L’amendement N° 1 de la Commission Daba Diawara propose de modifier le préambule de la constitution en se référant aux " principes et valeurs énoncés dans la Charte adoptée en 1236 à Kuru kan Fugua ". Rien de mal. Seulement voilà : Sonni Ali Ber " le Grand " (1464-1493), fondateur de l’empire Songhoï a, lui aussi fait adopter une charte. Nous vous proposons la lecture comparée des deux documents. Sans commentaire !
Charte du Kurukanfuga
I. DE L’ORGANISATION SOCIALE
Article 1 : La société du grand Mandé est divisée en seize (16) porteurs de carquois, cinq (5) classes de marabouts, quatre (4) classes de Nyamakalas (hommes de caste), une (1) classe de serfs (esclaves) (Mofé molu). Chacun de ces groupes a une activité et un rôle spécifiques
Article 2 : Les Nyamakalas se doivent de dire la vérité aux chefs, d’être leurs conseillers et de défendre par le verbe les règles établies et l’ordre sur l’ensemble du royaume.
Article 3 : Les Morikandas lolu (les cinq classes de marabouts) sont nos maîtres et nos éducateurs en islam. Tout le monde leur doit respect et considération.
Article 4 : La société est divisée en classes d’âge. A la tête de chacune d’elles est élu un chef. Font partie de la classe d’âge, les personnes (hommes ou femmes) nées au cours d’une période de trois années consécutives. Les Kangbès (classe internationale entre les jeunes et les vieux) doivent être conviés à participer à la prise des grandes décisions concernant la société.
Article 5 : Chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. En conséquence, toute tentation d’enlever la vie à son prochain est punie de la peine de mort.
Article 6 : Pour gagner la bataille de la prospérité, il est institué un mode de surveillance pour lutter contre la paresse et l’oisiveté.
Article 7 : Il est institué entre les Mandenkas, le Sanankuya (cousinage à plaisanterie) et le tanamanyoya (forme de totémisme). En conséquence, aucun différend né entre ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l’autre étant la règle. Entre beaux-frères et belles-sœurs, entre grands parents et petits, la tolérance et le chahut doivent être le principe.
Article 8 : La Famille Keïta est désignée famille régnante sur l’empire.
Article 9 : L’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La puissance paternelle appartient en conséquence à tous
Article 10 : Adressons-nous mutuellement les condoléances.
Article 11 : Quand votre femme ou votre enfant fuit, ne le poursuivez par chez le voisin.
Article 12 : La succession étant patrilinéaire, ne donnez jamais le pouvoir à un fils tant qu’un seul de ses pères vit. Ne donnez jamais le pouvoir à un mineur parce qu’il possède des liens.
Article 13 : N’offensez jamais les Nyaras.
Article 14 : N’offensez jamais les femmes, nos mères.
Article 15 : Ne portez jamais la main sur une femme mariée avant d’avoir fait intervenir sans succès son mari.
Article 16 : Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes, doivent être associées à tous nos gouvernements.
Article 17 : Les mensonges qui ont vécu 40 ans doivent être considérés comme des vérités.
Article 18 : Respectons le droit d’aînesse.
Article 19 : Tout homme a deux beaux-parents : les parents de la fille que l’on n’a pas eue et la parole qu’on a prononcée sans contrainte aucune. On leur doit respect et considération.
Article 20 : Ne maltraitez pas les esclaves, accordez leur un jour de repos par semaine et faites en sorte qu’ils cessent le travail à des heures raisonnables. On est maître de l’esclave et non du sac qu’il porte.
Article 21 : Ne poursuivez pas de vos assiduités les épouses du chef, du voisin, du marabout, du féticheur, de l’ami et de l’associé.
Article 22 : La vanité est le signe de la faiblesse et l’humilité le signe de la grandeur.
Article 23 : Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur.
Article 24 : Ne faites jamais du tort aux étrangers.
Article 25 : Le chargé de mission ne risque rien au Mandé.
Article 26 : Le taureau confié ne doit pas diriger le parc.
