Révision constitutionnelle : L’Assemblée nationale disqualifiée !

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Formellement plombée par l’obstacle quasi insurmontable de l’alinéa 3 de l’article 118 de la Constitution qui interdit toute révision constitutionnelle lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire national comme dans la région rebelle de Kidal devenue au vu et au su de tous une république au sein de la République, la nouvelle tentative de révision constitutionnelle du Président IBK semble condamnée à un nouvel échec d’autant plus retentissant qu’outre cette lourde contrainte, elle intervient dans un contexte institutionnel particulier où l’Assemblée nationale du Mali hors de toute constitutionnalité, se trouve purement et simplement investie et squattée par des individus se prétendant députés alors qu’ils n’ont reçu aucun mandat du peuple. Une Assemblée nationale illégitime totalement disqualifiée qui ne saurait aucunement intervenir dans un quelconque processus de révision de la Loi fondamentale de notre pays. En l’état, l’Assemblée nationale ne saurait ni initier une quelconque proposition de révision constitutionnelle comme stipulé à l’alinéa 1er de l’article 118 de la Constitution, ni voter à la majorité des deux tiers de ses membres comme prévu à l’alinéa 2 du même article, le texte d’un projet ou d’une proposition de révision constitutionnelle en vue de son adoption par référendum.

Quelle est cette démocratie où des députés au mandat arrivé à échéance depuis le 31 décembre 2018 à minuit, donc des ex députés en fait devenus de simples citoyens, peuvent s’auto octroyer un mandat supplémentaire ? Quelle est cette démocratie où la Cour constitutionnelle présidée par Manassa DANIOKO, par pure forfaiture perpétrée au prix de deux avis contradictoirement, cautionne irrégulièrement la prorogation de mandat des députés, poussant à l’extrême, son mépris pour la Constitution par la préconisation de faire passer cette forfaiture sous la forme d’une loi organique prévue nulle part dans la Constitution du 25 février 1992 ?

Naturellement, ces questionnements mettent en évidence, la connivence manifeste entre les intérêts mercantiles d’ex députés arc-boutés sur les avantages matériels de leur ancienne fonction, la désertion de tout son espace d’indépendance institutionnelle d’une Cour constitutionnelle en mal d’expertise juridique solide, et surtout l’incurie généralisée du gouvernement.

 

Des pseudo- représentants de la nation qui squattent l’Assemblée nationale

A l’intersection de ces trois pôles de connivences, se dresse dans toute sa laideur, l’armature grotesque de République bananière qu’affiche le Mali sous IBK, où des ex députés continuent encore de jouer aux pseudos représentants de la nation et qui ont de surcroit, l’outrecuidance de prétendre tripatouiller la Constitution de notre pays. Contrairement à l’aventure de 2017, la tentative de révision constitutionnelle de cette année 2019, pêche gravement sur le plan formel par l’absence d’une Assemblée nationale digne de ce nom et l’accaparement de cette institution par des individus totalement disqualifiés qui s’arrogent actuellement un mandat qu’ils ne tiennent nullement du peuple. L’organe législatif du Mali se ramène aujourd’hui à la coquille vide d’un rassemblement illégitime et inconstitutionnelle de députés auto- proclamés. Nul ne saurait prétendre le contraire. La Constitution du Mali dispose clairement en son article 61 que les députés sont « élus pour cinq ans au suffrage universel direct ». Si ce n’est à travers une révision constitutionnelle décidant par exemple que ce mandat de cinq (05) ans pourrait être prorogé sans aucune élection par la simple volonté de la Cour constitutionnelle, du gouvernement et du législateur, il n’existe absolument aucune possibilité constitutionnelle de prorogation du mandat constitutionnel de cinq (05) ans des députés. En substance, aucun arrêt quelconque de la Cour constitutionnelle, encore moins un simple avis de surcroît dépourvu de tout effet contraignant, ne peut ouvrir une procédure de prorogation du mandat des députés strictement enfermé dans la limite constitutionnelle irrévocable de cinq (05) ans.

Imagine-t-on une Assemblée nationale de pseudo- députés ne pouvant se prévaloir d’aucun mandat du peuple, se mettre à fricoter la loi fondamentale de notre pays ? Le fait serait inédit dans les annales ! Une République digne de ce nom ne doit accepter que de simples individus que nul n’a mandaté, s’auto proclamant députés, puissent s’arroger un pouvoir constituant dérivé, c’est-à-dire un pouvoir de révision de la Constitution du Mali. Mais si aujourd’hui de simples individus ne représentant que l’ombre d’eux-mêmes, leurs propres intérêts politiciens voire mercantiles, ont le toupet d’investir l’enceinte de l’Assemblée nationale du Mali démocratique et de la squatter en se prévalent de faux titres de députés, c’est d’abord et avant tout à cause de la forfaiture perpétrée par les deux avis contradictoirement minables de la Cour constitutionnelle de Manassa DANIOKO qui en a servi de prétexte.

