La réunion du groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali qui s’est tenue à Bamako, le 19 Octobre ouvre la voie à la possibilité d’une intervention militaire dans les plus brefs délais. Le document au centre de la rencontre, le « projet de concept stratégique pour la résolution des crises que connait le Mali », a été partagé par les représentants de l’Union africaine, de la CEDEAO, des pays du champ, des Nations-Unies, de l’Union européenne, et d’autres partenaires internationaux qui ont parlé d’une seule voix : engager la négociation et préparer de toute urgence le déploiement militaire. Conséquence de cette harmonie : le Mali retrouve sa place dans la carte diplomatique, qu’il avait perdue depuis le 22 mars 2012.
A u cours d’une conférence de presse, le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tienan Coulibaly, a annoncé la mise en place prochaine de la commission de négociation (CNN). La présidente de la Commission de l’Union africaine, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, s’est réjouie de la tenue de cette réunion dans la capitale malienne, avant d’exprimer le souhait que désormais les rencontres du genre aient lieu à Bamako. Elle avait à ses côtés pour cette conférence de presse, le président de la Commission de la CEDEAO, Désiré Kadré Ouedraogo : l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations-Unies pour le sahel, Romano Prodi ; le représentant du secrétaire général des Nations-Unies en Afrique de l’Ouest, Saïd Djenit et le Secrétaire général adjoint des Nations-Unies, Jan Eliasson.
Le « projet de concept stratégique pour la résolution des crises que connait le Mali », qui a été largement partagé par tous les participants et qui sera enrichi des contributions des parties prenantes, traite du processus politique et de la gouvernance inclusive, de la restauration de l’autorité de l’Etat au nord du Mali et la préservation de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays, de l’organisation d’élections libres, régulières et transparentes, d’appui à la reconstruction post-conflit et à la consolidation de la paix, entre autres. Dans la résolution 2071, le Conseil de sécurité a demandé l’élaboration de ce document qui doit lui parvenir dans un délai de 45 jours. Le Conseil de sécurité de l’ONU a indiqué que le document doit être soumis au Secrétaire général des Nations-Unies avant de lui parvenir. « Il nous reste 30 jours, le concept stratégique qui a été partagé à Bamako fera l’objet d’une réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine le 24 Octobre prochain », a souligné Mme Zuma. Nous pourront respecter le délai du Conseil de sécurité, a-t-elle ajouté. « Le chemin est parsemé d’embuches, mais si nous nous donnons la main nous pouvons réussir », poursuit-elle. A noter que l’adoption par le conseil de sécurité de ce concept stratégique sera le feu vert pour le déploiement des forces internationales au Mali et pour l’intervention militaire contre ceux qui refuseront le dialogue. A cet effet, le déploiement des forces militaires pourraient intervenir dans un mois.
Belle unanimité
Selon Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, à Bamako, il y a eu une concordance de vue sur toutes les mesures à prendre. La réunion a souhaité que les Maliens conduisent les actions à mener et que les autres viennent en appui. Ces actions concernent sans doute la reconquête de l’intégrité territoriale et la tenue des élections, qui ne pourront se faire que lorsque tout le territoire national sera libéré. L’urgence pour Mme Zuma, c’est : ouvrir les négociations et préparer l’intervention militaire pour permettre au Mali de récupérer le terrain, de recouvrer son intégrité territoriale. L’assistance humanitaire, à cet effet, est capitale. Mais aussi, il faut prévoir des actions de développement à court terme, selon Mme Zuma.
Le Secrétaire général adjoint, Jan Eliasson, a abondé dans le même sens que la présidente de la Commission en déclarant qu’il est essentiel que l’avenir du Mali soit discuté au Mali. Il a mis l’action sur l’action humanitaire à penser, le Conseil de sécurité ayant demandé à préparer une intervention militaire. Il a souligné que l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations pour le sahel, Romano Prodi, travaillera en étroite collaboration avec le représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit. Contrairement à la Syrie, le cas malien a fait l’unanimité au Conseil de sécurité des Nations-Unies : à cet effet sa décision qui sera prise par l’organe aura force de contrainte pour tous les Etats.
