Le Comité d’experts pour la réforme constitutionnelle a organisé, le mercredi 6 février 2019 à l’hôtel Sheraton, une conférence de presse au cours de laquelle ses membres ont expliqué aux journalistes les missions qui leurs ont été confiées par les plus hautes autorités du Mali. Ils ont évoqué leur méthodologie d’action et le chronogramme de travail qu’ils ont institué. Les hommes et les femmes commis à la tâche de la réforme constitutionnelle promettent de remettre l’avant-projet de loi constitutionnelle au Premier ministre, le 1er avril prochain. Le comité d’experts a à sa tête le Pr Makan Moussa Sissoko. Est-ce l’Etat parviendra-t-il à relever le défi de cette révision constitutionnelle ?
A titre de rappel, un référendum constitutionnel était prévu pour le 9 juillet 2017 au Mali. Ce processus a été interrompu, après des manifestations d’opposants. La population était amenée à se prononcer sur un projet de constitution visant davantage de décentralisation dans le cadre des accords de paix inter maliens. Le précédent projet de constitution prévoit la création d’un Sénat et d’une Cour des comptes. Il permettrait au président de nommer un tiers des membres du Sénat ainsi que le président de la Cour constitutionnelle. Il visait, selon le gouvernement, à mettre en œuvre certains engagements de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé en 2015, en confiant un rôle accru aux collectivités territoriales. Seraient ainsi mis en place des conseils régionaux élus dans les dix régions du Mali dont les deux nouvellement créés au nord. Cette réforme allait de pair avec la création d’un Sénat représentatifs des territoires, offrant ainsi une meilleure représentativité au nord du pays, faiblement peuplé mais très étendu.
Ledit projet de révision constitutionnelle avait été adopté en mars 2017 en Conseil des ministres puis approuvé début juin par l’Assemblée nationale. Le gouvernement, sous la pression populaire, avait été contraint d’abandonner l’initiative, en la reportant à une date indéterminée. Les manifestants jugeaient la réforme comme accordant trop de pouvoir au président. L’une des manifestations de cette hyper pouvoir présidentiel était la possibilité pour le président de la République de nommer le président de la Cour constitutionnelle alors que celui-ci est chargé de l’annonce des résultats des élections. La mesure était donc considérée suspicieuse par l’opposition.
Outre les pouvoirs présidentiels, les opposants jugeaient aussi comme inapproprié une réforme constitutionnelle au regard de la situation sécuritaire du pays où l’essentiel du territoire échappait au contrôle du gouvernement. L’opposition avait même saisi la cour constitutionnelle pour une violation de l’article 118 de la Constitution interdisant toute révision constitutionnelle dans un contexte d’occupation de tout ou partie du territoire national.
En face des contestataires, plus de 6000 jeunes aussi participent, le 29 juin, à une manifestation de soutien au projet. Le 3 juillet le président IBK réaffirme en marge du G5 Sahel sa volonté de mener à bien le référendum. « Si je [faisait marche arrière sur le projet référendaire], je trahirais mon pays et la signature de mon pays. Je ne le ferai pas », avait-il affirmé.
Le 7 juillet, la cour statue sur le sujet en renvoyant le projet de révision de la Constitution devant les députés pour une seconde lecture, dans ce qui est considéré comme une victoire pour le gouvernement, la cour ayant accepté des requêtes jugées de forme tout en rejetant l’argument basé sur l’atteinte à l’intégrité du territoire. Le référendum étant ainsi jugé légal, un passage du texte constitutionnel au vote du parlement est prévu dans les jours qui suivent la décision de la cour.
Le gouvernement se refuse néanmoins à avancer une nouvelle date pour la tenue du scrutin référendaire. Ibrahim Boubacar Keïta décide de laisser du temps au texte pour son second passage devant l’assemblée, la date du scrutin étant repoussée au moins jusqu’à l’automne. Le chef de l’Etat entendait en effet tirer les leçons des effets de son manque d’implication de la société civile dans le premier projet, qui aurait donné l’impression « de ne pas être à l’écoute ». Des rencontres avec des membres de la société civile, des chefs religieux et des responsables politiques sont alors menées. IBK multiplie ainsi les consultations, tout en restant résolu sur l’organisation du scrutin, affirmant que « le référendum aura lieu, il en va de la démocratie ». Le gouvernement espère également que l’opposition au référendum s’essouffle progressivement au cours de ces quelques mois de délai supplémentaires. Le 16 juillet encore, une troisième manifestation réunissait plus d’une dizaine de milliers de personnes dans le pays.
Les précédentes tentatives de révision constitutionnelle ont créé un précédent donnant l’impression qu’une telle perspective au Mali est scrutée à la loupe par les forces politiques. L’Etat parviendra-t-il cette fois-ci à relever le défi de réviser la constitution du Mali ? Le temps nous dira la suite.
Kantra Famodi