Rétrospection : 2012, une année catastrophe

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Le 17 janvier dernier, lorsque le Mnla a déclenché sa rébellion armée pour revendiquer l’indépendance de l’Azawad, nombreux sont les observateurs à avoir cru que ce n’était qu’une rébellion de plus. Ils ne savaient pas que le pire était à venir. En effet, moins de trois mois plus tard, Bilal Ag Acherif et ses camarades indépendantistes, qui, loin d’être des anges, ont réussi la performance de s’allier avec le diable, le démon et le satan, trois pensionnaires de l’enfer qui se réclament de l’islam. De fait, si Mnla, Aqmi, Mujao et Ansar Eddine ont réussi ce qu’un ancien ministre français a appelé victoires militaires sur l’armée régulière, personne qu’ils parviendraient à occuper totalement et entièrement les trois régions du nord. Se permettant même, cerise sur le gâteau, d’occuper une grande partie de Mopti, région du centre.

Premières discussions à Ouagadougou, le 4 décembre 2012
© AFP

Cette réussite, les terroristes, narcotrafiquants, indépendantistes et prétendus islamistes la doivent à un emballement de l’histoire. En effet, à Bamako même, un coup d’Etat militaire est perpétré le 22 mars, mettant fin au pouvoir d’un président démocratiquement élu, rompant la chaine de commandement militaire. Ce qui permettra la prise et l’occupation du nord en seulement trois jours. Du jamais vu.

Mais depuis, ce n’est pas seulement le nord qui est déstabilisé car le sud également a connu et connait toujours son lot de crise sécuritaire et institutionnelle sans précédent. Le 22 mars venait de mettre à nu l’hypocrisie généralisée de certains acteurs. Chacun a voulu profiter de la situation. Pour ce faire, la classe politique et la société civile se sont divisées en deux clans antagoniques : Fdr et Copam. Les animateurs du premier sont farouchement opposés aux putchistes et ont réclamé, de même que la Cédéao, le retour à l’ordre constitutionnel. Seulement, les sauveurs de la démocratie et de la République n’ont à aucun moment réclamé le rétablissement du président renversé dans son fauteuil présidentiel, a fortiori le maintien de son gouvernement. Le calcul était simple, le jeu d’intérêt était là : il fallait se débarrasser du président militaire afin de favoriser le retour des politiques aux affaires, après dix années d’absence. Et gérer le pays, même si c’est à travers un président par intérim. Pour cela, point n’est besoin de s’émouvoir des graves violations de la Constitution. La Copam aussi avait fait ses petits calculs, et était prête à tout pour avoir un Sanogo président de la République, un Mariko Premier ministre et des strapontins pour certains cadres qui n’auront rien à gagner par le biais d’élections libres et transparentes.

Mais pendant que les uns et les autres rêvaient, le nouvel homme fort du pays s’imprégnait des réalités, notamment celle du pouvoir que tous les putschistes ne peuvent apparemment pas exercer sans essuyer les foudres de la communauté internationale. Un pantin est vite trouvé pour diriger le gouvernement, avec un président par intérim. Avec cette cohabitation forcée, la transition ne tardera pas à s’avérer confuse, cahoteuse et cacophonique. Surtout que le pantin avait choisi ses propres hommes et femmes aux postes ministériels, sans même consulter la classe politique ni la société civile. De fait, il ne se laissait pas tirer toutes les ficelles, ne se laissait pas faire, n’écoutait personne, n’obéissait plus. Cette velléité indépandantiste de gestion solitaire du pouvoir fit qu’il fut débarqué par ceux-là mêmes qui l’ont fait nommer. Mais, il faut le dire, il aura beaucoup plus de chance que Dioncounda Traoré qui, le 21 mai, a été tabassé dans son beau palais présidentiel par une foule hystérique.

Mais si Cheick Modibo Diarra a été proprement débarqué, on peut dire qu’il continue un peu de gouverner car sur les trente membres du gouvernement actuel, vingt-quatre avaient été nommés par lui. Son successeur, Diango Cissoko n’a eu la latitude de ne choisir que qu’une demie douzaine de ministres, ce qui fait dire à certains qu’il n’est que le chef d’un gouvernement de six membres. Néanmoins, il est chargé de gérer le reste de la transition, c’est-à-dire qu’il est théoriquement là jusqu’à avril. Toute la question est de savoir s’il pourrait d’ici là atteindre les objectifs fixés à la transition, à savoir libérer le nord de la présence des groupes armés et organiser des élections libres et crédibles. La crise institutionnelle étant loin d’être réglée, certains semblent ne pas vouloir lui laisser le temps d’arriver juqu’à avril. En effet, une coalition de regroupements sociopolitiques est en train de battre le pavé pour réclamer la tenue de concertations nationales visant à doter le pays de nouveaux organes et acteurs de la transition. Ses membres semblent résolus à faire partir au plus tôt le président Dioncounda Traoré, son Premier ministre et son gouvernement. Ils ne sont divisés que sur un point : tenir les élections avant ou après la libération du nord.

Autant dire que si cette calamiteuse année 2012 est bien morte, le Mali est loin de sortir de l’ornière et du cycle des divisions à propos de tout et de rien.

Cheick Tandina

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