Le Mali devant, les autres en appui
Pour le président de la Commission de la Cedeao, Désiré Kadré Ouedraogo, à Bamako, il y a eu l’unanimité pour rejeter le terrorisme, ne pas tergiverser sur l’unité et la laïcité du pays. « Nous devons apporter notre soutien au Mali qui doit être devant ». Il a souligné la nécessité de dépêcher au Mali, une force de stabilisation pour aider le pays. La réunion a vu une parfaite concordance de vue de tous les partenaires, et le rejet de toute accession au pouvoir par un coup de force. Selon le président de la Commission de la Cedeao, un plan d’opération sera annexé au concept stratégique. Le déploiement des forces permettra de protéger les personnes et leurs biens. Le concept d’opération doit permettre au Conseil de sécurité de donner son feu vert pour le déploiement. Le retour à l’ordre constitutionnel est indispensable, a-t-il conclu. Le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tienan Coulibaly, a fait de « la satisfaction de tous les participants, une victoire diplomatique du gouvernement d’union nationale ». Il a affirmé que la commission nationale de négociation annoncée par le président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, sera mise en place pour dialoguer avec les groupes armés maliens disposés au dialogue, les autres qui ne connaissent que le langage de la force seront combattus par les forces militaires. Il a soutenu qu’il n’y aura pas d’élections avant de recouvrer l’intégrité territoriale du pays. B. Daou
CONCLUSIONS
Le Groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali s’est réuni à Bamako, le 19 octobre 2012, dans le prolongement de sa rencontre d’Abidjan du 7 juin 2012. La réunion, qui a été conjointement présidée par l’Union africaine (UA), les Nations unies et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a vu la participation de représentants de haut niveau des pays de la région et de partenaires internationaux.
La réunion a été ouverte par le Président par intérim de la République du Mali, M. Dioncounda Traoré. Elle est la première rencontre internationale à laquelle a pris part la nouvelle Présidente de la Commission de l’UA, Dr Nkosazana Dlamini-Zuma, depuis sa prise de fonction, le 15 octobre 2012.
La réunion a offert l’occasion d’examiner les derniers développements de la situation au Mali et d’interagir avec les autorités maliennes, en particulier le Premier Ministre et des Ministres du Gouvernement d’union nationale, sur la voie à suivre. La réunion a également examiné le projet de Concept stratégique pour la résolution des crises que connaît le Mali, élaboré par l’UA, en consultation avec les autorités maliennes, la CEDEAO, les Nations unies, l’Union européenne (UE) et d’autres acteurs internationaux.
La réunion a marqué la réintégration du Mali dans les efforts diplomatiques internationaux. Elle a donné l’occasion aux participants de s’unir dans la solidarité avec le peuple malien et de convenir avec l’État du Mali d’une mobilisation optimale en faveur de la réalisation de l’objectif du parachèvement de la restauration de l’ordre constitutionnel, ainsi que de celui de la préservation de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale du Mali. C’est dans cet esprit que les conclusions suivantes ont été adoptées:
La réunion a félicité la CEDEAO et les dirigeants de la région pour leur engagement et les efforts qu’ils ne cessent de déployer pour aider le Mali à surmonter les défis auxquels le pays est confronté. Elle a reconnu la contribution des pays du champ dans la lutte contre les réseaux terroristes et la criminalité transfrontalière organisée dans la région. La réunion a, en outre, exprimé sa satisfaction pour les initiatives prises par l’UA, y compris l’annonce faite par la Présidente de la Commission de l’UA de la prochaine nomination d’un Haut Représentant pour le Mali et le Sahel et de l’ouverture d’un Bureau de l’UA au Mali, ainsi que pour son rôle de coordination globale, conformément aux principes qui sous-tendent l’Architecture africaine de paix et de sécurité. La réunion s’est félicitée de la nomination par le Secrétaire général des Nations unies d’un Envoyé spécial pour la région du Sahel, M. Romano Prodi, ainsi que de l’adoption par le Conseil de sécurité des résolutions 2056 et 2071. Elle a félicité les autres acteurs internationaux, y compris l’UE, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) et les partenaires bilatéraux, pour leur contribution aux efforts en cours.