 

La forfaiture juridique de la « loi organique » n°2018-067 du 06 décembre 2018

Il s’agit d’ailleurs d’un prétexte fallacieux, puisque l’on sait que les avis de la Cour constitutionnelle, même quand ils sont soi-disant rendus sur la base de l’article 85 de la Constitution qui en fait « l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics », demeurent sans effet contraignant pour leurs destinataires. C’est dans ce sens que l’arrêt CC-n°01-128 du 12 décembre 2001 invalidant la loi de révision ad referendum sous le Président Alpha Oumar KONARE, explicite le sens et la portée que la Cour donne à la procédure consultative en déclarant que « l’avis ne lie pas son destinataire ».

Si les avis, à l’instar des deux contradictoirement minables de la Cour constitutionnelle relatifs à la prorogation de mandat des députés, ne lient pas leurs destinataires, la responsabilité de la forfaiture de la prorogation de mandat des députés se doit dans ce cas d’être entièrement assumée face à l’histoire, par le Président de la République IBK, le gouvernement et l’Assemblée nationale.

La loi n°2018-067 du 06 décembre 2018 portant loi organique relative à la prorogation du mandat des députés à l’Assemblée nationale est une véritable gifle donnée à la démocratie malienne sous la forme suivante (article 1er) : « Le mandat des députés de la Vème législature, objet de l’Arrêt n°2013-12/CC-EL du 31 décembre 2013, est prorogé jusqu’au 30 juin 2019 » !Comme dans une petite république bananière, on peut par des petits arrangements inter institutionnels, se substituer au peuple souverain en distribuant comme de petits pains des mandats électoraux comme celui de député d’envergure nationale.

La loi n°2018-067 du 06 décembre 2018 portant loi organique relative à la prorogation du mandat des députés à l’Assemblée nationale est le symbole vivant de la démocratie de pacotille instaurée dans notre pays par le Président IBK et qui se nourrit du mépris et de la négation des règles élémentaires de l’Etat de droit. Le prétexte irrecevable de l’avis favorable de la Cour constitutionnelle est un argument fallacieux qui ne tient guère la route. Ni le Président de la République, ni le gouvernement et encore moins l’Assemblée nationale, ne peuvent aucunement se dédouaner de leurs obligations constitutionnelles propres en se terrant derrière une Cour constitutionnelle complètement égarée à jamais dans ses innombrables et honteux errements jurisprudentiels. En tout état de cause, aucun quelconque avis de la Cour constitutionnelle, n’a pu à aucun moment, valablement autoriser la prorogation d’un mandat fixé par la Constitution, sauf à admettre que Manassa DANIOKO et « sa cour » sont au-dessus de la Constitution du Mali. Au demeurant, cette forfaiture frôle le pur brigandage juridique du patrimoine démocratique du Mali par la proposition choquante faite par la Cour constitutionnelle de la faire passer par voie de législation organique.

Depuis quand, une simple Cour constitutionnelle qui ne doit son existence que par la seule volonté du constituant originaire qu’est le peuple souverain, peut-elle se donner la liberté d’inventer une loi organique non prévue par la Constitution ? Il ne saurait y avoir de création ex nihilo d’une loi organique qui n’est pas expressément prévue par la Constitution elle-même. Les lois organiques étant des lois d’application de la Constitution, c’est la Constitution elle-même à travers ses propres dispositions, qui renvoie expressément à des lois de ce type. La Cour constitutionnelle ne tient d’aucun texte de la République, y compris au titre de l’article 85 de la Constitution, la compétence de créer une loi organique.

 Le Président IBK interpellé pour violation de son serment constitutionnel

Comment ne pas s’interroger si le Mali reste-t-il toujours dans une République soucieuse de démocratie et d’Etat de droit, lorsqu’en violation flagrante de son serment, le Président de la République se permet de promulguer une loi prétendument organique dans laquelle on a maladroitement enveloppé la forfaiture juridique de la prorogation inconstitutionnelle du mandat des députés ? Faut-il rappeler à cet égard, l’obligation qu’impose avec la plus grande vigueur au Président IBK, l’article 29 de la Constitution qui l’investit de la mission de « gardien de la Constitution » ? Est-il nécessaire de rappeler également au Président IBK, le serment de l’article 37 de la même Constitution qu’il a prêté, où il a juré « de respecter et de faire respecter la Constitution » ?

Au regard de ces légitimes questionnements, on ne peut être que tout aussi légitimement fondé à sérieusement douter de l’importance qu’attache réellement le Président IBK à ces dispositions constitutionnelles que sa pratique constitutionnelle contribue ouvertement à reléguer au rang de simples clauses de style. On ne saurait prétendre être le gardien légitime d’une Constitution qu’on « ne respecte pas » et qu’on « ne fait pas respecter ». En promulguant en date du 06 décembre 2018, une pseudo-loi organique soi-disant « relative à la prorogation du mandat des députés à l’Assemblée nationale », IBK a enfilé le manteau du Président de la République qui ne respecte pas ses obligations liées aux articles 29 et 37 de la Constitution. De ce fait, le Président continue de dessiner avec des trais de plus en plus gros voire grotesques, la trajectoire de république bananière du Mali. Le Mali semble en effet durablement installé dans un état pathologique de décomposition démocratique avancé où, tels des bateaux ivres, la quasi-totalité des institutions de la République en errance, naviguent en marge de la Constitution du 25 février 1992. La vraie République bananière en somme !

