En mars 2002, le putschiste Amadou Toumani Touré répondait à l’appel lancé par une foultitude d’associations et clubs de soutien à sa candidature. Il choisit Sikasso pour déclarer officiellement cette candidature et se lancer dans la course à la présidence. Le 08 juin de la même année, il est investi par son prédécesseur Alpha Oumar Konaré à la tête de l’Etat. Dix ans plus tard, dans la perspective de l’hypothétique, discutable et contestable élection présidentielle du 29 avril, et dans l’impossibilité certaine d’organiser ce scrutin (et sans doute des autres prévus) sur les 2/3 du territoire national, Sikasso demeure le terrain de prédilection des chasseurs de voix.
Sikasso est régulièrement et constamment harcelée en cette période de précampagne et le sera davantage à partir du 08 avril, date de lancement officiel de la campagne électorale.
Pour ne citer que les cas les plus récents, le 02 mars, Moussa Mara, président de Yéléma et candidat à la présidentielle y tenait une conférence de presse sur son programme de gouvernement, pendant quela Codemy organisait son premier congrès ordinaire. Ce dernier parti, avec quatorze autres réunis dans un regroupement de formations politiques, les Pur, investissaient, en grande pompe, au même endroit, le 04 avril, leur candidat à la présidentielle. Les 10 et 11 mars, c’est Soumana Sako, à la tête d’une importante délégation dela Cnasdont il défendra les couleurs lors de la prochaine présidentielle, qui animait des meetings à Sikasso et Kadiolo. Le lendemain 11, l’Adema-Pasj, dont le candidat investi est Dioncounda Traoré, était à Bougouni.
Lors de l’investiture de Housséni Amion Guindo par les Pur à Sikasso, un responsable politique local n’a pas manqué de signaler que faire les yeux doux aux Sikassois est une vieille tradition qui remonte aux pères de l’indépendance. Une tradition dans laquelle sont en train de s’inscrire les prétentieux à la succession d’ATT. Modibo Sidibé a longtemps mûri l’idée d’y être investi, avant de se rappeler qu’il est originaire de cette région (précisément du Wassoulou) et que son initiative pourrait être prise pour une quête du vote régionaliste.
Si cette contrée est tant convoitée, c’est parce que c’est la région la plus peuplée du Mali. Parmi les cercles, Sikasso fournit le plus fort contingent des représentants à l’Assemblée nationale, avec sept députés.
Mais malgré tous ces petits calculs électoralistes, il n’est venu à l’idée d’aucun prétentieux que si Sikasso est convoitée en raison de l’abondance de son «cheptel» électoral, aucun ressortissant de cette région n’avait jamais, avant 2012, eu des chances sérieuses réelles de gravir avec succès le chemin escarpé de Koulouba. Les quelques rares acteurs politiques à s’être essayés à cet exercice ardu et périlleux n’ont, jusque-là, obtenu que des résultats que certains qualifieraient pudiquement et avec euphémisme, d’honorables, pour ne pas dire lamentables. Mais en cette année de conquête acharnée, au cours de laquelle le nombre des prétentieux sera réduit par certaines mesures éliminatoires (nous y reviendrons), Sikasso pourrait se distinguer véritablement avec des résultats vraiment honorables. Peut-être même les plus honorables.
D’abord grâce à un de ses ressortissants de souche, Modibo Sidibé, régulièrement classé dans le haut du tableau des observateurs, pronostiqueurs et sondeurs. L’ancien Premier ministre est à pied d’œuvre pour mener et gagner une campagne électorale dans laquelle l’argent aura son mot à dire. Et Modibo Sidibé, aux affaires pendant deux décennies dans les cercles du pouvoir, a les moyens de sa campagne. Ensuite grâce à un de ses ressortissants d’adoption, le député élu et adulé à Sikasso, Housséni Amion Guindo. L’homme jouit d’une grande aura dans le royaume du Kénédougou où il jouit de la bienveillante protection de notabilités, leaders communautaires et patriarches. En quelques années, il a su également huiler les rouages d’une machine électorale, grâce à un parti implanté sur l’ensemble du territoire national.
Enfin grâce aux trois principaux maîtres d’œuvre et d’ouvrage des prochaines élections: le général Kafougouna Koné, ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, le général Chaka Sangaré, délégué général aux élections, l’imam Mamadou Diamoutani, président dela Commissionélectorale nationale indépendante. Tous trois sont originaires de Sikasso. Feront-ils pour autant jouer la fibre régionale ?
Cheick TANDINA