La réforme constitutionnelle, dont ATT porte la paternité, est l’œuvre du CARI, dont les membres ont fait passer à cette occasion ce qu’eux souhaitaient que la démocratie malienne soit, et non ce que et le peuple malien souhaite.
Le problème du président de la République est que dès qu’il est influencé par plus instruits que lui, dans une matière aussi sensible et aussi dense que le droit constitutionnel, il endosse une responsabilité qu’il ne peut assumer qu’en confiant la tâche du débat contradictoire à d’autres éminentes ressources humaines. Il a pu mesurer toutes les critiques pertinentes formulées par des personnalités éminentes désintéressées.
Si ce type de débat avait eu lieu avant l’adoption de ce texte controversé, il aurait apporté beaucoup d’enseignements et d’éclairages au président ATT qui s’intéresse uniquement à sa propre place dans l’histoire. Une Constitution n’est pas intangible sous nos cieux. Rien n’empêcherait le futur président de remettre en cause ce qui a tant divisé les Maliens.
Le vote massif des Députés, en dépit de leurs dénonciations de l’inopportunité desdites réformes, a quelque chose de troublant et de paradoxal. Avec ces Députés, on n’est pas à une incongruité près.
Souvenez-vous que c’est eux qui ont voté le budget d’Etat, alors que ledit document ne reflétait pas toutes les ressources encaissées (cas du budget 2010 avec les recettes de la Sotelma).
De même, les recettes issues de cette privatisation ont été séquestrées par le président qui les dépense sans autorisation de l’Assemblée Nationale en dehors des périodes où il gouverne par ordonnance. Dans le parallélisme des formes, le PDG d’une entité peut-il exécuter des dépenses importantes sans l’aval de son Conseil d’administration?
Les Députés sont les membres du Conseil d’administration de l’Etat. De la même façon que l’Assemblée Nationale autorise que l’Etat contracte des prêts, de même elle doit autoriser les dépenses des ressources publiques. C’est une des règles premières de la bonne gouvernance financière.
On se rappellera aussi du Code de la famille voté à l’unisson par les Députés, et rejetés massivement par leurs mandants, c’est-à-dire le peuple. Il convient de s’assurer que le montant des dépenses prévues pour le referendum avait été pris en compte dans le budget. Si ce n’est pas le cas, c’est une dépense extrabudgétaire dont l’exécution relève de l’indiscipline budgétaire.
En quoi réaliser des reformes et les financer est prioritaire par rapport à l’amélioration des conditions de vie des enseignants du supérieur et dont l’incidence sur les finances publiques est tout à fait justifiée pour sauver l’année académique et préparer l’avenir des générations d’étudiants, que faire supporter aux contribuables des dépenses qu’ils trouvent inopportunes ? Est-ce si utile de dépenser une dizaine de milliards pour réformer la Constitution alors que ses lacunes supposées ou réelles n’ont conduit à aucun blocage des institutions ? Est-ce si urgent de réformer la Constitution alors que les ressources publiques ne couvrent même pas les dépenses du budget de l’Etat, le gap atteignant près de 130 milliards financés par l’aide extérieure? Est-ce une bonne idée de provoquer les partenaires sociaux en faisant une dépense aussi importante alors qu’on oppose aux revendications financières le manque de moyens de l’Etat?
Est-il sage de finir son mandat sur une fausse note en créant un problème là où il n’y en avait pas ? Ne vaudrait-il pas mieux de s’atteler à résoudre les problèmes des élections futures qui pointent à l’horizon et dont la mauvaise organisation pourrait compromettre la réussite du mandat et peut-être, déstabiliser le pays tout entier ? Voilà autant de questions que l’on se pose aujourd’hui.
Birama FALL