La réunion s’est félicitée des progrès accomplis dans le règlement de la crise institutionnelle née du coup d’État du 22 mars 2012, notamment la formation du Gouvernement d’union nationale, le 21 août 2012. Dans le même temps, la réunion a réitéré la profonde préoccupation de la communauté internationale face à la situation qui prévaut dans le nord du Mali, soulignant qu’elle constitue une sérieuse menace à la paix et à la sécurité au Mali, dans la région et au-delà. Elle a aussi exprimé sa préoccupation face à la grave situation humanitaire sur le terrain.
Mettant l’accent sur l’importance d’une direction nationale unie et de l’appropriation par le Mali des efforts de recherche de solutions durables aux crises auxquelles il est confronté, la réunion a appelé les autorités et les parties prenantes maliennes à redoubler d’efforts et à tirer pleinement profit de l’élan international actuel, notamment en:
renforçant la cohésion entre les institutions de la transition afin de faciliter la mise en œuvre des deux principales tâches de la transition, à savoir la restauration de l’autorité de l’État sur la partie nord du pays et l’organisation d’élections libres, régulières et transparentes, au cours du premier trimestre de l’année 2013;
élaborant, en priorité, à travers de larges consultations nationales et avec le soutien de la communauté internationale, une Feuille de route détaillée, avec des mesures concrètes assorties d’un chronogramme clair, sur la mise en œuvre des deux principales tâches de la transition, et ce en application des résolutions 2056 et 2071 du Conseil de sécurité;
établissant, le plus rapidement possible, la structure nationale envisagée pour mener les négociations avec les groupes armés maliens dans le nord prêts à s’engager dans un dialogue pour trouver une solution politique à la crise, sur la base du strict respect de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale du Mali, du rejet du terrorisme et de la criminalité transnationale organisée, ainsi que de la rébellion armée. La réunion a souligné que les négociations ne peuvent durer indéfiniment;
saisissant l’opportunité de la réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA du 24 octobre 2012, consacrée à l’examen de la situation au Mali, pour fournir un calendrier sur la mise en œuvre des points 4 (c.ii) et (c.iii) ci-dessus;
veillant au respect des droits de l’homme et de l’état de droit, en luttant contre l’impunité et en assurant une autorité pleine et effective des institutions civiles sur le pouvoir militaire, en conformité avec les résolutions et décisions pertinentes de la CEDEAO, de l’UA et de l’ONU, ainsi qu’avec les positions d’autres acteurs internationaux;
prenant des mesures immédiates pour faciliter les efforts de la communauté internationale visant à répondre à la requête sur le déploiement d’une force militaire internationale, y compris en sensibilisant tous les acteurs concernés à cet égard.
