Renouvellement du Haut Conseil des collectivités : Le test grandeur-nature

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Conformément aux dispositions légales en vigueur, le département en charge de l’administration et des collectivités locales est entré de plain-pied dans le processus de renouvellement du Haut Conseil des Collectivités. Au sein des états-majors des formations les plus significatives de l’arène politique malienne, la compétition fait rage depuis quelques semaines et donne lieu à des chocs d’ambitions qui n’ont rien à envier aux autres échéances électorales. Mais, par delà les querelles de positionnement et stratagèmes – dont la dimension est restreinte au cercle des partis les plus représentatifs -, l’enjeu du rendez-vous électoral réside également dans la mise à l’épreuve du mécanisme électoral dans un contexte d’insécurité dans une partie du pays.

 

Depuis la convocation du collège électoral y afférent, puis la fixation des échéances de dépôt des candidatures pour l’élection des membres du Haut Conseil des Collectivités, une bataille débridée est engagée au sein des formations politiques les plus dotées de sièges de conseillers communaux. Le collège électoral étant constitué des élus communaux en exercice, comme en dispose la loi électorale, les ambitions pour accéder à cette institution de la République – laquelle est appelée à disparaître au profit du Sénat – ne sont l’apanage que d’un nombre de partis politiques triés sur le volet.

En vertu des mêmes dispositions légales, le scrutin se déroule au niveau régional et chaque région dispose de 8 représentants à l’institution consultative, soit un total de 72 sièges à pourvoir à travers le pays, sans compter le quota de trois représentants qui reviennent aux Maliens de l’Extérieur.

Dans le cadre de la course pour lesdits sièges, chaque formation politique traverse actuellement une période d’agitations internes à la proportion de son poids et des ambitions au sein de ses structures. L’enjeu est de taille, en définitive, et les conférences électives de désignation des représentants au HCC, au niveau des différentes circonscriptions électorales, donnent lieu par endroits à des foires d’empoigne et des malaises très gênants et difficiles à surmonter en cette période de précampagne et de grandes manœuvres pour l’élection présidentielle.

Les alliances et conciliabules sont également au rendez-vous et donnent l’occasion à certaines formations moins nanties d’avoir juste le privilège de grappiller quelques sièges au Haut Conseil des Collectivités. Ainsi, en dépit du marquage à la culotte qui caractérise leur rapport et d’une divergence d’intérêt manifeste, l’Adema et l’URD, faisant sans doute l’économie d’un choc pouvant s’avérer fatal pour l’un ou l’autre – en attendant leur inévitable confrontation à la présidentielle – ont choisi de faire cause commune et de cheminer ensemble dans nombre de circonscriptions. C’est le cas, exemple parmi tant d’autres, dans la région de Kayes où, pour la prospérité de leurs ambitions respectives, les deux partis ont convenu d’aller en liste commune dans un strict respect de la hiérarchie représentative régionale. Avec plus de 4 centaines d’élus en 1ère région,  le Parti de l’Abeille aspire ainsi à trois sièges contre trois pour l’URD et un seul pour le PDES en tant que troisième force de la région, puis un autre pour le PARENA éventuellement. Idem pour la Région Ségou où les négociations et calculs continuent d’être certes houleuses entre les deux formations mais aboutiront fort probablement à un partage de la poire dans une hiérarchie à peine observée en association avec le parti pro-présidentiel. C’est le même à Bamako où la probabilité d’une liste commune entre les deux partis les plus influents est également très forte, mais à l’avantage du PASJ qui compte plus de 80 élus sur les 250 et aspire à une proportion de 4 des 8 sièges grâce à son emprise sur 5 des 6 communes du District. Idem pour Sikasso où les Adémistes envisagent une alliance avec l’URD et l’UDD avec la prétention d’arracher pas moins de 5 des 8 sièges de la Région.

Le scénario est en revanche différent à Koulikoro, en 1ère région localité, où le Parti de l’Abeille compte mener la barque seul en manifestant des ambitions dans les proportions qu’à Sikasso.

Les régions du Nord et du Centre font exception à la règle. À Mopti, par exemple, une confrontation Adéma-URD est pratiquement inévitable. Non seulement parce que les préférences du Parti de l’Abeille sont favorables au PDES mais aussi parce que la transhumance massive d’élus communaux en faveur du Parti de l’Abeille  semble propice à une épreuve des forces. Une situation similaire se présente dans les Régions de Tombouctou et de Gao où le PASJ s’estime assez fort pour composer avec des partenaires de préférence. Dans la première comme dans la seconde localité, les ruchers prétendent à six (6) sièges sur les huit (8) à pourvoir en alliance avec le PDES en 7ème tout comme en 6ème Région, bastion électoral du président du Haut Conseil des Collectivités. Avec une telle configuration, le parti majoritaire malien, l’Adéma-PASJ, semble à tout le moins en bonne position pour tirer parti de sa confortable ascendance dans chacune des régions et confirmer sa suprématie aux futurs élections à scrutin indirect. Reste à savoir si l’avance du Parti de l’Abeille s’exprimera dans les proportions qui lui permettront de maintenir les coudées franches sur l’institution et de demeurer maître du jeu à la mise en place de ses instances dirigeantes.

En tout état de cause, l’un des enjeux du renouvellement de l’institution, pour les grandes formations politiques, réside avant tout dans l’occasion qui est offerte à l’opinion de juger du degré de loyauté des élus locaux à leurs familles politiques respectives. À quelques encablures de l’élection présidentielle, le résultat des urnes pourrait être assez indicatif de la matérialité de la suprématie théorique de certains grands prétendants de la compétition.  Il s’agit manifestement d’un test-grandeur nature pour les grandes formations dans un contexte d’illisibilité sur leur valeur intrinsèque à cause des vagues de transhumances ainsi que des présomptions de déloyauté.

L’autre grand enjeu – le plus important peut-être – réside dans l’effectivité même du renouvellement du Haut Conseil des Collectivités. Les regards sont en effet tous rivés sur un rendez-vous électoral très déterminant quant à l’aptitude des pouvoirs publics à tenir des compétitions électorales dans une atmosphère d’insécurité sur une partie  du territoire national. Si les consultations ne peuvent se tenir  pour un collège électoral aussi restreint, il va sans dire que cela apportera de l’eau au moulin de tous ceux qui brandissent la sécuritaire comme argument favorable au report des élections générales. Cette donne est d’une pertinence telle que la Région de Kidal fait pratiquement exception parmi les circonscriptions qui vivent une atmosphère électorale par ces temps qui courent.

A. Keïta

 

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