La modification de la Constitution à travers une demande du Président de la République auprès du Parlement, sans passer par la consultation du peuple, constitue pour l’opposition parlementaire des dérives inacceptables pour une démocratie moderne au regard de la lutte héroïque de notre peuple pour la conquête de la démocratie et de la pluralité des opinions en mars 1991. C’est pour toutes ces raisons que les deux groupes parlementaires de l’opposition (VRD et ADP Maliba-SADI) ont voté contre le projet de loi portant révision constitutionnelle qui enlèverait selon eux au peuple le droit exclusif de modification de sa Constitution.
C’est l’une des conclusions que l’Opposition démocrate et républicaine a fait savoir à la presse, à l’opinion nationale et internationale, lors d’une conférence de presse tenue, le jeudi 08 juin 2017 à la Maison de la presse. Elle était animée par le président du Groupe parlementaire VRD, Mody N’Diaye, en présence du Chef de fil de l’Opposition, l’honorable Soumaila Cissé et plusieurs autres personnalités de l’opposition.
Dans ses propos préliminaires, le président du Groupe parlementaire VRD, l’honorable Mody N’Diaye a rappelé que le président de la République a saisi l’Assemblée nationale par une lettre datée du 13 mars 2017 en session extraordinaire afin de statuer sur le projet de loi portant révision de la constitution du 25 février 1992, qu’il a initié en application des dispositions de ladite Constitution. N’ayant pas pu être délibéré au cours de cette session extraordinaire, le projet de loi a été renvoyé à la session ordinaire suivante. Et c’est au cours de celle-ci qu’il a été adopté le 03 juin 2017.
Selon l’honorable Mody N’Diaye, ce projet de loi de révision de la Constitution portait sur 17 articles modificatifs, ce qui résulte que le nombre d’articles est passé de 122 à 144. Par ailleurs, aux dires, du président N’Diaye, la Commission des lois a définitivement présenté 75 amendements, après des conciliabules avec le Gouvernement sur les 80 amendements qui accompagnaient son rapport lu devant la plénière. Selon lui, l’essentiel des amendements de la Commission des lois (environ 80%) au projet de loi du Président de la République portait sur les erreurs matérielles, la clarification et le maintien de la structure de la Constitution en vigueur. L’honorable N’Diaye a évoqué qu’à travers sa lettre du 26 mai 2017 complétée par celle du 31 mai 2017, il a communiqué au Président de l’Assemblée nationale 43 amendements.
Au cours de son allocution, il a énuméré les raisons du rejet du projet de loi de la révision constitutionnelle par leurs groupes parlementaires de l’opposition (VRD et ADP Maliba-SADI). Il s’agit entre autres de : l’engagement du processus de révision qui enfreint l’alinéa 3 de l’article 118 de la Constitution qui dispose qu’aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ; le processus en cours de l’élaboration d’une charte pour l’unité, la paix et la réconciliation. Ainsi, pour eux, ce projet adopté change la nature du régime par le renforcement des pouvoirs du Président de la République qui va définir désormais la politique de la nation, alors que le Gouvernement est toujours le seul responsable devant l’Assemblée nationale ; la désignation par le président de la République du 1/3 des sénateurs ; les dispositions qui permettent au président de la République de faire réviser des dispositions de la Constitution à travers le parlement ; le refus de la proposition faite par l’opposition d’introduire la déchéance du président de la République en cas de manquements graves à ses obligations ; l’abandon de l’âge minimum de 35 ans pour être candidat à la présidence de la République ; la nomination du Président de la Cour Constitutionnelle par le Président de la République, alors que celui-ci était élu par ses pairs ; la non instauration d’un âge maximum fixé à 75 ans pour être candidat à la présidence de la République ; la non auto saisine de la Cour Constitutionnelle en cas de violation de la Constitution ; la non soumission du Président de la République aux rigueurs de la loi en cas de parjure ; le refus d’intérimaire par le président du Senat, sont également les raisons du rejet de l’opposition. « Dans toutes les bonnes pratiques parlementaires l’intérim du Président de la République est assuré par le Président du Senat, c’est pourquoi d’ailleurs le Senat ne peut être dissous », a soutenu le conférencier. Avant de déclarer que l’opposition parlementaire défend avec force les valeurs démocratiques et républicaines pour le confort de notre démocratie et l’éternité de notre république, indivisible et laïque. Pour lui, notre pays a besoin d’institutions fortes, responsables et respectées. « L’irresponsabilité du Président de la République devant le Parlement justifie amplement le non renforcement de son pouvoir notamment la détermination de la politique de la Nation », a-t-il signalé.
Seydou Karamoko KONE