Dr Brahima FOMBA

Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJP)

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3 COMMENTAIRES

  1. Merci M. Sangaré pou cet article impeccable. Rien à dire ce délinquant comme tu dis est au service de la france étant lui même français! C’est aussi une première que les maliens “élisent” un président qui a la nationalité française. Cela ne serait jamais vu en france, élire un malien naturalisé français comme président. D’aucuns me diront qu’un ancien premier ministre français était espagnol, mais quand il a tenté d’être candidat à la présidence, il a vite compris que cela ne passait pas et est donc retourné dans son Espagne natale.

  2. Que le Mali soit une république bananière sous la présidence D’IBRAHIM BOUBACAR KEITA ne peut étonner que les naïfs de la scène politique malienne.
    Si des patriotes ont tout fait pour l’empêcher de briguer la magistrature suprême ,c’était pour éviter que se réalise cette république bananière qu’ on constate sans être un spécialiste du droit constitutionnel.
    L’histoire institutionnelle d’Ibk est connue de tous les maliens tant il y est baigné depuis 1994.
    Il est étonnant que les maliens constatent et le disent partout que l’ADEMA PASJ a été un parti qui a fini par regrouper en son sein des éléments les plus malsains de la scène politique sous la présidence d’Ibk,que ce parti est accusé de tous les péchés du monde sans que son président en soit ténu responsable.
    Il s’agit là d’une oeuvre de manipulation d’Ibk et de ses thuriféraires vrais responsables de la dégradation de l’image du parti.
    Quand IBK s’est rendu compte que son PATRON ALPHA OUMAR KONARE s’est rendu compte des actes malsains posés par lui,il a commencé à l’accuser de trahison car sachant que les maliens se rappellent des actes qu’ il a posés pour RAMENER la sécurité au Nord.
    Il a surfé sur la seule performance qu’ il a faite à la primature pour faire oublier son BILAN au sommet de l’ ADEMA-PASJ.
    C’EST AINSI QU’ ON VOIT LA MASSE POPULAIRE ACCUSER L’ADEMA PASJ DE TOUS LES PÉCHÉS DU MONDE SANS RENDRE SON PRÉSIDENT RESPONSABLE DE CES ACTES PENDANT SON EXERCICE DU POUVOIR SIX ANS SUR DIX.
    On constate qu’ on critique le BILAN D’ALPHA OUMAR KONARE sans associer IBK qui l’a accompagné pendant huit ans et qui était son homme de confiance jusqu’à penser l’envisager comme son successeur.
    Au sein de l’ ADEMA-PASJ IBK a ramené tous les cadres qui ont fait le beau temps de l’ UDPM dans les détournements des deniers publics causant une tension de trésorerie empêchant MOUSSA TRAORÉ de payer régulièrement les salaires des fonctionnaires et les fournisseurs de l’ ÉTAT.
    Heureusement pour ALPHA OUMAR KONARE son ministre des finances n’a jamais voulu s’associer à son premier ministre pour jouer au vagabondage au sommet de L’ÉTAT .
    SOUMAILA CISSE est celui qui s’est opposé,depuis la présidence d’Ibk de l’ ADEMA-PASJ ,aux pratiques malsaines que tout le monde constate aujourd’hui depuis qu’ il a pris la reine du pouvoir en 2013.
    IBK et ses thuriféraires se sont arrangés pour accuser SOUMAILA CISSE et son entourage des actes qui sont de leurs faits pour l’empêcher de briguer la magistrature qui allait signifier la fin de leurs aventures politiques.
    Des religieux qui se sentent aujourd’hui trahis ainsi que Ras BATH et son père et d’autres personnalités respectables ont participé à AIDER IBK à écarter,en réalité,le plus vertueux.
    Ce monsieur qui a été capable de manipuler des hommes les plus respectables de notre pays pour briguer la magistrature suprême ne peut qu’ exercer pour jouir des délices du pouvoir.
    Il a la main libre maintenant pour faire ce qu’ il rêvait de faire quand il était sous l’autorité d’AOK.
    Premier ministre doublé de la présidence du parti au pouvoir,il s’est arrangé pour tisser amitié avec les deux grands fossoyeurs que l’Afrique a connus :OUMAR Bongo et EYADEMA.
    Ces deux grands LAQUAIS de la France se sont toujours considérés comme au dessus de la LOI FONDAMENTALE de leurs pays respectifs.
    IBK a toujours voulu les imiter d’où la présence de son fils sur la scène politique depuis qu’ il a pu accéder au sommet de L’ÉTAT.
    Que ceux qui ont aidé ce délinquant à accéder au sommet de L’ÉTAT ,fassent les efforts nécessaires pour le faire partir
    Ils sont aussi responsables qu’ IBK dans la banalisation de notre démocratie.
    OSER LUTTER ,C’EST OSER VAINCRE!
    La lutte continue .

    • Bonjour

      C’est toute l’année et pas que quand il faut chaud ou froid qu’il faut être solidaire et penser aux plus démunis et aux plus vulnérables!

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