Pour la troisième fois en moins d’un an, tous (majorité, opposition et société civile), étaient “invités” à Koulouba à l’appel du chef de l’Etat. Mais rarement, sinon jamais, les uns et les autres n’en sont redescendus satisfaits, rassurés ou requinqués, ni par la manière, encore moins par le contenu qui leur est offert à chacune de ces occasions.
Visiblement, le président de la République et ses conseillers n’ont su, à ce jour, surmonter les difficultés qui empiètent gravement la communication présidentielle, que lui-même a qualifié par le passé de “lamentable”. Le mal serait-il ailleurs ? La situation est d’autant plus inquiétante, que beaucoup de compatriotes, voire même certains amis du Mali, commencent à sérieusement perdre espoir sur l’éventuelle amélioration des choses.
De moins en moins les Maliens croient en la capacité de leurs autorités à relever les défis du moment. La psychose, liée à l’épidémie de la maladie à virus Ebola, est venue enfoncer le clou dans une situation de crise et d’angoisse déjà latente.
C’est devenu une constante : depuis la première d’une série de rencontres du genre après débâcle de l’armée à Kidal en mai 2014, suite à la visite inopportune et dangereusement compromettante à la paix et la cohésion nationale effectuée par le Premier ministre Moussa Mara quelques jours auparavant (le 17 du même mois), le chef de l’Etat a du mal à faire passer ses messages auprès de son opinion.
La seconde rencontre était dans la foulée du démarrage des pourparlers inclusifs inter-maliens à Alger. Sur chacun de ces deux sujets, la situation se présente-t-elle sous de meilleurs auspices pour le Mali aujourd’hui plus qu’au moment de ces rencontres ? On ne saurait l’affirmer de bonne foi.
Cependant, une autre évidence est la complexité de la situation actuelle du pays. En effet, plongé de plain-pied dans des scandales de tous ordres, à travers notamment des surfacturations, un niveau de corruption jusque-là inégalé, les détournements de deniers publics à grande échelle, le favoritisme, le népotisme, la fuite en avant, le laxisme et l’immobilisme au sommet de l’Etat, (malgré une volonté apparente de prouver le contraire par de multiples voyages et déplacements à l’utilité incertaine ici et là et partout en même temps), la cherté de la vie, les tensions sociales qui affectent aujourd’hui plusieurs pans de la société, les attentes et injonctions formulées par les partenaires techniques et financiers, l’entame de l’ultime phase des négociations entre gouvernement et groupes armés à Alger, entre autres, sont autant de maux qui font que Mali est plus que jamais dans la tourmente. L’absence de perspective assombrit davantage ce climat nuageux, voire orageux. Dans de telles conditions, il était tout à fait indiqué que le premier magistrat du pays veuille bien échanger avec les forces vives.
Mais hélas ! Eh oui ! Hélas ! Pour ce faire, les observateurs ont été encore et une fois de plus déçus par la manière, mais aussi et surtout le contenu des échanges (?) si on peut appeler les choses ainsi. Il y eut tout sauf consultations à plus forte raison concertations. Le président de la République, comme à l’accoutumée, s’est contenté de présenter la situation globale dans sa perception à lui, avant de donner la parole à quelques-uns pour des avis, dans la plupart des cas des avis personnels et non de ceux aux noms desquels ils sont censés être présents. Où est l’intérêt de telles rencontres ? Si ce n’est que pour mettre simplement la forme là où les circonstances exigent un contenu réel.
Confusion et inquiétude
Les images sont si édifiantes sur le climat qui a prévalu tout au long de ses dernières séances. Une salle à la limite muette et à l’allure timorée dans un climat aussi froid que glacial, des interlocuteurs plus ébahis qu’intéressés. Voilà ce à quoi il nous a été donné d’assister à l’issue de ces rencontres de mercredi et jeudi derniers. Les quelques rares voix discordantes, essayant tant bien que mal d’aller un peu dans le sens de la gravité de la situation nationale, auraient été celles de l’archevêque de Bamako, Mgr Jean Zerbo, lors de la rencontre avec la société civile et quelques leaders de partis de l’opposition.
Malheureusement elles n’ont pas été suffisantes au regard du chef de l’Etat pour lui faire admettre de descendre de son piédestal afin de se mettre véritablement à l’écoute de son peuple, celui-là même qui lui a fait confiance pour qu’il soit en ces lieux et fonctions. Une attitude que Soumaïla Cissé, son challenger aux dernières élections, n’hésite pas de qualifier “d’orgueil” injustifié.
Au sortir donc de cet autre échange avec la classe politique et la société civile, nonobstant tout ce qui a pu y être dit de part et d’autre, on est conforté dans l’impression, qu’isolé qu’il est, le président de la République, initie ces rencontres dans le seul but de s’entendre plutôt exposer soi-même sur des sujets qui ne sont malheureusement pas soumis à débats, puisqu’ayant lui-même déjà décidé, tranché ou avec une position plus ou moins déjà arrêtée.
Dans ces conditions, les participants, toutes tendances confondues, en ressortent généralement davantage plus confus et inquiets, qu’éclairés et rassurés. Le président de la République le sait-il ? A-t-il conscience qu’il est de plus en plus seul et isolé de tous ?
En tous les cas, le pays va mal. La situation est empirée par l’absence de perspectives, de vision claire et de visibilité dans les actions au plus haut sommet de l’Etat. Etant le garant de l’unité et de la cohésion sociale, de la paix, de la sécurité et du bien-être dans le pays ainsi que pour toutes les populations qui y vivent, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, doit revoir son casting et toute sa stratégie de gouvernance dans la conduite des affaires de l’Etat.
Le plus tôt serait le mieux. Car, le malaise est aujourd’hui si profond au sein de la population, que l’incertitude et les incohérences dans la gestion des priorités risquent d’agrandir le fossé qui le sépare de plus en plus avec ses concitoyens. Cet état de fait est désormais perceptible dans toute la société, tant du côté des détracteurs du régime qu’au sein même de ses partisans.
IBK doit rassurer et ses compatriotes, et ses partenaires. Pour cela, il urge qu’il reprenne, sans délai, définitivement la main, comme il aurait dû déjà le faire dès le lendemain de sa brillante et historique élection à la magistrature suprême un certain 11 août 2013. Dans le cas contraire, s’il persiste dans la voie actuelle, il aura failli lamentablement dans ses engagements à restaurer un Etat, certes affaibli, mais entier dans sa souveraineté et son intégrité, dont il a hérité de la transition.
B.Sidibé
Voleur
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