ai été surpris que la loi constitutionnelle ait été votée. Les députés nous avaient rassurés que ce n’était pas bon et opportun. Le temps est arrivé pour que le Mali sorte de l’ornière. Tant qu’on aura cette classe politique, on ne peut rien attendre d’elle. » Il a indiqué qu’en tant que syndicaliste, que le SYLMAT pense que la réforme n’est pas opportune. « Il y a des points que nous trouvons aberrants de mettre dans une constitution. D’abord, la référence à Kouroukan Fuga qui est une négation totale des droits de l’homme d’un bout à l’autre. Il fait l’apologie des règles anti démocratiques. Il y a un homme qui veut tout inventer et qui pense qu’il faut faire le forcing pour mettre tout dans Kouroukan Fuga qui ne représente rien. »
Par rapport à la désignation des membres de la Cour constitutionnelle, le président du SYLMAT pense que la constitution de 1992 faisait l’équilibre entre les pouvoirs. « Les initiateurs du texte avaient exclu le Conseil supérieur de la Magistrature. Nous n’avons pas compris et nous avons protesté auprès du pouvoir public à l’époque. Ils ont partagé la poire en deux. On pouvait s’accommoder de cette répartition. On a été surpris de voir que l’Assemblée Nationale a gommé le Conseil supérieur de la magistrature en reprenant exactement ce que nous avons combattu. Nous pensons que l’équilibre est rompu. Je pense qu’il ne faut pas bêtement recopier ce qui se passe ailleurs, même ailleurs ça n’a pas marché ». En ce qui concerne la nomination du président, c’est la règle qui ne passe pas, dit-il. « Nous avons rappelé au président de la République que l’histoire récente de la sous région, nous interdit d’aller vers ça. Je connais aujourd’hui la magistrature malienne. Je suis magistrat. Malheureusement, c’est une réalité, si on vote comme ça on aura beaucoup de mal pour servir le président de la République. Le syndrome ivoirien est suffisamment illustratif et je pense qu’il faut éviter de créer des problèmes là où il n’y en a pas. On n’a pas enregistré de problèmes majeurs pour aller aujourd’hui vers une réforme de fond de notre constitution ».
Pour ce qui est de l’institution du Sénat, le magistrat et syndicaliste Founèye a fait savoir que « le Sénat ne va rien améliorer dans la procédure législative, à part nous créer des charges extraordinaires. Aujourd’hui, le gouvernement est, complètement, à l’aise avec l’Assemblée Nationale et le sera davantage avec le Sénat. Cette histoire de Sénat est une invention du président de la République. Il aura le droit de nommer le tiers et c’est l’occasion de remercier les amis pour service rendu pendant dix ans. C’est tout, sinon rien d’autre. Regarder le niveau des débats au niveau du Haut conseil des collectivités ! Il y a rien de plus value à ce niveau ». A propos de la nouvelle procédure de révision constitutionnelle, le président du SYLMAT a indiqué qu’on ne peut pas retirer au peuple ces prérogatives pour les attribuer à une fraction du peuple. « Combien de projets de lois de l’Assemblée nationale ont été rejetées ? Il n’y a n’a pas. Vous avez suivi l’histoire de l’Assurance Maladie Obligatoire. Le président a donné une autre définition du mot obligatoire que tout le monde connait. Au niveau du parlement, on a dit qu’il a raison. C’est cette assemblée qui va venir reformer notre constitution. Je pense qu’il s’agit d’une atteinte grave à la souveraineté du peuple. C’est une immixtion grave que l’on permet à l’Assemblée de faire dans les attributions du pouvoir judiciaire. Si cette constitution passait, un juge, dans ses attributions ordinaires ne peut pas placer un député sous mandat de dépôt même si l’Assemblée décidait de lever l’immunité parlementaire de ce député. Il faut aller prendre l’accord du parlement avant de pouvoir le faire. Cela veut dire que c’est le parlement qui va décider de placer ou de ne pas placer l’intéressé sous mandat de dépôt. Au sein de la constitution nous avons des contradictions flagrantes qui font que ça va créer des problèmes », a martelé le président du SYLMAT avant de conclure en disant que si cette constitution passait, « je pense que chacun d’entre nous a le droit de se chercher un autre passeport car la République serait en danger ».
Youma