Depuis un certain temps, la problématique de la révision de la Constitution de la 3ème République se pose avec acuité. Les débats s’alimentent et s’enveniment souvent à dessein. Pour le régime IBK, la révision de notre Constitution est une impérieuse nécessité. Est- ce pour dire que celle de 1992 est désormais obsolète ?
Pour d’autres au contraire, cette révision constitutionnelle est inopportune au regard de l’imbroglio sociopolitique dans lequel notre pays est plongé depuis quelques temps. Nous n’avons pas l’intention ici de passer au crible de la raison discursive le contenu du projet de la «nouvelle» Constitution de notre pays.
Il s’agira simplement pour nous de ressortir quelques enjeux de la bataille que suscite la programmation du vote référendaire pouvant donner une assise légale audit projet.
Mais avant tout, il convient de rappeler aux Maliennes et Maliens qu’ATT avait tenté un jumelage entre l’élection présidentielle et le référendum devant légaliser le projet de révision de notre Constitution.
En voulant faire le couplage de la présidentielle et du référendum, ATT a voulu obliger les Maliens à entériner son projet de Constitution.
Dans cedit projet, il était question de créer un Sénat qui pourrait être le créneau suprême de légitimation et de légalisation de la volonté du président de la République. Ce couplage a avorté à la faveur du coup d’Etat du capitaine Amadou Haya Sanogo.
Au regard du mode de désignation des membres de ce futur Sénat, il y a fort à se brûler l’auriculaire si ce n’était pas pour que le président ait les mains totalement libres pour changer à dessein le destin de notre pays, mais aussi pour créer des postes à bouffer pour une certaine classe de fonctionnaires véreux. Dieu était du côté de notre peuple travailleur.
ATT a été chassé du trône par des militaires patriotes. Mais on pourrait se demander s’il n’y avait pas la main sale de gouvernants français dans ce sale projet. La seule certitude c’est qu’il avait été cautionné par bien de politiciens maliens en mal d’honneur et de décence politique.
Qu’est-ce que les Maliens avaient affaire avec un Sénat au moment où ils étaient humiliés et écrasés par la misère économique et la flambée illicite des prix de toutes les denrées de première nécessité ?
En clair, au moment où ATT travaillait à coupler le référendum et la présidentielle, la situation sociopolitique et sécuritaire était explosive. Ce couplage avait été justifié dans des milieux proches de la présidence de la République par la nécessité d’une austérité budgétaire. Quelles billevesées et quelle grosse poudre aux yeux des aveugles de la politique !
Au Mali, la rupture de confiance est bien réelle et consommée entre le peuple et ses gouvernants. Pendant que bien de citoyens n’avaient pas accès aux soins de santé les plus élémentaires et à la nourriture décente, ATT avait entrepris d’installer un Sénat qui ne peut être que budgétivore.
Le philosophe allemand Hegel disait avec forte conviction : «Chaque époque, chaque peuple se trouve dans des conditions particulières, forme une situation si particulière que c’est seulement en fonction de cette situation unique qu’il doit se décider. Dans le tumulte des événements du monde, une maxime générale est d’aussi peu de secours que de se souvenir des situations analogues qui ont pu se produire dans le passé. Car un pâle souvenir est sans force dans la tempête qui souffle sur le présent. Il n’a aucun pouvoir sur le monde libre et vivant de l’actualité.».
Aujourd’hui, plus qu’hier, les devins, les géomanciens, les franc-maçons se mobilisent les uns pour la réussite de la fameuse révision de notre Constitution, les autres pour son échec cuisant. Qui de ces deux (02) groupements de politiciens songe au mieux- être socioéconomique et sécuritaire de notre peuple travailleur ? Nul, nous disons encore nul car lorsque les loups se battent pour avoir l’aval et l’estime d’un agneau, c’est bien celui-ci et seulement celui-ci qui en sortira victime innocente. Est- ce pour contraindre notre peuple à adhérer à l’esprit de cette révision constitutionnelle en vue de mettre en avant la primauté du Sénat et sur l’Assemblée nationale et sur le peuple, qu’hier comme aujourd’hui des politiciens secouent tous les cocotiers pour parvenir à leurs fins inavouables ? En tout cas, Aristote n’avait pas manqué de dire avec raison : «Les hommes obéissent bien mieux à la nécessité qu’à des paroles, à des châtiments qu’à des représentations. La loi seule a le pouvoir de les contraindre. On prend en aversion les hommes lorsqu’ils contredisent les passions, mais on ne hait point la loi.»
Il ne peut être question d’oublier de si tôt que l’une des raisons de la rupture entre le président Alpha Oumar Konaré et son Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta (semble t-il) fut la volonté du président de modifier la Constitution. Cette histoire va-t-elle se répéter entre IBK et son premier ministre ? Rien n’est moins sûr quand on sait que celui-ci ne nourrit aucune ambition politique pour Koulouba !
L’on rappelle que ce que certains appellent ‘’opposition’’ a organisé une conférence de presse pour décrier le projet de révision de la Constitution élaboré par le régime IBK. C’était le jeudi dernier à la Maison de la presse. Le même jour, une association dénommée «Trop c’est trop» a tenté une marche de protestation allant dans le même sens que l’opposition (même s’il faut se garder de les mettre dans le même sac).C’est à coup de gaz lacrymogènes que la marche de la même association a été dispersée, samedi 10 juin courant. Mais pourquoi cette conférence de presse maintenant ? Certainement parce qu’organisée par IBK qui les éloigne progressivement de leur abreuvoir, mais aussi pour amuser la galerie.
