Refondation de la démocratie malienne : Ces erreurs devant servir de leçons pour un nouveau départ

13

La classe politique malienne commettrait un crime grave si elle n’arrivait à tirer aucune leçon des événements qui ont défiguré le Mali depuis le janvier 2012 jusqu’à aujourd’hui. Des questions légitimes fusent. Genre “Comment en est-on arrivé là ? Quelles sont les tares du fonctionnement politico-institutionnel du pays, qui ont pu entrainer sa désagrégation? “. Si des réponses appropriées ne sont pas trouvées à ces interrogations pour éviter d’autres trébuchements, le prochain pouvoir devra mener une nouvelle transition.

 

Le Président par intérim, Pr Dioncounda Traoré
Le Président par intérim, Pr Dioncounda Traoré

Le sage dit que le jour du malheur est fait pour réfléchir. De cette réflexion doit découler une lumière purificatrice du groupe social frappé par le malheur. Le drame sociopolitique consécutif à la crise que traverse le Mali depuis janvier 2012 et dont le paroxysme a été atteint avec le coup d’Etat du 22 mars suivant, appelle les acteurs politiques et de la société civile à une autocritique sans complaisance. Même si cette réflexion ne doit pas entraîner de facto une autoflagellation, elle aura le mérite de permettre surtout à la classe politique de s’auto-évaluer. Cette analyse, qui ne justifie en rien le coup d’Etat du 22 mars, permet de reconnaître tout de même que la gouvernance du président Amadou Toumani Touré a joui d’une trop grande… exubérance.

En effet, élu comme “indépendant ” qui a coiffé au poteau, les leaders politiques, ATT a, par action ou omission, bénéficié d’un accompagnement vite transformé en compagnonnage. L’on doit avoir l’honnêteté de rappeler que le contexte “démocraticide ” du consensualisme avait plombé la gouvernance entre 2002 et 2007. L’Adéma-PASJ, le parti le plus fort alors, malgré quelques réticences en son sein, avait choisi de s’aliéner au pouvoir. Les autres formations politiques comme le RPM, le CNID, le MPR, le PARENA, l’URD  (créé en 2003) signeront une surprenante allégeance pour applaudir à se rompre les phalanges “le chef du parti de la demande sociale”. Cet embrouillamini exhale un parfum d’unanimisme qui a commencé à plomber le débat politique. Le manifeste de l’ADJ de feu Dr Abdoul Karim Traoré dit Diop n’avait alors été considéré que comme l’expression de quelques méprisables états d’âmes…

Après les élections législatives de juillet-août 2002, le RPM, le parti qui a réalisé le meilleur score et dont le leader avait appelé à soutenir ATT au second tour de la présidentielle se hissera, à travers son président IBK, au perchoir de l’Hémicycle. ATT nommera son Premier ministre, non au sein de la majorité issue des urnes, mais selon son bon vouloir. Mohamed Ahmed Ag Hamani est bombardé, sans aucune coloration politique connue, à la primature. Malgré cela, sa déclaration de politique générale, qui devrait être rejetée, a été applaudie par les députés. Idem pour ses trois successeurs :  Ousmane Issoufi Maïga, Modibo Sidibé et Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé. Aucun de ces chefs du gouvernement  n’a  été nommé conformément à la Constitution, c’est-à-dire  être issu du parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Il s’en est suivi que les différents Premiers ministres ont été quasiment des hommes liges face à un président de la République hyper puissant ; tandis que les députés se sont complus dans un rôle de godillots.

La conséquence de ce mode de fonctionnement institutionnel est que le chef de l’Etat a eu une gestion solitaire du pouvoir. Plusieurs acteurs et observateurs de la scène politique nationale le reconnaissent aujourd’hui. “Des questions sensibles comme le dossier du nord, les forces de défense et de sécurité ont été gérées selon les seules humeurs du président de la République “, commentait, le lundi dernier, un responsable politique membre du FDR. Une récente confidence d’un leader de ce regroupement politique faisait état de propositions soumises à ATT en février 2012 par rapport à la crise sécuritaire du nord (elle était à ses débuts) qu’il avait rejetées, plus par mépris que par autre chose. Ces propositions ont été préparées par Dioncounda Traoré, Tiébilé Dramé et Soumaïla Cissé.

Des témoignages d’anciens collaborateurs du palais de Koulouba rapportent que le chef de l’Etat gérait le problème du nord par de simples coups de fil à tel ou tel acteur sur le théâtre des opérations. “Le ministre de la Défense et celui de la Sécurité, les chefs d’Etat-major des armées étaient plus ou moins mis devant le fait accompli. Ils n’étaient pas, en tout cas, au courant de certaines décisions que le chef de l’Etat prenait tout seul sans les consulter”, soulignait un autre responsable politique.