Article 27 : La jeune fille peut être donnée en mariage dès qu’elle est pubère sans détermination d’âge. Le choix de ses parents doit être suivi quelque soit le nombre des candidats.
Article 28 : Le jeune homme peut se marier à partir de 20 ans.
Article 29 : La dot est fixée à 3 bovins : un pour la fille, deux pour son père et sa mère.
Article 30 : Venons en aide à ceux qui en ont besoin.
II. DES BIENS
Article 31 : Il y a cinq façons d’acquérir la propriété : l’achat, la donation, l’échange, le travail et la succession. Toute autre forme sans témoignage probant est équivoque.
Article 32 : Tout objet trouvé sans propriétaire connu ne devient propriété commune qu’au bout de 4 ans.
Article 33 : La quatrième mise- bas d’une génisse confiée est la propriété du gardien.
Article 34 : Un bovin doit être échangé contre quatre moutons ou quatre chèvres.
Article 35 : Un œuf sur quatre est la propriété du gardien de la poule pondeuse.
Article 36 : Assouvir sa faim n’est pas de vol si on n’emporte rien dans son sac ou sa poche.
III. DE LA PRÉSERVATION DE LA NATURE
Article 37 : Fakombé est désigné chef des chasseurs. Il est chargé de préserver la brousse et ses habitants pour le bonheur de tous.
Article 38 : Avant de mettre le feu à la brousse ne regardez pas à terre, levez la tête en direction de la cime des arbres.
Article 39 : Les animaux domestiques doivent être attachés au moment des cultures, libérés après les récoltes. Le chien, le chat, le canard et la volaille ne sont pas soumis à cette mesure.
IV. DISPOSITIONS FINALES
Article 40 : Respectez la parenté, le mariage et le voisinage.
Article 41 : Tuez votre ennemi, ne l’humiliez pas.
Article 42 : Dans les grandes assemblées, contentez vous de vos légitimes représentants et tolérez-vous les uns les autres.
Article 43 : Balla Fassèkè Kouyaté est désigné grand chef des cérémonies et médiateur principal du Mandé. Il est autorisé à plaisanter avec toutes les tribus, en priorité avec la famille royale.
Article 44 : Tous ceux qui enfreindront à ces règles seront punis. Chacun est chargé de l’application stricte de ces articles.
CHARTE DE Sonni ALY BER, le GRAND
LES PRECEPTES DE SONNI ALI BER, ZABERI, LE " SI "
1) la victoire, jamais vaincu, toujours la victoire, rien que la victoire : " toujours vainqueur, jamais vaincu ".
2) L’union de la nation tout entière
3) Œuvrer pour le développement global endogène.
4) Avoir une grande capacité d’anticipation et une force effroyable de frappe sur n’importe quel coin et tout recevoir de l’empire.
5) Faire usage de l’effet de surprise dans l’action
6) Ne jamais se rendre ou fuir le combat car la vie est un combat
7) De la rigueur dans la gestion de l’Etat
8 Préserver l’intégralité du territoire à tout prix.
9) Tomber les armes à la main pour la patrie.
10) Avoir un sens aigu du patriotisme
11 Mériter le nom d’Homme pour avoir trouvé cette raison pour laquelle on accepterait de mourir.
12 Lutter pour augmenter les richesses ;
13) Etre économe
14) Par ses hauts- faits imposer le respect ;
15) Enseigner les vertus du travail
16) Mettre son peuple au travail
17) Etre envié, pour avoir été heureux
18) Avoir foi en nos valeurs traditionnelles et de civilisation
19) Etre à l’écoute de l’autre ;
20) Mettre en œuvre la solidarité et le partage ;
21) L’éducation : avoir une solide formation physique, psychique et intellectuelle.
22 Réaliser des créations innovantes par l’apport de savant formé;
23) Etre curieux et avoir le goût de l’aventure
24) Etre croyant et faire ses prières.
Avec la contribution de Oumar Yamadou DIALLO Chercheur (Historien-Archéologue-Muséologue)