RELATIONS ATT – CHIRAC : La fin de la lune de miel ?

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Il n’est pas bien loin l’époque où les présidents Chirac de France et Amadou Toumani Touré du Mali étaient à tu et à toi. Ou le Gaulois ATT appelait fièrement le président français « Jacques », à l’occasion du dernier Sommet Afrique-France que le Mali a abrité en décembre 2005. Depuis, beaucoup d’eaux ont coulé sous le pont. Si l’on en croit l’article de Arsène Lepigeon, les relations entre les deux hommes ont pris un sérieux coup de froid à l’occasion du dernier Sommet de la CEDEAO à Abuja. Pour avoir fait capoter moyennant finance (selon toujours Arsène Lepigeon) le plan de la France visant à dépouiller le président Laurent Gbagbo de ses prérogatives au profit du premier ministre dans le cadre d’une transition démocratique, ATT s’est aliéné la sympathie et le soutien du président français. Il est ainsi qualifié de « furtif » dans les milieux des services spéciaux français une épithète peu flatteuse désignant un personnage insaisissable et peu fiable. Des accusations graves que regrette l’auteur de cet article. Koulouba n’a pas encore daigné démentir.

Refuser de communiquer, faire le dos rond et laisser passer la tempête. Telle est la voie choisie par le Président ATT qui, même pris dans des bourrasques, reste stoïque. Au nom du Mali.

Si pendant longtemps, ses «relationnistes» ont pu avec efficacité canaliser les médias occidentaux par rapport au «dossier Mali», il semble qu’il y ait un frémissement depuis la signature de l’Accord d’Alger.
ATT, «le furtif», comme on l’appelle désormais, a perdu de son lustre même si avec condescendance et paternalisme, le Président Chirac continue de voir en lui son «ami».

En réalité, il n’est pas loin du scénario auquel on a assisté entre Bokassa et De Gaule, entre Bokassa et Giscard.
Avec son ironie mordante, le Général De Gaule a, sous cape, toujours parlé de Bokassa comme d’un soudard, c’est à dire un soldat mercenaire. Un mercenaire qui a pu devenir officier de l’Armée française que la France a accompagné dans toutes ses bouffonneries.

On aura bien entendu le même De Gaule déclamer les mérites de Jean Bédel Bokassa, «le Président à vie de la République centrafricaine». On aura également vu cette même France payer la note de l’intronisation de ce même Bokassa comme Empereur !

Et quand éclata «l’affaire des diamants», Giscard n’hésitera pas à donner la logistique pour se défaire de cet encombrant compagnon.
ATT n’est-il pas dans le même cas de figure avec Chirac ? Au début, certains décideurs, dans la défense des intérêts de la France ont tablé sur le retour aux affaires de ATT, parce que justement il est un «ami», c’est à dire celui qui est capable de servir l’Etat français en n’étant pas français. A l’arrivée, le paltoquet se donne un brin de consistance et essaie de tenir tête. C’est juste bon pour déclencher les hostilités : l’ami devient «le traître», le «furtif».

Moins que Moussa

Le Président Moussa TRAORE avait tous les défauts du monde, mais l’opinion a surtout retenu de lui que, toutes les fois qu’il est rentré d’un voyage, il a essayé d’en faire la synthèse sur les ondes de l’ORTM. L’exercice était devenu un rituel qui a fini par lasser, mais il gardait son importance.
Aujourd’hui que constate-t-on quand le Président de la République revient d’un sommet ? La piste, les corps constitués, les honneurs et puis piff…. Koulouba.

A croire qu’il se dérobe à ses obligations. Il a pourtant toujours eu un porte-parole parmi ses ministres, dans tous ses gouvernements. On se rappelle que sous le Premier Ministre Ahmed Mohamed Ag Hamani ce rôle avait été dévolu au phosphorescent Ministre de la Communication, Gaoussou DRABO. Mais quand il a fallu se séparer de Ag Hamani, ATT, en personne n’a pas hésité à lui reprocher publiquement son déficit de communication ! Ag Hamani s’est retiré et le ministre de la communication, supposé relayer les positions du gouvernement est resté. Il a cédé son chapeau à son collègue Ousmane THIAM, l’emphatique. Qu’est-ce qu’il est prolixe ! Qu’est-ce qu’il est bavard ! Mais que dit-il ? Pour lui communiquer, c’est faire l’apologie du chef de l’Etat et du Mouvement Citoyen.