Lors de son intervention à la tribune  de la 13ème édition du Forum de Bamako, le vendredi 15 février dernier, l’ancien ministre des Affaires étrangères et leader du parti pour la renaissance nationale (PARENA), Tiébilé Dramé a établi un diagnostic sans complaisance de la crise politico-sécuritaire que traverse le Mali depuis plusieurs mois. Dans une communication intitulée “Crise du Nord : Négocier ? Avec qui ? Pour quels résultats ? Pour des discussions inter-maliennes inclusives”, cet ancien médiateur de l’Onu dans la crise de Madagascar appelle à  “enclencher, sans délai, un processus politique pour la refondation de la démocratie et des institutions et pour poser les jalons d’un nouveau  Pacte national de paix, de réconciliation et de cohésion “.

Pour le leader du parti du bélier blanc, il faut que le Mali arrive à “crever les abcès, panser les blessures,  tirer les leçons des secousses et des épreuves traversées,  dessiner les contours du Mali post-crise et poser des fondations plus solides de l’édifice sur lequel reposera notre commune volonté de vivre ensemble. Le premier volet du processus politique prendra la forme de discussions inter-maliennes pour résoudre la crise du Nord : il s’agira d’une mini-conférence nationale ou d’un congrès des communautés du Nord pour la paix, la cohabitation intra et intercommunautaire, la réconciliation et la cohésion nationales…

Ce congrès, précise-t-il, regroupera les représentants de toutes les communautés du Nord : élus, société civile, chefs traditionnels, leaders religieux, dirigeants des femmes et des jeunes. Les groupes armés qui déposeront les armes et qui se plieront aux lois de la République,  dont la Constitution est la première, devront être invités à y participer.

Il faut donc reconnaître que la transition actuelle devrait permettre à la classe politique de réfléchir à tous les errements du passé pour rectifier le tir.

Les concertations nationales devraient avoir aussi cette vertu curative. Mais, les cafouillages d’amorce de cette période transitoire avec un “Premier ministre de pleins pouvoirs”, Cheick Modibo Diarra, n’ont rien arrangé à la chose. Il faut donc, dans cette dynamique électorale qui s’enclenche, que le prochain président malien se considère comme le chef d’une nouvelle transition. C’est à lui de rassembler les uns et les autres et poser les grandes questions de la nation sur la table pour que des réponses appropriées y soient trouvées. C’est à ce prix que le nouveau Mali sera reconstruit pour qu’il n’y ait “plus jamais ça ” ! 

Bruno D SEGBEDJI

Commentaires via Facebook :

13 COMMENTAIRES

  1. « Enclencher, sans délai, un processus politique pour la refondation de la démocratie et des institutions et pour poser les jalons d’un nouveau Pacte national de paix, de réconciliation et de cohésion « .
    COMME LE BEAU PERE, LE GROS MOTS ET LES NOUVELLE TEMINOLOGIES. CA SUFFIT AVEC CA MAINTENANT.
    Maintenant chaque malien doit prendre conscience qu’il est une PIECE IMPORTANCE DE CETTE NATION ET CETTE DEMOCRATIE. Et chaqu’un doit operer le changement individuel necessaire a la renaissance du NOUVEAU CITOYEN MALIEN.
    Le changement ne viendra ni d’en haut, ni d’en bas, mais de tous et de chacun.

  2. plus jamais ça .
    A la seule condition qu’on ne prend pas les memes.
    Comment des gens qui ont fait la revolution de 91 ont pu accepter que le Mali sombre en leur presence.
    Dans nos coutumes, le chef ne décide jamais seul.Les gens honetes qui l’entourent lui font revenir chaque fois à la raison. S’il refuse, il est destitué.
    Si les gens qui l’entourent se reprochent quelque chose, ils ne peuvent évidemment pas dire la vérité au chef. Je doute que ça ne soit le cas au Mali les vingt dernières années.
    Nous sommes tous responsables de cette situation.On n’a jamais appris qu’un responsable malien a demissionné parcequ’il n’a pas été entendu par le chef.
    On peut faire des milliers de forrums et de conférences nationales, si le malien ne change pas, on ne bougera pas d’un mètre.

  3. Pourquoi attendre apres les elections. C’est le medecin apres la mort. Il faut organiser les concertations nationales qui vont apporter des nouvelles propositions au code electoral et a la charte des partis.

