L’histoire retiendra que ce jour Mardi 02 août 2011, aux environs de 12h, le Parlement malien, réuni en Congrès, a voté une loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992 acquis par le sacrifice de nos martyrs par 141 votes, pour 3 contre et 1 abstention…
C’est vrai que nous aurons notre occasion pour nous prononcer sur la révision constitutionnelle. En somme, on pourra voter contre mais, bien entendu, seulement après que nos milliards aient été déjà dépenses. Inutilement !
Tout indique que nos constitutionnalistes ont délibérément ignoré des notions élémentaires en la matière.
Toute révision constitutionnelle doit être, en effet et nécessaire, pertinente et tenir compte de l’environnement politique et social du moment :
• Il faut tout d’abord apporter la preuve de la nécessité d’une révision constitutionnelle. Ceci constitue le minimum indispensable. Il s’agit en effet, de décrire la gravité d’une situation justifiant la révision et apporter par la suite les éléments de réponse attestant que le statu quo constitutionnel, est entièrement ou partiellement responsable d’un blocage et par conséquent, légitimant l’organisation d’un referendum, et même un débat à l’Assemblée Nationale.
Cette démarche permettrait d’entreprendre un processus qui serait finalement inutile. En somme, une révision constitutionnelle est pertinente si et seulement si ses propositions constituent des solutions effectives aux problèmes ou faiblesses identifiés à l’origine du processus de révision.
• Quant à la nécessité de faire attention à l’environnement politique et social du moment, il est principalement question de faire attention à l’opportunité de toute initiative en matière de révision constitutionnelle. A défaut de pouvoir prévoir le moment exact où une initiative de révision constitutionnelle pourrait déboucher sur des contestations, voire des contestations violentes, il est cependant possible de savoir si l’environnement y est favorable ou non.
Toute période de tensions politiques et de divergences relativement profondes entre les acteurs-clés du moment, quelles qu’en soient les raisons, peut être considérée comme un indice d’inopportunité pour entreprendre un processus de révision constitutionnelle.
En effet, dans le contexte actuel marqué par de profondes divergences politiques à propos, d’abord, du choix de la liste électorale (RACE ou RAVEC ?); de la constitution de la CENI, du chronogramme des élections Présidentielle et législative auxquels s’ajoutent les revendications catégorielles et syndicales…, l’on s’interroge à raison de la nécessité d’une révision constitutionnelle.
Aussi, la préoccupation primordiale est non seulement d’éviter que le peuple ait le sentiment que ses élus peuvent amender la Loi Fondamentale à leur guise pour leurs intérêts personnels, mais encore d’éviter que ces acteurs puissent se le permettre en étant juge et partie profitant d’une conjoncture politique favorable, par exemple une très large majorité au parlement.
Comment espérer que ce changement de notre constitution soit un succès, ou soixante dix pour cent de la population sont constitués de ruraux, c’est-à-dire, de personnes sans moyens de communication, et donc, sans possibilité de disposer des éléments d’information susceptibles d’édifier un choix rationnel ?
Quand la constitution est changée selon le bon vouloir d’un homme, celui au pouvoir et qui s’appuie sur des majorités mécaniques dans des chambres d’enregistrement, il s’agit de l’instrumentalisation pure et simple du pouvoir législatif.
Plus le contexte parlementaire est favorable, on aura plus tendance à réviser la constitution. L’on a même le sentiment que c’est lorsque l’on est certain que le parlement adoptera la réforme que l’on initie celle-ci. Cela est inquiétant car la constitution n’est pas seulement politique ou juridique, elle est aussi sociale.
En principe, la souveraineté du peuple ne peut être entamée que par le peuple lui-même. Ce que le peuple a fait, il lui appartient de le défaire en retour.
Le camp présidentiel doit savoir qu’en politique, il faut toujours laisser une marge de manœuvre pour l’adversaire et que les échecs, en politique, constituent une école d’expériences pour le futur.
On n’a pas besoin d’un forcing pour des questions d’intérêt national et d’un futur commun. Lorsque l’on institue une nouvelle dictature après 26 ans de celle de Moussa Traoré, c’est qu’on a rien compris de la roue de l’histoire qui continue de tourner ; On est soit ‘myope’ politique, soit naïf, soit, en définitive, malhonnête ! Malhonnête dans les faits parce que les raisons avancées pour justifier la révision sont fallacieuses et unilatérales.
La méthode a énervé l’esprit de la Loi fondamentale, contre les délires des sobriquets constitutionnalistes intéressés et qui foulent l’intérêt de nos peuples aux pieds.
Le tollé que la révision du mardi 02 août 2011 dernier a soulevé dans l’opinion nationale et timidement à l’extérieur du pays, prouve qu’elle a été mal envisagée et qu’on n’en tirerait pas nécessairement profit par qui que ce soit. Au contraire, elle va nous mener tout droit à une nouvelle instabilité alors que le moment était propice pour la consolidation de la jeune démocratie malienne, conquise au prix du plus grand sacrifice jamais recensé dans le pays. En effet, le peuple malien a payé un lourd tribut pour la démocratie et la liberté. Il mérite par conséquent, plus de droit, de considération et de respect que le Président de la République.
Faut-il, à la limite, faire sienne cette citation de Mirabeau: «Si on voit où les bonnes têtes ont conduit les peuples, il ne serait pas mauvais d’essayer les mauvaises».
Je quitte la parole…, du moins pour l’instant !
A suivre !
ISSIAKA COULIBALY