Sinon, avec ATT, aucune voix ne s’est levée en son temps pour dire au général que notre pays n’a que faire de ce Sénat et que le peuple malien souffrait dans sa chair et dans sa conscience les affres d’une gestion calamiteuse de ses affaires.
Pour autant, si ‘’l’opposition’’ n’a que faire des cris de cœur et de gueule de notre peuple, ce n’est pas non plus le régime IBK qui veut pour lui un paradis terrestre et pour cause :
– Le peuple malien, pris dans le tourbillon des joutes électorales d’août 2013, a cru en Ibrahim Boubacar Keïta surtout à cause des slogans chers aux «Maliens»: «Pour l’honneur du Mali», «Le Mali d’abord.». Le résultat, rappelons-le, fut sans appel: 77,66% des suffrages exprimés pour le candidat du RPM. Ce score exprimait, si besoin en était, le ras-le- bol de nos masses laborieuses quant aux comportements illicites et machiavéliques des hommes et des femmes qui animaient jusque-là la vie politique nationale.
Vous demandez au petit mouton attaché à la porte de la maison si la République se porte bien, il va bêler à l’échec cuisant de IBK et cela sur pratiquement tous les plans. Par exemple, les Maliens (pour ceux qui le croyaient) espéraient sur un ‘’Mali un et indivisible’’, sur la fin de la faim, de la malnutrition, des périclitassions de l’école malienne. Bref, bien de citoyens avaient pris IBK comme la solution idoine à la crise multidimensionnelle que connaît notre pays depuis la chute de Modibo Keïta.
Peine perdue : la montagne de l’espoir du peuple a accouché d’une souris qui ne sait même pas la direction à prendre pour soulager ceux qui croyaient encore en cette ‘’démocratie malienne’’’ au service de la France coloniale. Loin de réussir la réunification de notre territoire, IBK a vu la gestation d’un Etat dans notre Etat. En tout cas, il ne peut dire sincèrement aujourd’hui comment va la région de Kidal et qu’est-ce qu’on y fait.
– Sur le plan de la santé, la grève illimitée des hommes de la blouse blanche a occasionné plein de pépins au sein de nos populations. Il convient de rappeler en passant l’action patriotique salutaire de l’association «Trop c’est trop» qui a effectué marches et set- in pour réclamer la fin de ladite grève des hommes de santé.
– L’on ne peut dire avec décence que IBK se bat pour l’avenir de notre peuple mais pour des intérêts privés comme en témoigne le refus catégorique du ministre de l’Education nationale sortant, Barthélémy Togo, de s’assoir avec les syndicats d’enseignants, jouer franc- jeu, pour sauver l’école malienne. Loin de là, comme «solution trouvée», les autorités scolaires ont organisé des cours de soutien pour les élèves du public en vue de palier à l’absence prolongée des enseignants dans les classes et du coup, saboter leurs revendications. Et que dire du payement des rares enseignants qui ont accepté donner ces cours de soutien ? Jusqu’à ce dimanche 11 juin 2017, après trois mois consécutifs de cours de soutien à raison de deux mille francs l’heure, personne n’a reçu un centime des autorités scolaires. C’est bien cela servir l’école malienne !
– Sous IBK, les denrées de première nécessité ne sont plus abordables, la flambée des prix trouant aujourd’hui dangereusement le panier de la ménagère avec rhétorique abasourdissante.
C’est face à ce chaos socioéconomique que le président IBK veut la tenue de son référendum, le 9 juillet prochain, c’est-à-dire dans trois semaines six jours. Il n’est pas exagéré de dire qu’en établissant le chronogramme de ce référendum pour valider son projet de révision de la Constitution en vue de la mise en place de son Sénat, IBK a établi l’acte de décès du Mali uni. Si le oui l’emportait (au cas où le vote référendaire aurait lieu), ce serait la signature de l’acte de partition de notre territoire.
– Ce référendum est-il aussi une poudre aux yeux des aveugles ! En tout cas, les démons et les devins ne ménageraient déjà aucun effort pour placer Karim Keïta à la tête dudit Sénat. Ainsi, au cas où IBK se sentirait incapable de continuer à gérer les affaires du pays, le relais du pouvoir serait vite fait à son fils.
Si depuis la chute de Moussa Traoré ce sont les mêmes têtes qui se relayent aux différents postes de responsabilité au sommet de l’Etat, la mise en place du Sénat sera l’occasion de concentrer tous les pouvoirs dans les mains d’une poignée d’individus qui n’auront que faire de l’intérêt national. Alors, bonjour la monarchie constitutionnelle!
Aujourd’hui, le Mali a besoin d’une conférence nationale en vue de fonder la 4ème République avec toute la latitude de conduire à la retraite politique définitive tous ceux qui se sont mouillé la barde depuis la chute de Moussa Traoré dans cette politique politicienne mais aussi toutes celles qui ont trempé leurs foulards dans la gestion calamiteuse de nos affaires ! Comme si le pouvoir au Mali est une dynastie !
On peut dire aujourd’hui sans risque de se tromper que les hommes et les femmes ont leur calcul mais que Dieu le tout puissant à le sien. Qu’il veille sur le Mali !
Fodé KEITA