Donc ATT et les Maliens sont en déphasage total. Il n’ y a même pas un déficit de communication, mais une faute de communication dont l’illustration nous est donnée par l’article éponyme de Arsène Lepigeon.

Les faits : ATT a participé au sommet de la CEDEAO sur la Côte d’Ivoire. La CEDEAO a décidé d’un huis-clos à l’issue duquel elle se retient, dans un premier temps, de faire connaître ses positions sur la crise ivoirienne. Il a fallu une communication des services de Sirleaf du Libéria pour que les vraies recommandations de la CEDEAO soient connues.

Dans la foulée, c’est un journaliste français qui attaque et dénonce brutalement le Président ATT accusé notamment d’avoir trahi et d’avoir fait échouer les propositions de la France.

Les faits sont graves, très graves. Mais le Président ATT se tait. Ses services se taisent. Et même quand le ministre des affaires étrangères veut donner des explications, ATT prend la parole pour dire qu’il est un soldat qui est prêt à tous les sacrifices pour le Mali !
Il ne donne aucune explication. Voilà comment il communique. Voilà comment le chef de l’Etat discrédite son mandat. C’est l’emprise de la rumeur.

La dérive

Auparavant, il y a eu l’estocade du Sphinx qui de révélation en révélation a fini par mettre le pays dans la rue. Ici aussi personne ne dit mot, sinon pour dans un premier temps traîner d’honorables citoyens dans la boue. IBK ? Soumeylou Boubèye MAIGA ?
Pour le chef de l’Etat, l’essentiel, c’est de chercher à savoir qui est l’auteur de ce livre, les faits rapportés important peu.

Et Comme groggy (demandez au grand frère Pierre Diakité qui a fait de la boxe dans son jeune âge) le pouvoir a perdu tout contrôle et se claquemure. Aux allégations de Le Sphinx que personne n’a démenties jusqu’ici, on préfère dire en sourdine qu’on ne répond pas à un tract. Certes, mais un tract publié, en France, championne de la démocratie et des libertés publiques sur les plaquettes d’une maison d’édition tout aussi célèbre.
Les quelque rares folliculaires qui se sont risqués sur l’arène n’ont trouvé mieux que de tirer des conclusions simplistes du genre «ce sont des aigris», des «niengos» et des «hassidis»…

Même Mountaga TALL, se dédouane en disant qu’il ne s’est pas rendu en France à la recherche du Sphinx qui, de toute façon, depuis deux jours, dit tout haut qu’il est à Bamako, sur le terreau des Niaré. Voilà qui en rajoute à la témérité, quand en plus des journaux, certainement les plus lus d’après les enquêtes de la Sécurité d’Etat, ils envoient une copie de leur épouvantail sur le fax du Premier Ministre.

Que dire de plus sinon que l’affaire que le Sphinx vient de rendre publique est loin d’être un artefact ! La Direction Générale des Marchés Publics existe, tout comme existe la Cellule d’Appui à l’informatisation du secteur financier. L’évocation de ce seul dossier aurait dû mettre en branle tout le système de contrôle d’un Etat qui se respecte.

La conclusion est toute simple : puisque les services de renseignements ont fini de faire leur travail en déposant leur rapport circonstancié au bon endroit, ils s’attendaient à ce que des actions suivent. Jamais. Et puisque le chef ne réagit pas de toute façon, il faut rendre public le dossier.
Telle paraît être la démarche. Et on peut dire qu’elle est d’une grande efficacité. Elle porte, parce que pour la première fois, les Maliens apprennent que le sommet de l’Etat organise la prostitution en direction de la Libye.

Mais Le Sphinx aurait dû ajouter aussi qu’il y a à ce niveau des dames de compagnie connues des services du Protocole de la République et qui font tout, au nom de l’Etat, pour accompagner des illustres hôtes de passage !

Le Sphinx et Arsène Lepigeon n’ont, après tout, mis au jour que des turpitudes qui dépassent les enjeux d’une seule personne. Quand on apprend que le chef de l’Etat du Mali, pour des billets de banque, ravale sa langue, il y a à se poser des questions.

Hambodedio BARRY

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