  4. Merci M. le journaliste. C’est bien dit il ne s’agit pas de cautionner le coup d’état mais de décrier les raisons. Je pense qu’il serait sage de prolonger la transition. Je n’aime pas l’actuel pr’siden mais je pense qu’il peut nous aider à refaire le Mali. Il est aussi coupable par son silencE pendant le reigne d’ATT. C’est sa grande force aussi. Et il sait qu’on ne voulait pas de lui dans l’ADEMA. Et le mal dU MALI c’est l’ADEMA. Si on arrive à les écarter le Mali pourrair renaitre.

    • oui ,sinon ,ils sont tous coupables,ces politiciens,ils disent avoir fait une proposition a ATT au mois de fevrier 2012,et disent le debut des hostilités au nord,mon eoil,c’etait la fin de tout,ll’ossature de la rebellion etait visible et la fin du regine proche.he,tous ,vous etes coupables.le peuple ne vous pardonnera jamais ce laxysme.apres le nord ,nous penserons a nettoyer la maison,pour que plus jamais ,nous et nos descendants ne soient confrontés acela.waitandsee 😈 😈 😈 😈 😈

  5. Espérons que les erreurs et fautes graves soient des leçons retenues pour toujours. Nous avons vu les leaders de l’ADEMA applaudir ATT pour la plus grande bêtise de sa vie, et la plus grosse bourde de l’état malien, c’est-à-dire la signature de l’accord d’Alger de 2006. Seuls IBK et Mariko ont eu le courage d’exprimer leurs désapprobation de cet accord.
    Espérons que ces leçons soient bien retenues pour le bonheur du Mali.

  6. Oh! que je me retrouve dans ton article et je vois cette fois ci la touche d’un journaliste, donc vous journalistes doivent faire votre meaculpa car tout le monde à laisser faire dans ce pays, surtout vous qui devraient la voie des sans voie!!!

  7. La meilleure personne pour faire repartir notre pays du bon pied est et reste Modibo SIDIBE…croyez moi!
    Il a l’expérience!!!!

    • S’il s’agit de suivre betement les présidents sans donner son opinion, il en a l’expérience oui. En vingt ans de sillonnement entre les ministères, quel acte concret il a pu poser quelque part? 😥 😥

    • Mais modibe sidibe fut longtemps premier ministre de att. il fut complice de ce dernier.Remarquer bien, tous ces premiers ministres sont du nord

    • Voyez vous malgré la dureté de la crise que nous subissons, je crois que certains n’ont toujours rien compris. Notre problème n’est pas d’avoir à la tête de l’état quelqu’un qui aurait une expérience dans la “gestion” du pouvoir, mais plutôt quelqu’un qui aurait une vision pour le Mali, qui aurait suffisamment de caractère, de force morale, pour remettre la société en marche. La crise que nous traversons est une crise de société, que ce soit au niveau de la justice, de la santé, de l’enseignement, des mœurs. . L’autorité de l’état est a terre, bref notre société est pourrie. Alors franchement l’expérience importe peu dans ce cas.

      • Ripcel, votre propos est des plus réaliste, il faut au Mali des hommes et femmes qui ont une vision de ce que doit devenir le Mali. Une vision à long terme. Le Mali est malade de ses hommes et femmes politiques plus intéressés par leur situation personnelle que par celle du Mali. Le Mali est un beau pays qui peut et doit devenir un grand pays, riche de ses peuples multiples, mais aujourd’hui pauvre de sa classe politique et par conséquence de son armée. Le Mali n’est pas tant malade du nord que malade de sa capitale. Bamako est le centre des problèmes que vie le Mali.

    • Quelle expérience ??? Disons des mauvais souvenirs pour les maliens. Tout sauf ce homme sans décision. Il n’a jamais pris une décision courageuse durant toute sa vie. Un premier ministre inexistant effacé et toujours planté dans son bureau. Nous avons connu des premiers ministres (comme IBK et Pinochet)courageux et pleins d’initiatives et surtout toujours sur le terrain à l’écoute des responsables et des masses.
      Modibo Sidibe a fait combien d’années comme premier ministre? pendant tout ce temps, il n’est jamais allé dans les régions; et n’en parlons pas pour Gao ou Kidal. Et c’est pendant sa campagne présidentielle avortée qu’il s’est rendu à Gao et Kidal. je crois qu’il n’oubliera jamais ce qu’on lui a mis dans les oreilles là-bas. je pense qu’il n’osera plus se rendre dans ces villes du nord pendant les campagnes prochaines.
      Que Dieu préserve le Mali de Modibo Sidibé à sa tête.

Comments are closed.