Moins de deux mois après sa naissance et à un mois de la rentrée parlementaire d’octobre, le Parti pour le développement économique et la solidarité (PDES) vient d’initier une série de visites de courtoisie aux partis dits frères. C’est ainsi que le président Ahmed Diané Séméga, à la tête d’une importante délégation du parti du 17 juillet, a été reçu au siège des partis comme l’URD, le CNID, le PSP et l’Adema-PASJ. Cela, en prévision de la formation imminente du groupe parlementaire PDES qui, inévitablement, va faire grincer des dents au sein des grands partis de la majorité présidentielle comme dans ceux de l’opposition.
Traditionnellement, c’est quand il y a des rumeurs de remaniement ministériel que les réunions des directions des partis politiques affichent complet. L’attention du passant devant le siège de l’Adema, dans l’après-midi de ce jeudi 26 août 2010, était aussitôt attiré par le nombre impressionnant de véhicules qui y étaient garés. Si les ministres n’étaient pas en vacances, on aurait pensé que les consultations en vue de la composition du futur gouvernement avaient commencé. Tous les barons de la Ruche étaient là pour serrer la main au président du PDES, Ahmed Diané Séméga et aux autres membres du Comité directeur de son parti. En effet, l’état-major du PDES était là ce jour pour -comme on le dit en langage diplomatique – une visite de courtoisie à ce parti frère et ami qu’est l’Adema-PASJ, le premier parti sur l’échiquier politique national. C’était donc un grand jour pour les deux partis qui se rencontraient pour la première fois depuis la création du PDES, le 17 juillet 2010, dans un climat quelque peu tendu. Ce n’est pas la météo qui était en cause ce jour-là quand Ahmed Diané Séméga et les autres " amis " du président ATT lançaient le parti présidentiel. Au contraire, le temps était beau et clément.
En dépit de cela, les grands partis n’avaient envoyé lors de la création du PDES que des seconds couteaux. Ni Dioncounda Traoré de l’Adema, ni IBK du RPM, ni Younoussi Touré de l’URD n’avaient fait le déplacement à ce baptême du nouveau-né. Pourquoi ? Par mépris, méfiance, défiance ou tout simplement indifférence ?
C’est vrai que l’arrivée du PDES n’avait pas enchanté les grands partis qui voyaient en lui un intrus sur la scène politique. Le parti présidentiel n’était, peut-être, pas le bienvenu pour ces personnalités qui ont alors préféré rester chez elles, ou prolonger leur séjour à l’extérieur du pays pour ne pas être obligé de cautionner l’arrivée d’un indésirable sur la scène politique.
En moins de 5 minutes, le nom ATT est revenu 12 fois
Quant au président de l’Adema-PASJ, le Pr. Dioncounda Traoré, dans son mot de bienvenue, il " a salué la naissance du nouveau parti comme une nécessité historique…et souligné que les relations entre les deux partis s’inscrivent naturellement dans les liens tissés de longue date entre les membres de l’Adema-PASJ et le Président Amadou Toumani Touré ". En conclusion du communiqué conjoint, rédigé à l’issue de cette rencontre, les deux partis " ont exprimé leur disponibilité à œuvrer ensemble à la réussite des actions du président Amadou Toumani Touré, à préserver sa place dans l’histoire de notre pays et à constituer, dans un esprit d’ouverture, un socle de stabilité pour assurer la sauvegarde des valeurs démocratiques et républicaines ".
Comme on le voit partout, au sein des grands partis, le président de la République fait l’unanimité. Ce qui va assurément faciliter l’implantation du parti de ses " amis " et la formation d’un imposant groupe parlementaire à laquelle ils s’attèlent déjà. Aux dires d’un des participants à l’une des rencontres, en quatre minutes, le président du PDES a prononcé douze fois le nom du président de la République. Qui peut dire mieux?
De l’avis de nombreux observateurs, c’est en prélude au chamboulement que connaîtra le Bureau de l’Assemblée nationale, suite à la formation du Groupe parlementaire PDES, que le parti présidentiel œuvre à créer un climat de coopération avec les partis représentés à l’Hémicycle. Déjà le futur groupe parlementaire PDES compterait 17 députés qui seront certainement rejoints par d’autres élus de l’Adema, du CNID ou de l’URD. Mais pour le moment, rien ne prouve que le PDES nourrit l’ambition de rogner sur le territoire de ceux-là auxquels il vient précisément de rendre une visite de courtoisie. A moins que ce ne soit un casus belli déguisé. Avec l’installation du groupe PDES à l’Assemblée nationale, c’est d’abord le RPM de Ibrahima Boubacar Kéïta qui sera déclassé, de la troisième position à la quatrième, avec dix députés. Et ce sera la descente aux enfers pour les groupes qui viennent après. Les privilèges étant liés au nombre de députés, des parlementaires de la majorité comme de l’opposition risquent de perdre des positions aujourd’hui enviées. En octobre prochain, à cause de l’irruption du PDES dans l’Hémicycle, des députés feront leur deuil des postes de vice-président au Bureau de l’Assemblée nationale ou des Commissions de travail, etc.
Le PDES est-il venu alors pour tout chambouler ? Après Bagadadji, ce sera certainement le tour au Gouvernement. Seulement que cela dépend uniquement du président de la République. Seul habilité à chambouler à ce niveau.
Mamadou FOFANA