Les participants ont exprimé la détermination de leurs organisations et pays respectifs à maintenir l’élan international actuel et à apporter le soutien nécessaire aux efforts maliens visant à relever les défis qui se posent. À cet égard, tenant compte de la demande de soutien adressée par les autorités maliennes de transition à la CEDEAO, à l’UA, aux Nations unies, à l’UE et à d’autres partenaires, la réunion a:
salué le projet de concept stratégique, qui constitue une étape importante vers une plus grande coordination entre les acteurs internationaux et une approche globale des crises que connaît le Mali, à travers des mesures concrètes traitant des questions liées à la transition et à la gouvernance au Mali, à la restauration de l’autorité de l’État au nord, à la réforme du secteur de la sécurité, aux élections, à la stabilisation et à la consolidation de la paix, à la reprise des services de base et à l’assistance humanitaire, ainsi qu’au suivi;
noté que le CPS de l’UA examinera le projet de concept stratégique le 24 octobre 2012, en vue de son adoption et de sa transmission au Conseil de sécurité des Nations unies, afin qu’il puisse apporter son appui à ce Concept;
encouragé la CEDEAO, l’UA, les Nations unies et l’UE à accélérer, en collaboration avec les autres parties prenantes, la finalisation de la planification conjointe pour répondre à la demande faite par les autorités de transition du Mali pour la mise en place d’une force militaire internationale sous la conduite de l’Afrique, afin d’aider les forces armées maliennes à reconquérir les régions occupées du nord. À cet égard, la réunion a demandé aux trois organisations d’élaborer un programme de travail conjoint décrivant toutes les tâches à entreprendre en vue de finaliser la planification, y compris le concept d’opération, étant entendu que, dans toute la mesure du possible, toutes les activités y relatives devront être menées au Mali. Les participants ont affirmé attendre avec intérêt le rapport sur le déploiement envisagé et d’autres aspects connexes que le Secrétaire général des Nations unies doit présenter, conformément à la résolution 2071, et ont noté avec satisfaction la disponibilité du Conseil de sécurité à répondre à la demande des autorités de transition du Mali;
appelé à l’adoption de sanctions contre les réseaux terroristes et criminels, ainsi que contre les groupes rebelles maliens et les individus qui ne se démarquent pas des organisations terroristes et/ou refusent de s’engager dans un processus de négociation en vue de trouver une solution à la crise dans le cadre indiqué ci-dessus, prenant à cet égard note de la disponibilité exprimée par le Conseil de sécurité à adopter des sanctions ciblées;
encouragé les pays du champ à intensifier leurs efforts de lutte contre les réseaux criminels et terroristes, en particulier à travers l’Unité de Fusion et de Liaison (UFL) et le Comité d’État-major opérationnel Conjoint (Cemoc), appelé à une meilleure coordination entre eux et la CEDEAO, et exhorté la Commission de l’UA à prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin;
exhorté les États membres de l’UA et la communauté internationale dans son ensemble, y compris les organisations régionales et internationales, à mettre à la disposition des forces de défense et de sécurité maliennes le soutien requis en termes financier, logistique et de renforcement des capacités, en vue de leur permettre de jouer le rôle principal dans le rétablissement intégral de l’autorité de l’État sur la partie nord du pays et le démantèlement des réseaux terroristes et criminels, conformément à la résolution 2071 du Conseil de sécurité;
souligné l’impérieuse nécessité pour tous les acteurs internationaux concernés à coordonner étroitement leurs efforts en vue de relever les défis multiformes auxquels fait face la région sahélo-saharienne, en tenant compte, à cet égard, du rôle important de l’Envoyé spécial des Nations unies. Les participants ont convenu de tenir, dans un avenir proche, une réunion du Groupe de soutien et de suivi sur cette question, et se sont félicités de l’offre faite par l’UE d’abriter ladite réunion;
lancé un appel en faveur d’un soutien régional et international accru en vue de faire face aux besoins humanitaire immédiats, tant au nord du Mali que dans les pays voisins accueillant des réfugiés fuyant le conflit.
Les participants ont fortement insisté sur l’importance cruciale que revêt un partenariat étroit et des relations de travail efficaces à tous les niveaux entre tous les acteurs internationaux concernés, y compris la CEDEAO, l’UA, les Nations unies, pour faciliter un soutien coordonné aux efforts menés par les Maliens. A cet égard, les participants ont souligné le rôle central de coordination du Groupe de soutien et de suivi, et ont exhorté les co-Présidents à élaborer rapidement, en consultation avec les autres parties prenantes, des modalités visant à renforcer le fonctionnement du Groupe et son efficacité.
BAMAKO, MALI LE 19 OCTOBRE 2012